Pour être en mesure de bien guider les nouveaux possédants, il est essentiel d’avoir établi – et entretenu – des liens avec eux auparavant. «Nous devons toujours avoir une bonne relation avec toute la famille du client, rappelle Monette Malewski, présidente et directrice générale du Groupe M Bacal. Sinon, il faudra recommencer notre travail avec les enfants au moment de la reprise du patrimoine ou de l’entreprise, et nous ne sommes pas assurés que le transfert ira vers nous.»
Les deux professionnels d’expérience insistent sur l’importance d’impliquer la jeune génération dans la planification successorale de leurs aînés. «Lorsqu’on parle de préserver la pérennité du patrimoine, j’ai toujours le réflexe d’inclure leurs enfants dans le processus», affirme Léon Lemoine. Il suggère à ses clients la tenue d’un conseil de famille où sont présentées les différentes stratégies de transfert ainsi que les démarches légales à envisager. «Il faut être proactifs, parce que plusieurs actes juridiques – testament, fiducie testamentaire, mandat en cas d’inaptitude, etc. – doivent être établis lorsqu’une personne est en pleine possession de ses moyens.»
«Le transfert de patrimoine et d’entreprise, la gestion, la philanthropie, le testament… Ce sont des apprentissages qu’une famille peut faire ensemble. Surtout que ça touche des valeurs sur lesquelles ses membres doivent s’entendre», renchérit Monette Malewski.
Elle les incite également à s’assurer que chaque membre de la famille a fait son testament. «À la fin, c’est ce qui compte le plus, parce que quand il n’y a pas de testament, c’est le gouvernement qui décide», souligne celle qui n’hésite pas à accompagner ses clients chez l’avocat, car «nous ne sommes pas là uniquement pour gérer l’actif, mais aussi pour conseiller la famille dans un domaine qui est complexe, pas facile et chargé de beaucoup d’émotion». La spécialiste des assurances suggère ainsi à certains clients de souscrire une assurance vie dernier décès pour diminuer la part du patrimoine qui devra alors être versée en impôts. «C’est l’un des meilleurs produits sur le marché pour s’assurer que l’avoir reste entier, affirme-t-elle. Il y a une partie du patrimoine qui va aller au fisc, mais celle-ci sera remboursée par le montant de l’assurance. En plus, l’assurance vie a un bon rendement et c’est sans risque.»
Présence et discrétion
Un conseiller qui réussit à instaurer un climat de confiance avec ses clients s’assure presque automatiquement de bonnes références dans son entourage. Les deux professionnels interrogés travaillaient donc déjà auprès de la plupart des enfants de leurs clients avant même de planifier le transfert de patrimoine. «L’important, c’est d’être discret et d’assurer les enfants que leurs parents ne seront pas mis au courant de leurs affaires… Même si je vais fortement leur suggérer d’en discuter ensemble», résume Monette Malewski, qui compare la confidentialité de son bureau à celle d’un cabinet de médecin. Quant à Léon Lemoine, il se fait un point d’honneur de garder des contacts fréquents avec chaque membre de la famille et de «leur démontrer avec sincérité qu’ils sont des clients aussi importants que leurs parents, même s’ils ont peut-être un peu moins d’actifs».
Le planificateur estime d’ailleurs que le régime enregistré d’épargne-études (REEE) est «une porte d’entrée intéressante» pour tisser des liens avec plusieurs générations à la fois. «Les grands-parents peuvent cotiser à un REEE pour leurs petits-enfants ou pour leurs enfants, donc ça nous permet de tous les rencontrer», fait-il valoir.
Il préfère cette approche aux différentes formules de comptes ou de placements dits multigénérationnels que proposent de plus en plus d’institutions financières et de firmes de gestion privée. «À mon avis, c’est plus une approche marketing basée sur la réduction des frais de gestion qu’autre chose, déclare-t-il. Et comme conseiller indépendant qui fonctionne à 100 % à honoraires, je ne souhaite pas nécessairement qu’une famille entière se retrouve avec des comptes ou des placements dans une seule institution, alors que je peux lui proposer un vaste choix de produits financiers.»