Alors que les données semblent montrer que les finances des ménages n’ont jamais été aussi solides, les banques alimentaires peinent à répondre à la demande. Dans un rapport récent, repris par Financial Post, Carrie Freestone, économiste de la Banque Royale du Canada, dénonce un véritable clivage dans la population canadienne.
« Sous la surface, il y a des signes clairs que le consommateur canadien moyen souffre », observe l’économiste dans son rapport. En effet, certains signes laissent penser que l’économie est en récession :
- les taux de délinquance sont en hausse,
- la demande pour des services tels que les banques alimentaires atteint des niveaux sans précédent,
- et les dépenses des ménages par habitant diminuent.
Les personnes qui parviennent à accumuler des économies ne sont que les plus hauts revenus du Canada, les 20 % supérieurs. Ces foyers parviennent à épargner environ un tiers de revenu net chaque trimestre, rapporte Carrie Freestone.
Cette situation n’est pas récente puisque depuis 2019, les 40 % des Canadiens les mieux rémunérés ont constitué 60 % de l’augmentation des actifs financiers.
« Cela explique pourquoi les dépôts des ménages ont considérablement augmenté alors que les banques alimentaires peinent à répondre à la demande », analyse Carrie Freestone.
En réalité, l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et l’augmentation du chômage ont érodé le pouvoir d’achat des groupes à faibles revenus.
« Ceux qui se trouvent dans le 20 % inférieur des revenus s’endettent pour acheter des biens essentiels », décrit l’économiste.
La pandémie a offert peu de répit aux ménages à faibles revenus grâce à l’aide gouvernementale, mais la situation est revenue à celle de 2019. Ces derniers sont forcés de dépenser 105 % de leur revenu disponible pour les essentiels. Et ce ne sont pas les seuls sous pression.
La classe moyenne peine également à joindre les deux bouts. En 2023, ce groupe a alloué la plus grande portion de son revenu net aux besoins essentiels depuis 1999, indique Carrie Freestone. En 2024, leurs dépenses dépassaient leur revenu de 17 %, ce qui les a amenés à « désépargner ».
Alors que la situation semblait s’améliorer avec une inflation revenue dans la fourchette cible de la Banque du Canada et la réduction des taux d’intérêt. Toutefois, cela ne reflète pas ce que vivent la majorité des ménages canadiens.
Dans bien des cas, les prix n’ont pas baissé, ils augmentent juste plus lentement. Les denrées alimentaires sont encore en hausse de 25 % par rapport à avant la pandémie, les prix de l’essence ont augmenté de 33 % et une part plus importante des dépenses des Canadiens est consacrée à ces essentiels.
Du côté des augmentations de salaire, encore une fois, ce sont les hauts salaires qui en ont le plus bénéficié. Les 40 % les mieux rémunérés ont représenté 70 % de la croissance des salaires, selon les données rapportées par Carrie Freestone. La croissance des salaires pour la classe moyenne n’a augmenté que de 3,7 % pendant cette période, contre 13 % pour les revenus les plus élevés.
En constatant ce clivage dans la population, on peut comprendre la complexité du travail de la Banque du Canada.