Son potentiel est si important qu’on pourrait assister à la mise en place de milliards d’applications, surtout quand on tient compte des interactions possibles avec l’Internet des objets, affirme-t-on dans un article de CoinDesk publié en février (http://tinyurl.com/zevshls).
Sécurité garantie
Le premier registre des transactions numériques est apparu en 2008 avec le bitcoin. À la base, le blockchain est un «journal public qui contient toutes les transactions enregistrées par les utilisateurs d’un réseau de monnaie cryptographique», selon la définition de l’Office québécois de la langue française.
Ce registre transparent et sécurisé est réparti en mode poste-à-poste (peer-to-peer) entre de multiples ordinateurs. Ainsi, il peut être perçu comme «une machine à générer de la confiance», souligne un article récent de The Economist (http://tinyurl.com/q4xcu4t).
Dans un réseau comme celui du bitcoin, chaque transaction est vérifiée, traitée et regroupée dans des blocs qui, reliés ensuite entre eux, forment une chaîne, d’où le nom en anglais de blockchain.
Cette base de données contient donc l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. «Cette base de données est sécurisée et répartie : elle est partagée par ses différents utilisateurs, sans intermédiaire, ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne», explique le site de Blockchain France.
La sécurité des informations y est garantie par un modèle de cryptage extrêmement musclé et, surtout, par la structure éclatée qui répartit et décompose les informations entre plusieurs serveurs. Ainsi, le système de cryptage fait en sorte que toute modification à un bloc le rend incompatible avec les autres et est donc immédiatement repérée.
«Pour que l’information soit compromise, il faudrait qu’un assaillant contrôle au moins 50 % de tous les ordinateurs et serveurs du réseau», dit en entrevue à Finance et Investissement Theo Stratopoulos, professeur agrégé en informatique à la School of Accounting and Finance de l’Université de Waterloo. Ce n’est pas impossible à réaliser, mais très difficile.
L’industrie hésite
Guère révolutionnaire et sophistiqué en apparence, la technologie des registres des transactions numériques pourrait transformer les modes de coopération entre entreprises et personnes – comme ce fut le cas pour la comptabilité à double entrée et les sociétés de capitaux.
Comme le note The Economist, tous les acteurs oeuvrant dans des domaines reposant sur la confiance sont visés, notamment les institutions financières et les chambres de compensation.
Selon PWC, l’industrie des services financiers traditionnelle risque de perdre plus de 20 % de ses activités en raison du développement des technologies financières d’ici 2020. Pourtant, 57 % des acteurs ignorent comment ils se positionneront par rapport à la technologie des registres des transactions.
Beaucoup d’intérêt
Outre le réseau bitcoin, il y a encore peu de projets de type blockchain opérationnels.
Le plus important, piloté par le consortium R3 CEV, est de nature expérimentale. Ce projet, auquel participent plus de 40 grandes banques du monde, tente de démontrer la faisabilité d’un projet de registre partagé entre plusieurs institutions financières.
Cependant, l’intérêt suscité par la technologie est considérable. Les firmes de capital de risque ont investi au cours des trois dernières années près de 1 G$ US dans divers projets et entreprises en démarrage dans le domaine des cryptomonnaies et des registres des transactions. C’est ce qu’indique une étude du bureau d’avocats britannique White & Case, qui se base sur un rapport de Goldman Sachs (http://tinyurl.com/h83sosh).
Goldman Sachs a elle-même déposé un brevet sur un système de règlement des transactions qui recourrait à sa propre cryptomonnaie, appelée SETLcoin. La banque d’affaires est également membre du consortium R3 CEV.
Parmi les projets qui ont bénéficié des largesses des capital-risqueurs, on compte celui de la montréalaise Blockstream, qui a récolté 76 M$ en deux rondes de financement. Cette entreprise, comme d’autres jeunes acteurs en technologies financières, est très ambitieuse : «Nous voulons remplacer le système financier international, qui est basé sur des technologies qui n’ont pas évolué depuis 20 ans», a affirmé le président de Blockstream, Austin Hill, au journal Les Affaires, en février dernier.
Blockstream, avec son Elements Project, veut être au monde des blockchains ce que Red Hat a été à celui du système d’exploitation Linux : elle compte mettre au point une boîte d’outils pour ses clients afin d’accélérer le développement d’applications de type blockchain.
Nombreuses applications
Les applications potentielles sont innombrables. Toutefois, on prévoit que contrairement au réseau bitcoin qui est de nature publique, la majorité des projets seront de nature privée, souligne le professeur Theo Stratopoulos.
Puisque le secteur financier en sera le premier et principal utilisateur, on peut s’attendre à ce que plusieurs projets touchent le monde du courtage et du conseil financier.
Par exemple, la technologie des registres des transactions contribuera à mettre en place des systèmes de règlement plus rapides et moins coûteux, tout en réduisant les risques de fraude, avance l’étude de White & Case.
On y donne l’exemple du réseau privé Linq, de Nasdaq. Il permet aux entreprises privées qui ne sont pas encore assujetties aux exigences d’archivage d’une émission publique d’enregistrer tous les changements de propriété d’actions émises aux fondateurs, aux premiers investisseurs et aux employés.
Par ailleurs, la Securities and Exchange Commission des États-Unis a récemment donné son aval au projet d’Overstock.com d’émettre des actions de sociétés et d’en tenir le registre grâce à un réseau blockchain.
Tout laisse croire que les technologies des registres des transactions déferleront, bien qu’il soit trop tôt pour en être certain, affirme Theo Stratopoulos, qui s’intéresse particulièrement à la question de l’adoption du blockchain. «Nous sommes encore à l’étape expérimentale, et rien ne nous permet de croire que nous sommes passés à l’étape de déploiement», dit-il.
Selon l’universitaire, nous pourrions très bien nous retrouver avec un fatras de réseaux incompatibles, comme le système bancaire américain s’est retrouvé avec un fatras de monnaies disparates au 19e siècle. La suite s’annonce passionnante…
1 G$
Les firmes de capital de risque ont investi près de 1 G$ US depuis trois ans dans des projets de cryptomonnaies et de registres des transactions.