« Je suis soulagé que le ministre Carlos Leitão en soit arrivé à la conclusion qu’il avait fait fausse route, lance Gino Savard, président de MICA Cabinets de Services financiers. Il n’y a que les fous qui ne changent pas d’idée. Cela dit, c’est une bataille que nous avons gagnée, mais nous n’avons pas terminé et nous allons continuer à travailler pour rafraichir la loi. » Certains, dont Gino Savard, s’inquiètent du flou dans le projet de loi par rapport à l’exclusivité du conseil en assurance et espèrent d’autres changements au projet de loi.
Ardent défenseur de la CSF, Gino Savard avait d’ailleurs accompagné les représentants de la CSF lors de leur passage devant la Commission des finances publiques, en janvier. Il est lui-même premier vice-président du conseil d’administration de la CSF.
Le changement de ton du ministre des Finances du Québec, Carlos J. Leitão, est aussi bien accueilli par un autre grand partisan de la survie des chambres, l’ancien ministre délégué aux Finances du Québec, Alain Paquet.
« C’est un changement extrêmement important et bienvenue. Depuis plusieurs mois déjà, des groupes de consommateurs, des anciens parlementaires de différents partis et spécialistes dans le secteur financier, comme Rosaire Bertrand, Bernard Landry et moi-même, étions intervenus pour dénoncer les problèmes majeurs avec le projet de loi 141. L’un de ces éléments était la survie de l’avenir des chambres. Il y avait un lobby très fort pour faire disparaître les chambres pour simplifier la vie de certains. »
Il salue d’ailleurs le travail de Nicolas Marceau, député de Rousseau et porte-parole de l’opposition officielle en matière de Finances, qui s’est, comme promis, fait le porte-parole des organismes de protection des consommateurs qui plaidaient pour une survie des chambres.
« Je tiens à souligner le travail de très grande qualité du député de Rousseau, Nicolas Marceau. Il a posé d’excellentes questions en commission parlementaire, souligne Alain Paquet. Mon commentaire est non partisan. Son travail mérite d’être souligné parce qu’il permet aux chambres de survivre. »
Vers une chambre plus forte?
L’industrie devrait désormais s’atteler à la tâche de solidifier la position de la CSF afin de simplifier l’encadrement, comme le demande le ministre des Finances Carlos Leitão. Parmi les mesures suggérées, on retrouve la transformation de la CSF en ordre professionnel et le transfert des pouvoirs d’inspection des cabinets de l’AMF à la CSF.
« Ça fait exactement ce que fait un ordre professionnel, mais ce n’est pas officiellement un ordre, note Gino Savard. S’il y a un souci de simplification dans notre industrie, c’est que c’est bien plus simple de tout mettre sous la Chambre qui fait déjà le travail au complet. C’est bien plus facile pour la chambre d’intégrer [l’inspection] des cabinets. »
Alain Paquet rappelle que l’idée de donner le pouvoir d’inspection des cabinets à la CSF ne date pas d’hier: « À l’époque, en 2011, quand j’étais ministre, on m’avait proposé cette hypothèse et j’avais dit que ce n’était pas le temps. Il y avait une première étape, soit de faire la distinction claire entre le volet associatif et le côté auto-réglementaire de la CSF. »
L’ancien député ne serait d’ailleurs pas prêt à recommander une décision semblable tout de suite, bien que ce soit une idée qui mériterait d’être étudiée sérieusement : « Je n’étais pas prêt à le faire en 2011. Aujourd’hui, il faudrait déterminer si c’est une bonne chose, peut-être que c’en est une, mais il faut bien protéger le public et s’assurer qu’il n’y a pas de passe droit pour les représentants. »
Préoccupations par rapport à l’exclusivité du conseil
La question de la distribution d’assurance sans représentant sur Internet continue de soulever des inquiétudes. C’est un autre des combats que l’industrie devra maintenant livrer selon Gino Savard.
« On préserve les chambres, mais qu’en est-il du rôle conseil? Est-ce qu’on va permettre aux assureurs de vendre directement sur Internet sans aucune intervention d’un professionnel? Ce n’est pas fini. Oui, on a gagné au niveau de l’auto-réglementation. »
Alain Paquet craint aussi que la réglementation ne favorise les institutions financières aux dépens des consommateurs.
« Il n’y a pas d’encadrement clair pour la distribution par Internet. Comme le conseil va, entre autres, être donné par des gens non certifiés, les institutions financières ont un incitatif à mettre de l’avant une force de vente pour faire connaître leurs produits, mousser leur existence et rechercher des clients s’il n’y a pas de garde-fou adéquat », s’inquiète-t-il.
« Les produits sont plus complexes qu’avant, ajoute-t-il. Plus que jamais, on a besoin de professionnels qui puissent faire leur travail et qui soient imputables de leur travail. S’il y a une marginalisation relative des professionnels, les vendeurs vont prendre une place prépondérante et ce ne sera pas à l’avantage des consommateurs. »
Gino Savard persiste et signe : le processus doit être validé par un professionnel certifié, même dans le cas de la vente d’assurance en ligne.
« Ça prend un professionnel pour valider l’adéquation entre le besoin et le montant pris (en capital décès) afin que le produit ait du sens. Il s’agit d’éviter des histoires d’horreur à des gens qui s’auto diagnostiquent tout croche et qui, après ça, n’ont pas le bon produit ni le bon montant d’assurance. »
Le Mouvement Desjardins, dont le directeur des relations gouvernementales, Yvan-Pierre Grimard, a abondamment défendu l’idée d’intégrer les chambres au sein de l’AMF au courant des derniers mois sur les médias sociaux, a indiqué attendre l’adoption finale du projet de loi 141 avant d’émettre des commentaires.
Avec Guillaume Poulin-Goyer