Homme méditant par le lac après un exercice extérieur.
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La firme québécoise Habitat a profité de la COP16 sur la biodiversité, en Colombie, pour lancer un outil qui permet d’évaluer les impacts des investissements financiers sur la biodiversité et ainsi aider les bailleurs de fonds à faire des investissements durables.

À travers le monde, près de 7000 milliards de dollars (G$) sont investis chaque année par des entreprises et des gouvernements, dans des projets ou des activités qui ont des effets nocifs directs sur la biodiversité.

Ces investissements représenteraient l’équivalent d’environ 7 % du produit intérieur brut (PIB) mondial.

C’est ce que soutient le rapport « Situation des financements pour la nature » publié par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).

Afin de renverser le déclin de la biodiversité, il faut rediriger les flux financiers dans des projets neutres ou positifs pour l’environnement.

Mais pour certaines entreprises ou certains grands investisseurs, il est souvent complexe d’évaluer l’impact d’un projet sur la nature.

C’est pour répondre à ce besoin que la firme montréalaise Habitat lancera, vendredi après-midi, un « outil clé en main » appelé NatureInvest qui permettrait, à partir de plusieurs types de données, d’évaluer l’impact de grands projets sur la biodiversité.

« C’est un outil qui s’adresse à la fois aux investisseurs, aux banques, aux entreprises elles-mêmes », a expliqué Jérôme Dupras, cofondateur et président-directeur général d’Habitat, dans une entrevue réalisée avant le lancement de NatureInvest le 25 octobre à Cali, où se déroule la COP16 sur la biodiversité.

Habitat annoncera également à la COP16 que le Fonds de solidarité FTQ et Sienna Investment Managers, une société française qui gère des actifs de plus de 40 G$, seront les deux premières institutions à déployer NatureInvest.

« Le Fonds est fier de compter Habitat parmi ses partenaires parce que c’est avec les meilleures ressources que nos entreprises auront un impact positif direct sur notre biodiversité », a écrit Dany Pelletier, premier vice-président aux placements privés et investissements d’impact du Fonds de solidarité FTQ, dans un communiqué.

Plusieurs types de données

Jérôme Dupras, qui est également professeur d’économie écologique à l’Université du Québec en Outaouais, a expliqué que l’outil NatureInvest se nourrit de données qui proviennent de trois différentes sources.

« Il y a des données qui sont prises au sein même de l’entreprise qui porte le projet et qui concernent par exemple le processus de gouvernance » et qui permettent d’estimer le « degré d’engagement envers la biodiversité de l’entreprise évaluée » ainsi que ses stratégies internes.

Une « deuxième prise de données est liée à l’écologie » et « l’impact du projet sur les écosystèmes » et « finalement, d’autres données proviennent de cadres légaux et réglementaires », comme la loi qui porte sur les milieux humides ou encore celle sur les espèces menacées.

NatureInvest permet aussi de déterminer le caractère additionnel qu’une entreprise ou un projet peut avoir en regard de la législation en place. « On évalue si le projet en question offre une additionnalité, donc s’il va un peu plus loin que ce qui est demandé par la loi », a résumé Jérôme Dupras.

Positif, neutre ou négatif

En compilant les données, l’outil permet d’identifier les « drapeaux rouges » potentiels pour la biodiversité. Il produit un « pointage », en plus de fournir un rapport qui aide les organisations à améliorer leur performance écologique avant qu’un projet ne soit lancé.

« Au final, ça nous permet de savoir si l’investissement ou la stratégie d’entreprise est positif, négatif ou neutre pour la biodiversité », a expliqué le président-directeur général d’Habitat.

Un projet négatif pourrait être, par exemple, « la construction d’une usine dans un bassin versant où elle contribuerait à la pollution de l’eau, à un endroit où on retrouve des écosystèmes sensibles », a indiqué Jérôme Dupras.

Pour illustrer un « projet positif pour la biodiversité », le biologiste a donné l’exemple d’une compagnie forestière qui aurait « un programme de reboisement dédié au carbone et qui ferait les bonnes interventions au niveau des espèces, de l’aménagement écologique, du paysage » ou encore « un projet d’infrastructure » dans lequel le promoteur « reconnecterait certains habitats naturels pour améliorer la connectivité écologique ».

Atteindre les cibles de l’accord Kunming-Montréal

Le PDG d’Habitat fait valoir que le nouvel outil d’aide à la décision d’investissement permettrait de contribuer à l’atteinte des cibles 18 et 19 de l’accord du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.

La cible 18 appelle à identifier d’ici 2025 les subventions néfastes à la biodiversité et les supprimer progressivement.

En vertu de la cible 19, les pays du monde doivent mobiliser 200 G$ par an d’ici 2030 pour contrer le déclin de la biodiversité.

Lors de la COP16, qui se termine le 1er novembre, les pays tentent de déterminer la marche à suivre pour mettre en place l’accord Kunming-Montréal, qui a été signé dans la métropole canadienne en 2022.