Le traitement réservé aux fonds communs de placement serait différent de celui imposé aux autres types de placement. Mathieu Bédard a calculé que les investisseurs payent en moyenne 8,2 % de taxes sur la portion de leurs fonds consacrée aux frais de gestion. Sur un ratio moyen de 2,2 % consacré aux frais de gestion, on parle de 0,18 point de pourcentage payé en taxes, sur le montant investi.
En contrepartie, il évalue qu’un investisseur ne paye que de 1 à 3 % en taxes environ pour ce qui s’apparente aux frais de gestion d’un certificat de placement garanti (CPG). Par ailleurs, un investisseur ne paye aucune taxe lorsqu’il achète directement des titres boursiers.
Parce que plusieurs FCP sont considérés comme des fiducies, ils doivent sous-traiter la gestion de leur actif, et ces dépenses d’opération sont assujetties à la taxe sur les produits et services (TPS) et aux taxes provinciales dans les provinces où elles sont harmonisées (notamment au Québec).
Coût non négligeable
Les fonds communs ne peuvent ensuite se faire rembourser les taxes payées comme le font certaines entreprises et comme ils pouvaient le faire avant l’harmonisation.
«Dans les banques, en revanche, les intrants taxables se limitent aux fournitures et à la gestion externe occasionnelle», précise Mathieu Bédard. Il évalue ces «intrants» à 20 % du total. C’est pourquoi les montants payés en taxes sur les CPG sont beaucoup moins élevés.
Autre problème, selon Mathieu Bédard : le taux de taxation lui-même. «La taxe de vente imposée aux fonds communs ne reflète pas les taux en vigueur dans chaque province, mais une moyenne des taxes de vente pratiquées dans les différentes provinces, pondérée selon la part de sociétaire d’un fonds provenant de chaque province», écrit-il. Cela signifie que certains investisseurs situés dans des provinces où la taxe de vente n’est pas harmonisée (et donc moins élevée) paient davantage de taxe qu’ils n’en payent pour d’autres produits.
«Ces taxes viennent donc gonfler les frais de gestion et réduire le rendement des investissements», conclut Mathieu Bédard
L’auteur calcule que si un client investit annuellement 10 000 $ dans un FCP sur une période de 25 ans (rapportant en moyenne 8 % sans les frais de gestion), ces taxes lui coûteraient un peu plus de 14 600 $.
«Pour compenser le manque à gagner, les épargnants sont donc obligés de contribuer plus, de se contenter de moins ou de reporter leur retraite», lit-on dans la note de Mathieu Bédard.
Suivant les mêmes hypothèses, l’auteur compte que, quel que soit le montant investi, «il faudra cinq mois de plus pour atteindre l’objectif d’un projet d’investissement qui aurait pris 25 ans sans taxes, six mois de plus pour un projet de 30 ans et 9 mois de plus pour un projet de 40 ans.»
Taxer la retraite
James Carman, conseiller principal en fiscalité à l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC), est parfaitement d’accord avec l’étude de l’IEDM. «Cette taxation revient à taxer la retraite», dit-il.
C’est d’autant plus navrant, ajoute-t-il, que «la conjoncture fait en sorte que les taux d’intérêt étant moins élevés sur les CPG par exemple, il est plus attrayant d’aller vers les fonds communs».
James Carman voit aussi des impacts potentiels pour d’autres acteurs économiques. «Les raisons globales pour lesquelles les économistes sont en général en désaccord avec ce genre de taxe, c’est qu’au final, on taxe l’épargne nationale. Pour les petites et moyennes entreprises qui n’ont pas accès aux marchés de capitaux étrangers, c’est important d’avoir une épargne abondante au pays», plaide-t-il.
Guy Mineault, président fondateur du nouvel organisme Mouvement d’éducation et de défense des investisseurs en fonds (MEDIF), est quant à lui plus philosophe : «Je ne sais pas comment réagir. Il y a plein d’injustices. Le gouvernement a besoin de revenus. Il taxe déjà à peu près tous les produits».
Même s’il maintient que «pour des raisons d’équité», il est d’accord avec les constats de l’IEDM, il souligne néanmoins que «monsieur et madame Tout-le-Monde doivent faire appel à des gens pour choisir des titres dans un fonds et pour le gérer. Il faut payer ces gens-là…»
James Carman déplore de son côté le manque d’uniformité dans l’imposition des taxes de vente. «Si une banque met au point un produit, le travail de ses employés n’est pas taxable. Mais dans le cas des fonds communs, ils souffrent d’un biais de sous-traitance.»
Soyons neutres
«Ce qui est important dans un régime fiscal, renchérit James Carman, c’est la neutralité, et actuellement, on n’a pas ça au Canada. Aux États-Unis, on ne taxe pas les fonds communs, et c’est une des grandes raisons pour lesquelles les frais de gestion sont plus élevés au Canada.»
Pour remédier à la situation, Mathieu Bédard propose d’appliquer aux FCP les mêmes règles qui s’appliquent aux fonds de pension, soit un remboursement de 33 % des taxes de vente payées. Il suggère aussi simplement de ne pas assujettir les FCP aux taxes de vente provinciales.
James Carman adopte en bloc les solutions avancées par Mathieu Bédard. «Quelle que soit la solution mise en place, les bénéfices seraient nombreux et accumulés (multilayered).»