L’objectif consiste à introduire ou à modifier certaines restrictions en matière de concentration de placement, de même qu’en matière de limites sur les actifs non liquides et sur les emprunts de fonds. Les modifications proposées introduiraient également des obligations d’information pour les fonds alternatifs afin de faire ressortir les stratégies de placement distinguant ces produits des OPC traditionnels.
Ces modifications s’inscrivent dans le cadre de la phase finale des travaux de modernisation de la réglementation des fonds d’investissement faisant publiquement appel à l’épargne, amorcés en 2013. Elles s’avèrent d’autant plus pertinentes que dans «la dernière décennie, l’éventail des produits de fonds d’investissement offerts et des stratégies utilisées sur les marchés s’est considérablement élargi, tant au Canada qu’à l’étranger», constate Louis Morisset, président des ACVM et PDG de l’Autorité des marchés financiers (AMF), par voie de communiqué.
Les projets de modifications devraient ultimement permettre de «faciliter l’utilisation de stratégies alternatives et plus innovatrices tout en conservant les restrictions qui, à notre avis, sont appropriées pour les produits pouvant être vendus aux investisseurs individuels», indique-t-il.
L’Alternative Investment Management Association (AIMA) Canada, qui regroupe plus de 130 sociétés membres et se présente comme la voix de l’industrie de l’investissement alternatif au Canada, accueille favorablement les modifications proposées.
«Malgré la force et la longévité de l’industrie de l’investissement alternatif au Canada, cette dernière est restée relativement faible par rapport à ce qui est observé aux États-Unis et ailleurs dans le monde, en partie parce que les règlements actuels font en sorte que les investisseurs canadiens ont difficilement accès aux stratégies qui ont recours aux fonds alternatifs», déplore Michael Burns, président de AIMA Canada dans une communication.
«Une fois que ces changements seront entrés en vigueur, investir dans des fonds alternatifs pourrait bien devenir aussi facile que de faire l’achat d’un FCP», écrit pour sa part James Burron, chef de l’exploitation de l’AIMA Canada, dans un billet publié à la fin de septembre.
Selon lui, les modifications proposées, dont l’introduction dans le régime de prospectus qui existe pour les autres types d’OPC, auront pour conséquence d’élargir la gamme des stratégies disponibles pour les investisseurs au détail.
De fait, les ACVM proposent que les fonds alternatifs qui ne sont inscrits à la cote d’aucune Bourse soient tenus d’établir un prospectus, une notice annuelle et un aperçu du fonds. Cet aperçu du fonds devra intégrer un libellé qui fait ressortir clairement la façon dont le fonds alternatif diffère des autres OPC en ce qui a trait à ses stratégies de placement et aux actifs dans lesquels il est autorisé à investir, et être transmis au moment de la souscription ou avant.
Mort annoncée de l’innovation ?
Ces projets de modifications visent à transférer dans le Règlement 81-102 la majeure partie du cadre réglementaire actuellement applicable aux fonds marché à terme en vertu du Règlement 81-104, puis de remplacer l’expression «fonds marché à terme» par «fonds alternatif». Selon les ACVM, ces derniers fonds investissent dans des catégories d’actif ou adoptent des stratégies de placement qui sont interdites, sauf s’ils se prévalent de dispenses.
Selon les ACVM, les projets de modifications n’entraîneront pas de coûts importants aux fonds d’investissement, à leurs gestionnaires ou aux porteurs.
Toutefois, les ACVM proposent des changements aux obligations relatives au capital de démarrage pour les fonds alternatifs. Selon celles-ci, le capital de démarrage minimal passerait de 50 000 à 150 000 $.
En contrepartie, le gestionnaire ne serait plus tenu de maintenir un investissement de 50 000 $ dans le fonds comme c’est le cas actuellement pour les fonds marché à terme, et pourrait récupérer le capital de démarrage une fois que le fonds aurait réuni une somme d’au moins 500 000 $ auprès d’investisseurs externes.
Geneviève Blouin, présidente fondatrice de la firme de gestion Altervest, qui développe des stratégies alternatives qualifiées de conservatrices, s’inquiète de voir que certaines propositions des ACVM viennent restreindre l’innovation dans le secteur financier.
«De manière réaliste, nous devons convenir du fait qu’une bonne part de ce qui est innovateur dans l’industrie provient souvent des entrepreneurs, et plus spécialement des petits entrepreneurs, parce que leur seule façon de se démarquer consiste à trouver des marchés de niche. Alors, en augmentant l’obligation relative au capital de démarrage pour les fonds alternatifs, de même qu’en introduisant les fonds alternatifs [qui se plient] au régime de prospectus existant, qui coûte tout de même extrêmement cher à mettre en place, je pense que ça augmente tout de même les barrières à l’entrée», analyse-t-elle.