Offrant toute la gamme des services allant des assurances aux valeurs mobilières en passant par la planification successorale, Luc Papineau est cependant d’avis que les statistiques trahissent la réalité.
Des millions de dollars à investir
«Nous entrons dans une période où, pour la première fois, toute une vague de baby-boomers propriétaires de PME s’apprête à vendre» ou à léguer un important patrimoine, souligne-t-il.
Les franchisés des grands groupes de commerce de détail ou de restauration, par exemple, sont assis sur des sommes rondelettes qui devront être investies ou transférées à la prochaine génération. Il y aurait ainsi plusieurs millionnaires qui s’ignorent dans la métropole.
L’expérience d’Alain Descheneaux, directeur et propriétaire de la succursale Maisonneuve de SFL Partenaire de Desjardins Sécurité financière, fait elle aussi mentir les statistiques : «Au cours des cinq dernières années, j’estime que la croissance de nos affaires a été d’environ 30 %», dit-il.
Il analyse en outre que les indicateurs recensés au tableau 2 illustrent probablement un phénomène démographique propre à Montréal : la grande ville perd au profit des banlieues.
Alain Descheneaux ne serait pas surpris que l’on retrouve les effectifs perdus en sol montréalais ailleurs dans la grande région métropolitaine.
Les données colligées dans les précédents articles de la série montrent effectivement une croissance de l’emploi dans les régions satellites de Montréal, soit la Rive-Nord, la Rive-Sud ainsi que Laval.
Toutefois, Montréal ne perd pas sur tous les fronts. Les produits intérieurs bruts (PIB) du secteur Finance et Assurance à Montréal affichaient en 2012 une croissance annuelle de 3,4 % sur cinq ans, ce qui témoigne d’une augmentation de la valeur des produits et services financiers.
D’ailleurs, une récente étude de Pitney Bowes Canada, spécialisée dans l’intelligence d’affaires, relève que l’actif financier moyen des ménages montréalais s’est apprécié de 19 % de 2008 à 2012, pour s’établir à 174 000 $.
Une démographie particulière
En raison de son importante diversité culturelle, Montréal pose des défis particuliers à l’industrie financière.
«On le remarque, le développement des affaires est différent selon la communauté à laquelle on s’adresse», affirme Luc Bernard, vice-président exécutif de la Banque Laurentienne.
L’approche face à la retraite, la prise en charge des clients par les conseillers, l’horizon de temps pour lequel l’argent est investi, toutes ces variables diffèrent selon le groupe.
«Il faut donc modéliser notre approche différemment pour chacune des communautés», remarque encore Luc Bernard, qui dit que la Laurentienne affiche un taux de pénétration «élevé» auprès de certaines communautés culturelles.
Responsable des activités de banque au détail et à la PME, Luc Bernard observe en outre que Montréal affiche un solde migratoire positif pour la tranche des jeunes de moins de 30 ans. Il faut donc offrir des produits et services propres aux premiers investisseurs.
S’il doit composer lui aussi avec l’importante diversité culturelle des Montréalais, Alain Descheneaux, de SFL, est toutefois d’avis que peu importe ceux à qui on s’adresse, il y a des choses qui ne changent pas.
La diversité culturelle impose «une approche différente pour le démarchage et le développement des affaires. Mais une fois qu’on a franchi la porte d’entrée, la prestation» de services reste essentiellement la même, indique-t-il.
En terme de gestion de patrimoine, la pénétration auprès des nouvelles générations est aussi un enjeu concurrentiel important pour Luc Papineau et Richardson GMP.
«Dans la planification du patrimoine d’un entrepreneur, il faut intégrer les enfants, au risque de les voir aller ailleurs», dit-il.
Une concurrence féroce
À l’extérieur de la grande région métropolitaine, la pleine gamme de produits et services est surtout l’affaire des deux grandes institutions financières québécoises, Desjardins et Banque Nationale.
À Montréal cependant, «toutes les banques, toutes les institutions sont présentes», relate Luc Bernard.
Nos interlocuteurs sont tous d’accord avec l’image selon laquelle la concurrence montréalaise est telle que les clients reçoivent une institution par la porte d’en avant tandis qu’une autre sort par la porte d’en arrière.
Il faut donc se positionner en amont des besoins. «C’est avant qu’ils vendent qu’il faut recruter les clients parmi les entrepreneurs», explique Luc Papineau.
Une fois que la vente des actifs est entamée, il est trop tard, dit-il. L’avantage concurrentiel, chez Richardson GMP, réside dans l’indépendance de ses conseillers.
Pour la Laurentienne, il s’agit aussi de développer des champs de spécialisation. «Nous avons des centres d’expertise pour certains secteurs, comme les sciences de la santé», relate Luc Bernard. Chez SFL, Alain Descheneaux mise notamment sur une approche intégrée. «Il faut pouvoir offrir tous les produits d’assurance et d’épargne, mais aussi du référencement pour la fiscalité», par exemple.
Il reste que la concurrence n’est pas la même pour tous les segments de clients.
En valeurs mobilières par exemple, Luc Papineau constate que «pour les comptes de moins de 2 M$ qui veulent du conseil indépendant [en valeurs mobilières], ça semble plus facile», note-t-il.
Même si chaque acteur et son voisin, des agents généraux aux assureurs en passant par les banques, offrent maintenant des services de gestion privée, Richardson GMP estime avoir les coudées franches pour ce secteur.
«Par contre, nous sommes nombreux à frapper à la porte des clients de 2 à 5 M$.» Quant aux comptes supérieurs à 5 M$, c’est la curée, semble-t-il, car c’est le seuil à partir duquel les grands acteurs indépendants comme Jarislowsky et Letko, Brosseau et associés, par exemple, s’intéressent aux clients de détail.
Enfin, nos interlocuteurs sont d’avis que les prochaines années risquent d’être particulièrement intéressantes pour le développement de marché à Montréal.
Tous s’entendent pour dire que la croissance passe par l’intégration d’une panoplie de produits et services, mais également par l’augmentation de la part du portefeuille confié par chaque client à son conseiller.
Tous fourbissent donc leurs armes en conséquence.
19 %
Hausse de la valeur de l’actif moyen des ménages montréalais de 2008 à 2012.
Source : Pitney Bowes Canada.