Alors que plusieurs provinces, le Québec y compris, ont emprunté une voie «conservatrice» qui favorise l’industrie financière et la prise en charge individuelle avec le régime volontaire d’épargne-retraite (RVER) et son pendant canadien, le régime de pension agréé collectif (RPAC), l’Ontario s’engage sur une voie étatique, plus de gauche, qui favorise «la mutualisation des risques de rente et de longévité», commente Tyler Meredith, directeur de recherche à l’Institut de recherche en politiques publiques, à Montréal.

Depuis 2010, peut-on lire dans le budget ontarien, la province a promu la bonification du RPC, une option que le gouvernement fédéral a définitivement bloquée en décembre 2013. Devant ce refus, l’Ontario a choisi d’aller quand même de l’avant.

Toutefois, elle souligne clairement qu’elle préfère une bonification du RPC, et «si le gouvernement fédéral est prêt à venir à la table, l’Ontario demeure un partenaire bien disposé», affirme le texte du budget.

Pour la classe moyenne

Le RRPO vise essentiellement à combler la lacune du RPC auprès des deux tiers des Ontariens qui ne bénéficient pas d’un régime de retraite d’employeur. Selon un principe général, un retraité devrait disposer à la retraite d’un revenu représentant environ 70 % de son revenu préretraite en additionnant ses prestations de RPC, sa pension de sécurité de la vieillesse (PSV), son régime de retraite privé et ses épargnes personnelles.

Or, le RPC ne remplace, au meilleur des cas, que 25 % de son revenu de travail. Et la prestation moyenne s’établit à environ 6 400 $ pour le Canada, soit environ la moitié de la prestation maximale actuelle.

C’est insuffisant et il faudrait que ce niveau de remplacement soit supérieur, selon le gouvernement ontarien. Pour palier ce problème, le RRPO vise à fournir un taux de remplacement de 15 % des revenus d’une personne, jusqu’à concurrence d’un maximum des gains admissibles de 90 000 $.

«Comme le RRPO vise à aider les personnes qui risquent le plus de ne pas épargner suffisamment, en particulier les personnes à revenu moyen n’ayant pas accès à un régime de retraite d’employeur, les participants à un régime de retraite comparable ne seraient pas tenus de s’inscrire au RRPO», lit-on dans un document budgétaire.

Voici une comparaison des éléments distinctifs du RRPO, comme les fait ressortir un courriel reçu du ministère des Finances de l’Ontario, avec certaines caractéristiques du RVER.

Indexation et flux constant. Le RRPO entend fournir au retraité une source de revenu stable et indexé à l’inflation à l’instar des prestation du RPC. Le RPAC et le RVER n’offrent aucune garantie de revenu à la retraite, celui-ci dépendant des aléas des rendements du portefeuille individuel de chaque retraité.

Mutualisation des risques. Le régime ontarien répartira sur l’ensemble de ses participants les risques liés à la longévité individuelle et les risques d’investissement, veillant à ce que les membres ne survivent pas à leurs épargnes. Le RPAC et le RVER laissent reposer ces risques entièrement sur les épaules de chaque participant. Si un retraité n’a plus suffisamment d’épargnes pour assurer le revenu des dix dernières années de sa vie… c’est son problème.

Employeurs et employés à parts égales. Employeurs et employés seront obligés de contribuer à parts égales jusqu’à hauteur de 1,9 % chacun (3,8 % combinés) pour un maximum des gains admissibles atteignant 90 000 $.

Cotiser au RPAC et au RVER n’est obligatoire ni pour les employeurs ni pour les employés. Le RVER se distingue par le fait que les employés sont inscrits par défaut et doivent prendre l’initiative de se retirer s’ils ne veulent pas participer. De plus, le pourcentage de cotisation peut être variable, le RVER fixant un niveau par défaut de 4 % quelques années après l’entrée en vigueur du régime. Enfin, le RVER n’impose aucun plafond de revenu comparable au maximum de 90 000 $ du régime ontarien.

Administration publique. Le RRPO sera administré par un organisme public, indépendant du gouvernement, responsable de la gestion des placements. L’administration des RPAC et RVER est confiée à des institutions financières privées, notamment les compagnies d’assurance et les banques.

Différent pour les faibles revenus

Certains détails importants ne sont pas précisés dans le document budgétaire. Alors que le maximum des revenus admissibles de 90 000 $ est spécifié, on ne sait pas encore quel sera le seuil minimum, fait ressortir Karen Tarbox.

«On sait que près de 90 % des revenus de retraite de ceux qui gagnent moins de 25 000 $ sont couverts par le RPC et la SV», dit Tyler Meredith, qui rappelle que le RRPO se porte surtout au secours des travailleurs de la classe moyenne. Ces derniers sont les plus susceptibles de manquer des revenus nécessaires à la retraite, et c’est pourquoi le maximum des gains admissibles, comparé à celui du RPCC, est rehaussé à 90 000 $.

Le budget ne dit pas non plus quel traitement fiscal sera réservé aux cotisations des participants, indique Karen Tarbox.

Complications pour travailleurs migrants

Enfin, le RRPO aura comme résultat d’exacerber le problème des travailleurs qui changent de province, font ressortir les deux commentateurs. Par exemple, qu’arrivera-t-il aux contributions d’un travailleur qui déménage en Alberta où le RPAC de cette province ne prévoit pas la participation des employeurs ?

Ce sont des détails qui seront précisés sans doute assez rapidement puisque le gouvernement ontarien compte lancer son nouveau régime dès janvier 2017, un objectif ambitieux, considère Karen Tarbox.

Selon Tyler Meredith, l’idéal serait qu’un RPC bonifié soit uniformisé dans tout le Canada, ce qui aurait comme conséquence de simplifier la situation des travailleurs mobiles. Une telle éventualité n’est pas exclue, fait-il ressortir.