Le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, s’engage à tenter d’adopter un projet de loi « omnibus financier » chaque année afin de mettre régulièrement à jour la législation sur l’encadrement de l’industrie financière du Québec.
Un projet de loi omnibus est un projet de loi émanant du gouvernement qui vise à modifier, à abroger ou à édicter plus d’une loi, mais qui n’a aucun fil directeur ou qui porte sur des sujets qui n’ont rien en commun les uns avec les autres, selon le Parlement du Canada.
Un seul projet de loi omnibus portant sur des questions financières aurait été effectué durant le précédent mandat du gouvernement Legault, a indiqué Éric Girard en ouverture du 17e Rendez-vous de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui se tenait le 22 novembre à Montréal. Il a estimé que ce n’était pas suffisant.
« Nous avons chaque année un omnibus fiscal et budgétaire. Nous devrions également avoir un omnibus financier pour garder les lois à jour et regarder ce qui se passe dans l’industrie », a déclaré le ministre des Finances.
« Je m’engage à tenter d’avoir un (projet de loi) omnibus financier par année. On va prendre ce qui est important pour vous et on va l’exécuter. Les changements vont venir de vous. Vous êtes les spécialistes », a-t-il déclaré à l’assistance composée de professionnels de l’industrie.
Le ministre des Finances a toutefois admis que la collaboration des partis d’opposition était nécessaire, car l’adoption d’un projet de loi du genre peut prendre du temps en commission parlementaire.
Une mise à jour pertinente de la législation afin de tenir compte des avancées technologiques du secteur des produits et services financiers est généralement souhaitable. Rappelons l’adoption difficile en 2018 du projet de loi 141 qui venait moderniser l’encadrement du secteur financier, entre autres en raison de son grand nombre d’ajustements et de la contestation entourant l’intégration de la Chambre de la sécurité financière (CSF) à l’AMF. Les parlementaires ont finalement retiré les articles de loi qui aurait permis à l’AMF « d’avaler » la CSF.
Un ralentissement économique
Interrogé par Louis Morisset, président-directeur général de l’AMF, sur la probabilité d’une récession, l’ancien trésorier à la Banque Nationale a préféré se prononcer pour un « ralentissement de l’économie ».
« Il y a 100 % de chances que l’économie ralentisse à cause de la croissance exceptionnelle qu’elle a connu en 2021 et au premier trimestre de 2022. La croissance sera pratiquement nulle entre le 2e et 3e trimestre. On pourrait même connaître deux trimestres consécutifs négatifs », a-t-il déclaré.
Il prévoit que l’inflation baissera « doucement » en 2023. « Le prix des commodités, de l’énergie, des matières premières et des biens baisse. Tous les indicateurs montrent que l’inflation va ralentir », a-t-il indiqué.
L’augmentation des taux d’intérêt, qui affecte actuellement le secteur de l’immobilier résidentiel, pourrait également toucher les entreprises qui ont un financement rotatif à taux variable. Le gouvernement pourrait prendre des mesures pour les soutenir au besoin. « On est là pour aider les Québécois, au cas où l’inflation amenait des problèmes de liquidité pour des entreprises. »
Divulgation des ESG
Le ministre des Finances a par ailleurs souligné les progrès effectués à la suite des travaux du groupe du G20 Finances à la suite de la crise financière de 2007-2008.
« Le groupe de stabilité financière du G20 a obligé les institutions financières à divulguer leur position de liquidité et de capital de manière beaucoup plus transparente. Aujourd’hui, on peut mesurer ces informations avec plus de précision. »
Cette transparence a obligé les institutions financières à avoir plus de liquidité et de capital, donc plus de stabilité financière », a-t-il ajouté. Il est d’avis que l’industrie devrait appliquer ce même niveau de divulgation des informations en ce qui a trait aux risques climatiques.
« J’aimerais que la divulgation des risques climatiques amène les institutions financières dans une course où elles seront plus transparentes. Il sera ainsi plus facile d’avoir l’heure juste quant à la valeur ajoutée d’une entreprise privée et quant à sa contribution au réchauffement climatiques et cela les incitera à en faire plus », a indiqué Éric Girard.
Rôle des fintechs
Durant ses années à la Banque Nationale, Éric Girard a eu l’occasion d’observer de l’intérieur le mouvement de consolidation de l’industrie. « On comptait alors sur les gros pour avoir une responsabilité sociale, pour informer et éduquer. » L’arrivée des fintechs, de plusieurs plus petits joueurs qui veulent gruger des parts de marché dans les secteurs nichés des grands joueurs, a changé la donne, amenant de nouveaux risques.
Le défi des prochaines années pour l’industrie consiste à favoriser la concurrence tout en assurant la promotion de la littératie financière afin d’apporter « une information de qualité et une éthique non négociable », a signalé le ministre.
Il a raconté en anecdote qu’il avait demandé à sa fille dans la vingtaine comment les jeunes s’informaient sur la finance. Elle lui aurait rétorqué que les jeunes ne parlaient pas d’argent entre eux. Cette réponse a interpelé le papa et ministre des Finances, qui a rappelé que les spécialistes ont la responsabilité de vulgariser la finance et l’économie pour les générations à venir.