«Il semble que le nouveau premier ministre est très déterminé à changer le style de politique économique ; c’est ce qui explique cette amélioration des attitudes à l’endroit du Japon», dit Tuuli McCully, économiste international sénior à la Banque Scotia.
Évidemment, c’est ce que le Japon tente de faire depuis 20 ans – sans succès. Depuis le krach du Nikkei en 1990, l’indice des prix à la consommation (IPC) a été plus souvent en déflation qu’en inflation, plus encore au cours des années 2000. Et depuis 1998, le PIB a connu plus d’années de récession que d’années de croissance.
«Prise de contrôle»
Pour contrer cette léthargie, la Banque du Japon s’est contentée de pratiquer une politique de taux d’intérêt négatifs. Sans résultat probant. Cette fois-ci, Shinzo Abe y va à fond de train en empruntant aux Américains leur politique de détente monétaire (Quantitative easing ou QE) et aux Chinois, leurs mesures de stimulus économique.
Dans le premier cas, «un fonds de plus de 500 G$ aura pour mandat d’acheter des obligations émises par différents pays, explique Carl Robert. Ce fonds est en quelque sorte un QE mondial !»
Dans le deuxième cas, on lance un plan de dépenses de 100 G$ pour des projets d’infrastructure, de reconstruction et de développement des PME. Le but est de doubler la cible d’inflation pour la faire passer de façon définitive autour de 2 %.
La clé de ces mesures tient à la nomination prochaine à la tête de la Banque du Japon de Haruhiko Karuda, qui était très critique de la politique monétaire pratiquée jusqu’ici, alors qu’il était gouverneur de la Banque de développement asiatique.
«Le gouvernement est en train de faire un takeover de la banque centrale», lance François Bourdon, chef adjoint des placements chez Fiera Capital.
Le travail du gouvernement est facilité par le fait que l’économie japonaise connaissait déjà une lente émergence hors de la déflation. L’indice des prix à la consommation (IPC), qui était de – 1,3 % en 2009, est passé à – 0,7 % en 2010, à – 0,3 % en 2001, et se tient maintenant tout juste sous la ligne de flottaison, à – 0,1 %, indique Tuuli McCully. La terre ferme d’une inflation positive n’est donc pas loin.
De plus, les signes de raffermissement sont déjà présents.
Dans la deuxième semaine de mars, le yen était à son plus bas niveau par rapport au dollar américain en 3,5 ans, surtout à la suite de niveaux d’emploi encourageants aux États-Unis. En conséquence, le nikkei filait en terrain positif sept jours d’affilée avec un gain de 2,6 % le dernier jour, atteignant un sommet sur 53 mois.
«Nous sommes optimistes, mais avec prudence, que le Japon va se tirer d’affaire», avance Tuuli McCully, qui s’appuie en partie sur une croissance prévue du PIB de 1,4 % en 2014.
Cependant, rien n’est gagné. Car ce n’est pas la première fois que le nikkei manifeste une vitalité prometteuse, mais décevante par la suite. Certes, depuis le dernier creux du marché de 7055 atteint en mars 2009, l’indice nippon a marqué une vigoureuse remontée de 75 %, à 12 339 au 22 mars.
Déceptions passées
Il vaut la peine de se rappeler que, de 2003 à 2007, le nikkei avait connu un rallye de 140 %, et avant cela des remontées de 62 % en 1998, de 55 % en 1995, et de 50 % en 1992, fait remarquer le gestionnaire de portefeuille américain spécialiste de titres internationaux, David Hunkar, dans un article paru le 20 janvier 2013 dans Seekingalpha.com.
François Bourdon demeure sceptique. «On peut parler d’une tentative de retour, dit-il, pas encore d’un retour. Je suis convaincu que le pays va atteindre sa cible d’inflation de 2 %, mais ça pourrait facilement monter à 4 %.»
Le spécialiste parle d’une inflation «insidieuse» qui se manifestera dans les produits de base, pas dans les salaires, et qui «pourrait facilement retomber vers la déflation. Ce sont des mesures artificielles qui pourraient disparaître aussi rapidement qu’elles ont apparu.»
Le temps le dira. Jusque-là, la remontée boursière observée au pays du Soleil-Levant s’avère substantielle. Sa croissance de 26,5 % en 2012 en a fait la Bourse la plus performante parmi les 23 principales Bourses du monde, selon le site de statistiques financières Forecast-chart.com. C’est un rallye dont l’investisseur averti peut certainement tirer profit.
La façon la plus directe est évidemment d’acheter des titres japonais. David Hunkar en énumère une dizaine, notamment certains qui offrent en plus des dividendes fort honnêtes entre 2 et 4,40 %, comme Nippon Telegraph and Telephone (4,37 %), Sumitomo Chemical (3,86 %), Nitto Denko (3,39 %), Honda Motors (2,19 %) et East Japan Railway (2,18 %).
Par contre, il faut se rappeler que «si vous investissez dans des entreprises japonaises, vous le faites en yen et vous souffrez de la dévaluation de la devise», souligne Carl Robert.
L’exercice peut devenir un jeu à somme nulle. Le plus avisé est alors d’avoir recours à des fonds communs ou des fonds négociés en Bourse qui couvrent le risque de devise ; par exemple le TD croissance japonais ou le Japan Fundamental Index Fund (CAD-Hedged) d’iShares.