Dans leur formation, tenue lors du Congrès 2016 de l’Institut québécois de planification financière (IQPF), les planificateurs financiers Nancy D’Amours et Fabien Champagne, accompagnés de la psychologue Josée Blondin, ont abordé la question des successions en territoire américain.
« Les États-Unis sont définitivement intéressés aux citoyens américains vivant à l’étranger. On estime qu’au Canada seulement, il y en a près d’un million et, de ce chiffre, on peut assumer que la majorité d’entre eux ignore être citoyen américain, note Fabien Champagne. Nous voulons sensibiliser les planificateurs financiers à cette question. Il ne faut pas seulement demander aux gens s’ils sont citoyens américains, mais leur demander où leurs parents sont nés!»
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La formation donnée lors du congrès suivait l’exemple d’un couple qui songeait à entreprendre de faire vie commune et à faire l’acquisition d’un condo en Floride. Dans l’exemple donné, monsieur était citoyen américain sans le savoir. Les formateurs expliquent donc la marche à suivre et les facteurs à considérer afin d’éviter les ennuis en cas d’inaptitude d’un des conjoints ou en cas de succession .
Le mode de détention
Premièrement, il convient de se pencher sur le mode de détention à choisir avant de procéder à l’achat d’une propriété immobilière aux États-Unis. Certains modes de détention comprennent automatiquement un droit de survie qui permet, notamment, au décès d’un conjoint marié, de transférer plus rapidement et plus facilement le titre de propriété au conjoint survivant.
Par exemple, la « tenancy by entireties », aussi appelée « propriété conjointe avec droit de survie », permet à deux conjoints mariés, dont les deux noms apparaissent sur le titre de propriété, de profiter d’un droit de survie automatique. Dans le cas de ce mode de détention, on parle d’ailleurs toujours de conjoints mariés.
« Dans le cas où le propriétaire d’un condo aux États-Unis, détenu en propriété conjointe avec droit de survie, léguerait par testament l’appartement à quelqu’un d’autre qu’à son épouse, c’est quand même cette dernière qui se verrait transférer le bien en raison du droit de survie et de l’application de nos règles de droit international privé », note Fabien Champagne.
Il est important de comprendre qu’en matière de succession la loi applicable aux biens immobiliers, c’est la loi de l’endroit où le bien est situé qui s’applique alors que dans le cas d’un bien mobilier, comme un compte conjoint par exemple, c’est la loi du pays de résidence du détenteur qui s’applique.
De plus, le fait de pouvoir compter sur un droit de survie automatique permet d’éviter le pro-cessus d’homologation (ou « probate » en anglais) nécessaire dans le cas des règlements de succession aux États-Unis. Rappelons que, dans le cadre d’une succession, une cour d’homologation supervise la disposition des biens de la personne décédée.
Le testament
Est-il réellement important que le client ait un testament fait aux États-Unis? Pas nécessaire-ment, selon Fabien Champagne qui préfère opter pour un testament fait au Québec, en anglais, pour tous les biens situés aux États-Unis.
« L’idéal, c’est de faire un testament pour les biens situés dans la province. On doit y indiquer qu’il ne concerne que les biens situés au Québec. On fera ensuite un testament en anglais où il sera spécifié qu’il ne s’applique qu’aux biens situés aux États-Unis », suggère-t-il en ajoutant qu’il faudra de plus indiquer clairement qu’aucun des deux testaments n’annule l’autre.
Il est plus simple de faire affaire avec un notaire québécois qui connaît les règles locales et qui pourra s’ajuster aux règles américaines, souligne Fabien Champagne: « Si on a un client qui a beaucoup de biens aux États-Unis, comme des sociétés et plusieurs immeubles, il peut toutefois valoir la peine de consulter un spécialiste en droit américain et en fiscalité américaine»
L’exemption de 5,4 M$
Finalement, il est important de connaître le fonctionnement des droits successoraux aux États-Unis. En effet, le citoyen américain, à son décès, est imposé sur la juste valeur marchande des biens mondiaux, un montant auquel on soustrait notamment les dettes, les coûts funéraires et les frais médicaux. Ils ont droit à une exemption unifiée de 5 450 000 $ et dans certains cas de transfert entre conjoints à une exemption illimitée.
Les Canadiens qui ont des biens situés aux États-Unis, sont imposés sur la valeur des biens situés aux États-Unis en proportion de la valeur de leur succession mondiale.
Par biens situés aux États-Unis, on parle des immeubles, mais aussi des actions de sociétés américaines, des titres de créance émis par une personne assujettie ou une société, les bijoux, les véhicules, les bateaux, les fonds de pension américains ainsi que les dépôts bancaires aux États-Unis s’ils sont rattachés à une entreprise exploitée dans le pays et certaines participations dans une fiducie détenant des biens aux États-Unis.
Par contre, les Canadiens ayant des biens au sud de la frontière peuvent compter sur l’exemption de base de 5 450 000 $. Selon la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis, il est même possible à certaines conditions de doubler cette exemption.
« Par conséquent, pour la majorité des gens, la valeur d’un condo, d’un véhicule et d’un bateau ne s’élèvera pas au-dessus du montant de cette exemption, spécifie Fabien Champagne. Ce ne sont pas les droits successoraux qui vont faire mal.»