Ces experts entrevoient une hausse des taux d’intérêt, ce qui devrait faire baisser la valeur des obligations.
Quant aux actions, les opinions divergent. Certains considèrent que le marché est déjà évalué à sa juste valeur et qu’il pourrait subir les contrecoups d’une hausse des taux. D’autres croient plutôt que le principal risque est de rater les occasions que générera la croissance de la productivité.
«Sur cinq ans, les obligations [le marché en général] rapporteront environ 0 %, et les actions [américaines], un rendement annualisé de 6 à 7 %», prédit François Bourdon, chef des solutions de placements chez Fiera Capital.
Le marché pourrait réserver de belles surprises, juge pour sa part Vincent Delisle, directeur principal, stratégie de portefeuille, à la Banque Scotia.
«Les profits des sociétés américaines ont recommencé à croître depuis deux trimestres et cela devrait se poursuivre à court terme», a-t-il indiqué.
Il estime que «les investisseurs sont trop pessimistes à l’égard des profits. Ça sera la portion importante du rendement pendant les prochaines années. On arrive à un rendement annualisé de 7,9 % du S&P 500 pour les 10 prochaines années, soit de 3 à 4 points de pourcentage de moins que durant la période de 1950 à 2016.»
Selon lui, «il faudrait un scénario très négatif pour amputer davantage ce rendement».
«Le rendement de dividendes du S&P 500 est de 2,1 %, par rapport à 3,4 % historiquement. Nous, nous l’établissons à 2,4 % d’ici 10 ans», a-t-il précisé.
Le stratège de la Banque Scotia est toutefois moins optimiste à l’égard du marché obligataire : «Les fed funds se retrouveront à 3 % d’ici 2019. Cela donne un rendement annuel de 1,7 % sur 10 ans».
Vincent Delisle reconnaît qu’«on peut parler de rendement décevant sur 10 ans».
Selon lui, ce contexte appelle à revoir la stratégie du «acheter et conserver» afin de «ne pas manquer de belles occasions».
«Si les taux d’intérêt ne sont pas en notre faveur, il faut alors être tactique», a-t-il dit. Surpondérer le portefeuille en actions est une des solutions possibles.
«Dans notre modèle, nous sommes à 75 % en actions, alors que le niveau neutre serait de 60 %. Le gros du risque réside du côté des taux d’intérêt, qui ont trop baissé cette année», a expliqué Vincent Delisle.
François Bourdon acquiesce en partie. «Les taux obligataires sont bas. Ça restreint les occasions de gains en capital.» De plus, les intérêts ne compensent plus la diminution du prix des obligations.
Solutions originales
François Bourdon craint toutefois que la hausse probable des taux ne rende les actions moins attrayantes. «Pourquoi les titres de pipelines s’échangent-ils à 20 fois les bénéfices ? C’est le taux d’escompte qui engendre cela.»
Il propose donc de miser sur des placements non traditionnels.
Le premier est la dette privée, qui profite du fait que «les banques délaissent les prêts qui exigent trop de capital».
«Un rendement de 7 % avec une cote BBB pour un investisseur privé, ça peut être intéressant. D’autant plus que ce n’est pas drivé [commandé] par le taux d’escompte, puisque l’échéance est souvent inférieure à cinq ans», explique François Bourdon.
L’immobilier et l’agriculture sont deux autres secteurs de placement privilégiés.
«Le taux d’escompte a un impact sur l’immobilier, mais il n’est pas le seul facteur. L’opération sous-jacente l’est tout autant», souligne-t-il.
Et pourquoi l’agriculture ? «La demande augmente, car la classe moyenne se développe dans les économies émergentes, tandis que l’offre subit des pressions à cause de l’urbanisation qui réduit la disponibilité des terres. Lorsque la demande augmente et que l’offre diminue, les prix augmentent.»
François Bourdon considère également les fonds de couverture (hedge funds), car «ils stabilisent les rendements».
Ces sources de rendement non traditionnelles devraient gagner en popularité. «Les investisseurs ne veulent plus de portefeuilles qui peuvent perdre quasiment la moitié de leur valeur comme en 2008. Ces catégories d’actif sont plus attrayantes, ce qui fait augmenter leur évaluation.»
De son côté, Jean-François Marcil, analyste principal à la Caisse de dépôt et placement du Québec, invite les épargnants à la prudence.
«Les rendements ont été globalement bons au cours des quatre dernières années. Lorsqu’on obtient un bon rendement dans un environnement relativement stable, on assiste souvent à un renversement brusque. Pensons à 2007, à 1987 et à… 1929», a-t-il rappelé.
Autre source d’inquiétude : l’endettement croissant des ménages, des gouvernements et des entreprises dans le monde.