Cette observation n’est pas surprenante, car les travailleurs deviennent alors admissibles aux prestations du Régime de rentes du Québec (RRQ). Dans un contexte de gestion du risque de longévité, il est inquiétant de voir des personnes opter pour une prestation du RRQ réduite de 36 % alors que leur employabilité devrait être encore assez bonne. Le crédit de prolongation de carrière bonifié de 60-65 ans pourra peut-être jouer un rôle pour garder plus de gens au travail, comme le désire le gouvernement du Québec.
Il est bon de rappeler que, depuis 2014, il est possible de demander ses prestations du régime en étant encore sur le marché du travail. Avant 2013, le nombre de personnes demandant leur prestation à 60 ans était de l’ordre de 55 000 personnes par année, mais il a grimpé à près de 80 000 par année en 2014. Cette croissance importante est fort probablement le fait d’un groupe de travailleurs voulant toucher à la fois des revenus de travail et une prestation de retraite. En planification financière, cette décision est très douteuse. Dans un contexte de gestion du risque de longévité, demander une rente réduite avant 65 ans au lieu d’une rente bonifiée jusqu’à 42 % lors d’un report jusqu’à 70 ans, n’est pas cohérent.
Bien que certains individus demandent leur prestation du RRQ tout en continuant à travailler, l’essoufflement du travail semble manifeste et plusieurs personnes quittent réellement le travail dès 60 ans… et encore davantage vers 65 ans, au moment où les prestations du programme de la sécurité de la vieillesse deviennent disponibles. Le taux d’emploi pour les gens ayant de 65 à 69 ans chute alors à 20,1 %. Encore une fois, rappelons qu’il aurait été possible pour ces personnes de bonifier leur prestation de la sécurité de la vieillesse de 36 % en la reportant à 70 ans.
Le taux d’emploi chute à 5,5 % pour les 70 ans et plus, ce qui est facile à comprendre considérant toutes les personnes âgées dont l’état de santé ne permet plus leur employabilité.
Les statistiques comparatives avec l’Ontario montrent un écart important pour les groupes âgés de 60 à 64 ans et de 65 à 69 ans. L’Ontario a un taux d’emploi de 54,8 % pour les gens du premier groupe et 26,0 %, pour ceux du deuxième groupe, soit 6 points de pourcentage de plus qu’au Québec. Nos voisins sont-ils moins essoufflés ou bien continuent-ils à travailler, car ils retardent davantage la demande de leurs prestations de retraite? Est-ce qu’au Québec le travailleur est mieux préparé à prendre sa retraite, ce qui lui permet de quitter plus rapidement son emploi ?
Le planificateur financier doit être présent pour bien accompagner le travailleur dans le choix du moment de son retrait du marché du travail. Cette décision doit être mieux coordonnée avec ses ressources réelles et ses besoins à long terme, et pas juste motivée par un désir de consommation à court terme. L’admissibilité à une prestation ne devrait pas être un signal de cessation d’emploi et une vision à plus long terme est nécessaire. D’ailleurs, le budget fédéral déposé le 19 mars dernier instaurait une mesure visant à gérer les revenus à des âges comme 85 ans ou plus. L’employabilité à cet âge, en cas d’épuisement des ressources, est assurément douteuse….
*Directeur principal, Centre d’expertise, Banque Nationale, Gestion privée 1859