Benjamin Creary, directeur des ventes chez Placements Vanguard Canada, est d’avis que le passage d’un modèle de rémunération à base de commissions à un modèle à base d’honoraires devrait soutenir la croissance des actifs dans le secteur des fonds négociés en Bourse (FNB).
Finance et Investissement (FI) : Comment l’évolution règlementaire, notamment la deuxième série de réformes du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2) influence-t-elle l’évolution des actifs dans le secteur des FNB ?
Benjamin Creary (BC) : Aux États-Unis, la croissance de la gestion passive et celle des FNB a réellement commencé lorsque des changements règlementaires ont amené les conseillers à transiter d’une base de rémunération à commissions transactionnelles vers une base à honoraires. Dans ces conditions, les FNB deviennent de très bons outils parce qu’ils peuvent être un facteur permettant la réduction du frais total pour le client, ce qui est une bonne chose selon nous.
Nous pensons que ce sera le même phénomène au Canada. Déjà, année après année, nous constatons une croissance des actifs sous gestion dans le secteur des FNB d’environ 20 à 25 %. À la fin de 2016, cette valeur a dépassé le cap des 110 G$ en actifs sous gestion, la faisant presque tripler depuis 2010. Cette croissance devrait se poursuivre, et sans doute que des réformes telles que le MRCC 2 et éventuellement le MRCC 3, vont peut-être l’accentuer encore plus.
(FI) : Et selon vous, comment l’évolution technologique influence-t-elle le secteur ?
(BC) : Nous croyons fortement dans la valeur du conseil. Vanguard a mis en place l’Alpha du conseiller, qui est une proposition de valeur fondée sur trois composantes : la construction de portefeuille descendante, l’encadrement du comportement et la gestion de patrimoine. Nous avons quantifié qu’un conseiller peut ajouter jusqu’à 3 % de valeur au rendement des portefeuilles de ses clients, après impôt et frais de gestion, et la moitié de cet ajout est basée sur la finance comportementale.
Alors la fintech et les robots-conseillers peuvent s’avérer de très bons outils pour les conseillers, qui peuvent y avoir recours afin de déléguer certaines actions, par exemple, la gestion et le rééquilibrage des portefeuilles. Cette délégation peut leur permettre de se concentrer là où ils apportent plus de valeur, notamment dans l’encadrement du comportement, en s’assurant que le client ne prendra pas les mauvaises décisions au mauvais moment.
(FI) : Plusieurs nouveaux joueurs sont apparus dans le secteur des FNB au cours des dernières années. Comment adaptez-vous votre stratégie à cette croissance de la concurrence ?
(BC) : Lorsque l’on regarde la situation, en 2008 il y avait trois fournisseurs de FNB au Canada, alors qu’aujourd’hui nous sommes 24. Nous croyons qu’il s’agit d’une bonne chose, car cela signifie que les investisseurs ont accès à plus d’outils pour vraiment réduire les frais de gestion de leur portefeuille.
Un FNB, c’est ni plus ni moins qu’un outil permettant de livrer un panier de titres. L’investisseur doit donc vraiment comprendre ce qu’il achète et la stratégie qui soutient le produit. Il doit s’assurer que cette stratégie est conforme avec ses objectifs et sa tolérance au risque. Pour notre part, nous mettons l’emphase sur l’éducation afin de nous assurer que les gens comprennent ce qu’ils achètent.
Nous cherchons donc à nous distinguer à travers notre offre de produits et ce que nous sommes comme entreprise. Souvent, lorsque les gens pensent à Vanguard, ils croient que nous avons surtout des produits ayant recours à la gestion passive. En fait, le premier fonds de Vanguard était un fonds géré activement et aujourd’hui, sur le plan mondial, le quart de nos actifs est investi dans des solutions gérées activement. Au Canada, il y a un an, nous avons notamment lancé quatre FNB gérés activement à faible coût.
Par ailleurs, notre structure organisationnelle est assez unique. Vanguard Group est détenu par ses fonds communs et ses FNB domiciliés aux États-Unis, donc par les investisseurs, ce qui signifie que nous sommes structurés comme une mutuelle. L’avantage, notamment pour les investisseurs canadiens, c’est qu’au fur et à mesure que les actifs augmentent, nos frais baissent, car c’est de cette manière que nous partageons avec nos investisseurs. Cela explique notre culture de faibles coûts et de priorité accordée à la clientèle, et notre philosophie de placement qui est fondée sur des attentes raisonnables en matière de risque et de rendement.
(FI) : Considérant le nombre de joueurs actifs dans le secteur des FNB, croyez-vous qu’il y aura éventuellement une consolidation ?
(BC) : Pas nécessairement, car le secteur des FNB représente encore un petit pourcentage des actifs investis si l’on compare au secteur des fonds communs de placement. Toutefois, aux États-Unis, nous voyons un certain nombre de FNB disparaître chaque année. Il y a donc beaucoup de produits actuellement créés au Canada et il ne serait pas surprenant qu’il y ait éventuellement une consolidation, mais en ce qui a trait aux producteurs, plusieurs offrent des produits très nichés et distinctifs, alors il y a encore de l’espace dans le secteur.