L’affaiblissement des facultés ne tient pas seulement à l’âge : il peut être lié à la maladie et à la consommation de médicaments. Il peut aussi être aggravé par un état dépressif, à la suite de la mort du conjoint, par exemple.

En priorité

C’est une situation à laquelle les organismes de réglementation sont particulièrement sensibilisés.

«Dans notre plan stratégique 2012-2015, nous donnons priorité aux investisseurs non avertis et aux aînés de plus de 60 ans. Je prévois qu’on continuera de cibler les personnes âgées dans le prochain plan 2015-2018», indique Carmen Crépin, vice-présidente pour le Québec à l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

«Nous portons une attention particulière à cette clientèle dans le traitement des plaintes et dans l’analyse des comptes, ajoute-t-elle. Nous nous assurons d’avoir des échantillons de comptes de personnes de plus de 60 ans.»

Au cours du dernier exercice de l’OCRCVM, 43 % des dossiers traités par le service d’évaluation étaient des plaintes touchant les personnes âgées. De plus, 30 % des dossiers concernaient un portefeuille qui ne convenait pas aux besoins de la personne âgée.

Pour sa part, l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM) met «beaucoup plus d’accent sur l’éducation des conseillers et des firmes», souligne Shaun Devlin, premier vice-président, Réglementation des membres.

«Sur le plan disciplinaire, nous donnons priorité aux plaintes liées aux dossiers des personnes âgées, précise-t-il. Ils représentaient le quart des cas que nous avons traités l’année dernière.»

La Chambre de la sécurité financière (CSF) porte elle aussi une attention spéciale à la protection des personnes âgées. Toutefois, le président et chef de la direction, Luc Labelle, dit ne pas être prêt à donner plus de précision pour le moment. «C’est un sujet qui demande du temps pour se préparer», affirme-t-il.

Sensibilité accrue ne signifie pas réglementation nouvelle. Actuellement, aucun des organismes consultés ne travaille sur de nouveaux règlements visant la protection des personnes âgées.

Seule l’OCRCVM prépare pour juin des lignes directrices visant cette clientèle. Elles traiteront de questions de conformité, de supervision et d’autres pratiques.

Éduquer et sensibiliser

L’accent est donc mis sur l’information et l’éducation. Et les sujets ne manquent pas.

L’OCRCVM insiste sur l’obligation de bien connaître son client et sur la nécessité d’assurer un suivi plus attentif, parce que la situation d’un investisseur vieillissant peut changer souvent et de façon imprévisible (retraite, maladie, invalidité, besoin d’encadrement, etc.)

«On ne veut plus que certains profils de clients n’aient pas été changés depuis 10 ans», précise Carmen Crépin.

Shaun Devlin, de l’ACCFM, incite les conseillers à porter attention à tout changement dans la situation d’un client. «N’hésitez pas à en parler à l’interne, dans votre firme, tout particulièrement avec les responsables de la conformité», dit-il.

Il souligne les dangers de poursuite que représente «tant le fait de conseiller un client que de ne pas le conseiller».

En effet, de nombreuses poursuites sont intentées par les héritiers d’un client décédé, dit-il. Ceux-ci peuvent aussi bien se plaindre de certains avis du conseiller que de son manque d’attention.

Ce serait le cas, par exemple, d’un conseiller qui ne se serait pas aperçu de l’affaiblissement des facultés de son client et n’aurait pas proposé les placements prudents qui s’imposaient.

Des solutions préventives

Cela dit, un représentant «ne peut pas prendre de décisions au nom d’un client, même si cela lui semble bénéfique et nécessaire, par exemple à la suite d’une hospitalisation qui empêcherait le client d’effectuer une transaction», rappelle Marie Elaine Farley, vice-présidente aux affaires juridiques et corporatives et secrétaire du comité de discipline à la CSF.

Une telle initiative, même animée par la meilleure volonté, pourrait donner lieu par la suite à une poursuite.

Par ailleurs, un conseiller ne peut pas, sans autorisation formelle de son client, communiquer avec quiconque, pas même avec les proches parents de ce dernier, pour discuter de ses affaires.

C’est pourquoi Marie Elaine Farley conseille, même si le sujet est délicat, de ne pas hésiter «à aborder la question du mandat en cas d’inaptitude avec vos clients, particulièrement lorsqu’ils sont âgés».

Plus encore, elle recommande aux clients âgés de signer une procuration à un tiers de confiance, pour que celui-ci puisse effectuer ses transactions au besoin.

Cette précaution est nécessaire, compte tenu du délai entre le moment où l’incapacité d’un client est constatée et celui où le mandat est homologué par un tribunal.