Ce vent de panique montre le poids immense que la Chine a maintenant dans l’économie et la finance mondiales. Cet ouragan a soufflé d’autant plus fort que la chute boursière du 24 août officialise le ralentissement économique marqué de la Chine, qui a débuté plus tôt cette année.
«Les réactions des marchés asiatiques reflètent la conviction des investisseurs qu’un atterrissage brutal [de l’économie chinoise] est inévitable», disait le jour même Evan Lucas, du courtier IG Markets, cité par l’Agence télégraphique suisse.
Rechute mondiale ?
La plus importante des économies émergentes semble avoir atteint le seuil de la maturité et entre en eaux troubles. De juin à la fin août, l’indice composite de Shanghai a chuté de 38 %.
Une situation qui inquiète les observateurs… et les marchés. «Après que tant d’argent a été mis sur la table par les banques centrales, que tant d’argent public a été dépensé par les États, et que les ménages des pays émergents se sont endettés, doit-on craindre une rechute non maîtrisée de l’économie mondiale ?» s’interroge d’ailleurs Crédit Mutuel-CIC.
Takaka Masai, directeur de recherches à la Shinsei Bank de Tokyo, juge même que «cela commence à ressembler à la crise financière asiatique de la fin des années 1990. Des spéculateurs se débarrassent des actifs qui semblent les plus vulnérables».
«Il était temps»
D’autres observateurs sont plus zen et appellent à relativiser l’importance du ralentissement économique chinois et de la chute boursière.
Robert Buckland, stratège en chef des actions mondiales chez Citi Research, est l’un d’eux. Selon lui, un tel soubresaut n’est pas surprenant pour un marché haussier vieillissant comme celui de la Chine, et n’annonce pas la fin de la croissance des marchés chinois.
«Nos indicateurs relatifs aux marchés baissiers indiquent qu’il est encore trop tôt pour envisager une fin de la croissance», écrivait-il dans une note publiée la semaine du 24 août.
Le PDG de Galileo Global Advisors, Georges Ugueux, est plus tranché dans son billet de blogue publié sur le site du quotidien Le Monde. «Il était temps», écrit le banquier d’affaires, qui rappelle que l’indice de la Bourse de Shanghaï a augmenté de près de 150 % au cours de la dernière année.
«Aujourd’hui, il est revenu au niveau du début de l’année. Pas de quoi fouetter un chat ? La perte de valeur de la Bourse a maintenant atteint 4 000 milliards d’euros [5 900 G$ CA], plus de 10 fois la dette grecque», écrit-il.
Georges Ugueux impute la débandade à l’inexpérience : «On retrouve à tous les niveaux un doux mélange d’amateurisme, d’illusions, de politiques erronées et de casino».
«Comme 80 % des investissements sont entre les mains des particuliers (l’inverse du marché américain), ce sont les instincts joueurs de ces derniers qui, ces derniers mois, ont transformé le marché des capitaux en un gigantesque casino où l’endettement permettrait d’acheter de plus en plus, dit-il. Un jour, quand la musique s’arrête, il faut payer ses dettes. Ce jour est arrivé.»
Ajustement difficile
Une période d’ajustement est en cours. Le gouvernement chinois a d’ailleurs dévalué la valeur du yuan pour une cinquième fois cette année. L’objectif : stimuler les exportations et du coup, l’économie nationale. Comme quoi le passage d’une économie émergente à une économie mature ne se fait pas sans heurts.
«En raison des nombreux défis socio-économiques auxquels la Chine fait face, il semble que la transition d’une économie basée sur la croissance des exportations à une économie davantage axée sur la croissance de la consommation intérieure soit plus difficile que prévu», indiquait Luc Vallée, stratège en chef à Valeurs mobilières Banque Laurentienne, dans une note publiée à la mi-août.
Un État contrôlant
La tourmente a également eu pour effet de souligner fortement la problématique du contrôle de l’information par l’État et des droits de la personne en Chine.
Ainsi, Le Quotidien du peuple, organe de presse officiel du Parti communiste chinois, a fait l’impasse totale sur le «lundi noir» dans son numéro du lendemain. Le journal a même affirmé que «le marché à la hausse ne fait que commencer», car la Chine est «dotée d’un environnement politique stable», rapportait Brice Pedroletti, correspondant du quotidien Le Monde à Pékin.
Rappelons que le lendemain de la débâcle du 24 août, le gouvernement chinois a mis 11 personnes en garde à vue. Parmi elles, «le directeur de la maison de courtage étatique Citic Securities et plusieurs cadres de la Commission de supervision de la Bourse, ainsi qu’un journaliste du magazine financier Caijing», précisait Brice Pedroletti.