Ménage du printemps des données numériques
Des efforts sont investis par toutes les grandes institutions financières dans le volet numérique et digital, l’objectif étant d’être capable de faire des offres le plus pertinentes possibles, qu’elles soient proactives ou réactives, en fonction du profil client, a expliqué Patrick Raimondi dans un entretien avec Finance et investissement.
« Il commence à y avoir énormément de bruit sur le marché par rapport à tout ce qui concerne le numérique et le digital, a-t-il dit. La tolérance des individus à recevoir ce bruit sur leurs différentes plateformes mobiles commence à être saturée et l’utilisation des données dans le but de proposer une expérience personnalisée et pertinente prend une place constamment grandissante ».
Patrick Raimondi cite en exemple la Banque Royale et son outil Accessibilité réelle à la propriété RBC, une application permettant à un individu, à l’intérieur d’une dizaine de questions, d’être préautorisé de façon conditionnelle pour une hypothèque.
Dans le même ordre d’idée, il évoque la récente acquisition par Accenture Montréal de la firme Konversion. « Konversion est un des leaders au Québec dans tout ce qui est optimisation du digital marketing. La firme travaille énormément avec Intact, qui est probablement leur plus gros client, afin que ses communications soient le plus pertinentes possibles dans un contexte numérique ».
Renforcement de l’écosystème du secteur financier
La deuxième tendance qui marquera l’année 2019 concerne l’élargissement de l’écosystème du secteur financier. Patrick Raimondi évoque ici non seulement l’écosystème dans le sens ou les grandes institutions financières vont ouvrir davantage leurs portes à la conclusion de partenariats avec d’autres joueurs, par exemple des fintechs, mais aussi en ce qui concerne l’offre de services, qui ne se cantonnera plus à une offre transactionnelle. Il évoque à cet égard l’intérêt des assureurs pour le mieux-être, qui n’entre pas directement dans le segment de la relation financière.
Les groupes de technologie de la grande majorité des institutions financière avec lesquelles nous travaillons cherchent à s’orchestrer pour être beaucoup plus ouvertes au développement de partenariats de toutes sortes, indique-t-il.
« On parle de plus en plus d’open banking et d’API (Applications Programming Interface), mais tout cela se développe dans un contexte de partenariats beaucoup plus importants, affirme Patrick Raimondi. Les exemples de partenariats entre des institutions financières canadiennes et des fintechs du monde entier, mais aussi du Québec et du Canada, se multiplient. On observe aussi que beaucoup d’institutions financières développent des groupes de Venture Capital à l’interne pour être en mesure d’identifier, d’observer et éventuellement d’investir dans des entreprises spécialisées en technologie financière ».
Patrick Raimondi cite en exemple le récent partenariat dans le domaine des assurances conclue par la Banque Nationale avec Breathe Life. Il évoque aussi l’assistant AccèsD développé par Desjadins en partenariat avec la firme locale Exagens, qui permet d’offrir des conseils personnalisés sous forme de dialogue virtuel. Selon Desjardins, l’assistant AccèsD a permis l’ouverture de près de 90 000 nouveaux comptes Ép@rgne à intérêt élevé et au transfert de plus de 500 M$ en épargne sur une période de 12 mois. Une réalisation qui a valu à Desjardins le « Silver Award » dans le cadre du concours international de l’European Financial Management Association (EFMA).
Selon Patrick Raimondi, ce contexte de partenariat diffère de la tendance initiale où les fintechs étaient perçues comme « disruptives ». « Ce que l’on observe aujourd’hui, c’est que le rôle des institutions financières traditionnelles est toujours très pertinent, avec une offre plus complète. Ce rôle a évolué de manière à miser davantage sur la collaboration de toutes les parties. Cette approche semble être plus gagnante pour tout le monde que la compétition que l’on observait au départ, soit pour le client en premier, mais les fintechs et les institutions financières aussi ».
Selon Patrick Raimondi, il y a énormément d’activité qui se passe dans le monde des fintechs à Montréal, et tous les joueurs de l’écosystème en bénéficie. Il évoque par exemple la création en 2018 de Luge Capital, qui a conclu une ronde de financement de 75 millions de dollars avec le concours de la Caisse de dépôt et placement du Québec et du Mouvement Desjardins, mais aussi de la Financière Sun Life, du Fonds de Solidarité FTQ ainsi que de La Capitale. Luge Capital est un fonds de capital de risque qui vise les sociétés de technologie financière en démarrage et les solutions d’intelligence artificielle du secteur des services financiers.
Révision des modèles d’affaires
La révision des modèles d’affaires des institutions financières, autant sur le volet technologique qu’organisationnel, est la troisième grande tendance perçue par Patrick Raimondi.
Selon lui, le rôle du réseau physique, des succursales, est voué à changer, tout comme le rôle des employés. Dans les deux cas, l’interaction avec la clientèle sera beaucoup moins transactionnelle, au profit d’un rôle conseil.
« On perçoit beaucoup d’efforts de la part des institutions financières afin de continuer à demeurer pertinent, tout en gagnant en efficience. Un exemple de l’orientation que risque de prendre l’industrie est la voie empruntée par la Banque Laurentienne, qui a annoncé son intention de fermer des succursales afin de se tourner vers le numérique, vers le service plutôt que la transaction. C’est une décision qui soulève beaucoup de questions sur le rôle de la succursale et le rôle des employés, mais qui illustre bien comment les institutions financières sont en train de revoir leur modèle de réseau de distribution physique », explique-t-il.
Plusieurs nouveaux concepts de succursale ont d’ailleurs été développés, rappelle Patrick Raimondi. « On voit beaucoup plus des petits hubs, de petites succursales, par exemple celle de la Banque Scotia au centre-ville de Montréal, où l’on retrouve peu de personnel, mais très polyvalent et qui devient même un endroit pour travailler. La succursale devient un endroit voué à changer drastiquement ».
D’un point de technologique, une emphase importante est mise sur tout ce qui est efficience et automatisation pour les tâches qui sont répétitives, selon Patrick Raimondi. « La majorité des projets technologiques d’une certaine envergure se retrouve hébergée sur le cloud. Malgré cette tendance très nette vers le cloud, il y a encore beaucoup d’entreprises financières qui n’ont pas de stratégie très claire pour le cloud ».
Patrick Raimondi rappelle également que la grande majorité des institutions financières et des compagnies d’assurance ont des systèmes informatiques qui date de plusieurs années et qu’un investissement massif est requis en vue d’une refonte de ces plateformes bancaires.
À cet égard, bien que la question de la sécurité des données demeure une priorité, une préoccupation grandissante en matière de question réputationnelle sera observée en 2019, indique-t-il. « Avec les quelques exemples qu’on a eu avec Facebook, Equifax, cela a généré une publicité importante qui force les institutions financières à réagir. Le client s’attend à ce que son partenaire financier soit sécuritaire, mais transparent ».
Dans cet esprit, Patrick Raimondi voit apparaître « une couche d’intermédiation qui permet justement au groupe technologique de ces institutions d’être beaucoup plus efficace dans sa quête d’aller chercher l’information et les données requises afin de mettre à jour les bases de données sans avoir nécessairement à compléter une refonte complète des systèmes bancaires. »
Jusqu’ici, les investissements des institutions financières ont surtout été orientés vers un retour direct sur une expérience client, soit sur le front office plutôt que sur le back end, mais cette tendance devra nécessairement s’inverser.