L’idée d’imposer davantage les riches pour résoudre les déficits engendrés par la pandémie a été proposée plusieurs fois ces derniers mois. L’analyse menée cette fois par le CPP montre que ce moyen d’engendrer de nouveaux revenus serait inefficace.
« Notre analyse démontre clairement que les contribuables les mieux nantis s’organisent généralement pour éviter les hausses d’impôts, déclare Robert Gagné, directeur du CPP et coauteur de l’étude. Non seulement parviennent-ils à réduire leurs revenus afin d’y échapper, mais leurs efforts se révèlent souvent suffisamment importants pour passer à une classe de revenu inférieure. »
L’idée que de telles taxes finissent toujours par retomber sur les gens ordinaires n’est pas nouvelle. Une récente publication de l’Institut économique de Montréal était arrivée à la même conclusion, il y a de cela quelques mois.
Cette fois-ci, les chercheurs du CPP ont développé une méthodologie qui permet d’isoler l’effet des changements dans les taux d’imposition d’autres facteurs qui pourraient également influer sur les recettes fiscales.
Selon eux, les plus fortunés ont davantage de flexibilité fiscale que les petits contribuables, ce qui leur permet d’esquiver les hausses de taux. Ceci s’explique de plusieurs façons : premièrement les revenus des contribuables proviennent généralement du salaire, ce qui limite les stratégies fiscales. Pour eux, la seule façon de baisser leurs impôts serait de travailler moins d’heures ou de travailler au noir.
« Les voies de contournement à la portée des contribuables s’accroissent à mesure que leur revenu augmente et que leurs sources de revenus se diversifient, explique Robert Gagné. Par exemple, un professionnel peut réduire ses heures de travail pour ramener son revenu à un palier d’imposition inférieur et ainsi éviter la hausse, un autre pourrait devancer sa retraite. De plus, les contribuables les plus riches recourent souvent aux services d’un fiscaliste pour emprunter les voies légales de la planification et de l’évitement fiscal, et ainsi éviter un effort fiscal additionnel. »
Une stratégie faillible
Des exemples concrets nous prouvent également qu’une telle stratégie serait vaine. C’est ainsi la stratégie qu’avait adoptée le gouvernement Trudeau en 2016 afin d’augmenter ses recettes fiscales.
Afin d’honorer ses promesses fiscales, le ministre Trudeau avait baissé les impôts de la classe moyenne et instauré en contrepartie un nouveau palier d’imposition pour les plus riches.
Au lieu d’augmenter les recettes fiscales, cette réforme avait eu pour effet de faire passer le taux marginal combiné fédéral-provincial au Québec de 49,97 % à 53,31 %. Pour contrer la hausse, les mieux nantis étaient ainsi parvenus à réduire leurs revenus totaux de 2,7 milliards de dollars (G$). Contrairement au résultat prévu, cette réforme a entraîné une baisse des recettes fiscales de 1,17 G$ pour les gouvernements fédéral et provincial.
Toutefois, cela ne veut pas dire qu’une taxe sur les mieux nantis serait forcément une mauvaise idée. « Tout dépend de la pression fiscale déjà exercée sur les contribuables, déclare Robert Gagné. Or, comme le Canada (particulièrement au Québec) compte parmi les pays où les contribuables sont les plus imposés au monde, cette stratégie a plutôt provoqué l’effet contraire. »
« À la lumière de ces résultats, un constat s’impose : les gouvernements devront recourir à des solutions alternatives pour combler leurs besoins de financement. », conclut Robert Gagné.