Cinq milliards de dollars c’est à peu près ce que la société mère de Standard & Poor’s (S&P) a acquis au cours des sept dernières années.
C’est également ce que réclame le département américain de la Justice à la firme pour avoir donné son sceau d’approbation à des faisceaux de prêts hypothécaires à risque qui se sont finalement effondrés, ce qui a coûté des milliards aux investisseurs et a fait chuter l’économie, rapportait The Wall Street Journal, le 6 janvier dernier.
La plainte, déposée devant un tribunal fédéral de Los Angeles, représente la démarche la plus agressive du ministère de la Justice pour essayer de faire payer les entreprises responsables qui étaient au centre de la crise financière.
Les deux parties ont indiqué, mardi dernier, qu’elles se préparaient à une lutte juridique longue et coûteuse.
Le département de la Justice appuie notamment ses accusations sur des séries de courriels et autres communications échangées.
En mars 2007, par exemple, un analyste de la firme avait envoyé à ses collègues les paroles de la chanson « Burning Down the House » du groupe Talking Heads, au sujet de la détérioration du marché. Quelques minutes plus tard, l’analyste a envoyé un courriel de suivi: « Pour d’évidentes raisons professionnelles, veuillez ne pas transmettre cette chanson. Si vous êtes intéressé, je peux la chanter à votre poste de travail;-). »
Face à ces poursuites, l’agence de notation Fitch n’a pas hésité à dégrader McGraw-Hill, la maison mère de l’agence de notation financière S&P. Sa note passant de A- à BBB+. « Les récents événements ont accru les risques », argumente froidement l’agence américaine Fitch, propriété du Français Marc Ladreit de Lacharrière, relate le quotidien Le Monde.
Le procureur général de New York a également lancé une enquête sur la façon dont les grandes agences de notations ont accordé leurs notes. Une manière d’ouvrir un autre front juridique pour une industrie qui demeure dans la ligne de mire des enquêteurs de l’État et du gouvernement fédéral, explique The Wall Street Journal.
Eric Schneiderman, le procureur général de New York, a assigné le service de notation de Standard & Poor’s et a formellement demandé des informations au service des investisseurs de Moody’s et à l’agence Fitch pour examiner des notes émises durant la période qui a précédé la crise financière.
Toutefois, cette nouvelle action en justice n’est pas sure d’arriver à ses fins, en raison des accords passés en 2008 entre les agences de notation et le prédécesseur d’Eric Schneiderman, Andrew Cuomo, aujourd’hui le gouverneur de New York.
En juin 2008, Andrew Cuomo alors procureur général a signé un « accord de coopération » avec S&P et les autres principales agences de notation. Les termes n’ont pas été rendus publics pendant deux ans, mais ont été salués à l’époque par toutes les parties comme un ensemble de réformes révolutionnaires qui évitait des amendes ou d’autres pénalités, mais qui mettait en place de nouvelles structures tarifaires pour permettre aux firmes de cotation d’être moins dépendantes des émetteurs pour réaliser leur notation.
De son côté, Moody’s semble ne pas vraiment être inquiétée par ces poursuites. Contrairement à S&P, la firme a pris soin d’éviter les messages potentiellement embarrassants de salariés.
Ces dernières années, les analystes de Moody’s ont eu un accès limité aux programmes de messagerie instantanée et ont été encouragés par des cadres à discuter de questions sensibles face à face, selon d’anciens employés.
Cette « répression interne » sur les communications est intervenue après une enquête réalisée en 2005 par Eliot Spitzer procureur général de New York, au sujet des notations de Moody’s sur des offres adossées à des hypothèques.
D’anciens employés ont également pointé du doigt un règlement entre Moody’s et la division antitrust du ministère de la Justice sur la destruction de documents par l’agence au milieu d’une enquête civile, en avril 2001. Moody avait alors plaidé pour un chef d’accusation d’entrave à la justice et payé une amende de 195 000 $.
Pas sûr que de son côté S&P s’en sorte aussi bien.