Tout comme les banques centrales qui ont décidé de ne pas relever leurs taux directeurs, les conseillers devraient en faire autant dans leurs stratégies pour leurs clients, selon les experts du marché.
À la surprise de beaucoup, la Banque du Canada et la Réserve fédérale ont toutes deux choisi de ne pas relever leurs taux cette semaine, malgré des niveaux d’inflation jamais vus depuis plus de trois décennies. La Banque du Canada a décidé de laisser le taux cible du financement à un jour à 0,25 %, tandis que la Réserve fédérale a maintenu son taux cible entre 0 et 0,25 %.
Ces décisions sont survenues après un début d’année volatile sur les marchés des actions, l’indice S&P 500 ayant perdu près de 9 % pour l’année à la fermeture des marchés le 26 janvier, et l’indice composite S&P/TSX ayant perdu près de 3 %. L’indice composite NASDAQ, à forte composante technologique, était en baisse de plus de 12 %. Les marchés ont récupéré une partie de ces pertes le jour suivant.
Craig Basinger, stratège en chef du marché chez Purpose Investments, note que 2021 avait une volatilité si faible qu’elle ne pouvait pas durer sur cette lancée.
« Nous savions certainement que 2022 allait voir des changements potentiels dans les tendances, parce que nous avons des banques centrales qui vont resserrer leurs politiques cette année, l’assouplissement quantitatif va disparaître, etc. », dit-il.
Si l’on ajoute à cela l’effet de l’inflation sur le psychisme des investisseurs, il ne pouvait qu’y avoir une certaine volatilité, souligne Craig Basinger. « Je pense que cela s’est accéléré assez rapidement au début d’année. »
Malgré la volatilité, et à la lumière des décisions des banques centrales, Craig Basinger estime que les conversations entre conseillers et clients n’ont pas besoin de changer.
« Je continuerais à mettre l’accent sur le fait que le marché des actions américaines est probablement l’un des marchés les plus risqués à ce stade », affirme-t-il.
Les grandes entreprises technologiques dominent les indices pondérés en fonction de la capitalisation boursière, comme le S&P 500, ce qui, selon Craig Basinger, crée un risque de concentration. D’après lui, il est temps d’adopter une stratégie plus défensive et axée sur la valeur, avec une plus grande diversification au Canada et sur les marchés internationaux.
« Si vous croyez que l’inflation va reprendre, dans une certaine mesure, pendant plus longtemps qu’elle ne l’a fait historiquement, et si vous croyez que nous sommes au début d’un cycle de resserrement, alors il y a une chance très nette que nous commencions à voir un changement potentiel de leadership au détriment de la croissance et en faveur d’autres secteurs du marché », analyse-t-il.
Lesley Marks, responsable des investissements en actions chez Mackenzie Investments, estime que les mêmes facteurs qui effraient les marchés aujourd’hui – craintes concernant l’inflation, la politique monétaire et les variants de la COVID-19 – étaient présents à la fin de l’année dernière. Pourtant, les marchés atteignaient de nouveaux sommets.
« Nous pensons que ce qui a changé, c’est que le marché est plus préoccupé par le fait que les banques centrales sont en retard dans leur capacité à maîtriser l’inflation, rapporte-t-elle. En réponse à cela, ils devront agir plus rapidement pour augmenter les taux d’intérêt cette année que ce qui était initialement prévu. »
Lesley Marks souligne que l’impact du variant Omicron sur la chaîne d’approvisionnement ne peut être sous-estimé, ce dont la Banque du Canada a discuté en profondeur dans son dernier rapport sur la politique monétaire. En raison du variant, la banque centrale prévoit une croissance mondiale « modérée » de 3,6 % cette année, ce qui représenterait une baisse par rapport aux 6,8 % de 2021. Pour l’économie canadienne, la banque prévoit une croissance d’environ 4 % cette année.
« Sur la marge, il y a eu des changements qui ont créé des vents contraires pour le marché actuel, concède-t-elle. Mais nous nous attendons à ce que ces vents contraires soient temporaires. »
En termes de stratégie d’investissement, Lesley Marks assure que les annonces des banques centrales ne changeraient rien. On s’attend à ce que les deux banques centrales relèvent leurs taux lors de leurs prochaines réunions en mars.
Le fait que la Banque du Canada ait noté la vigueur de l’économie mondiale, le rebond des prix du pétrole, la forte croissance de l’emploi et un marché du travail tendu a créé un peu de confusion et, potentiellement, une volatilité du marché pour les deux prochains mois, prévient-elle.
« Tout ce récit s’est vraiment imbriqué pour vous faire penser que c’était le moment pour eux d’augmenter les taux d’intérêt, commente-t-elle. Dire : « Nous avons toutes les conditions préalables pour augmenter les taux d’intérêt, mais nous n’allons pas le faire aujourd’hui », c’est un message très confus. »
L’impact économique du variant Omicron a peut-être été le facteur décisif dans la décision de conserver le statu quo, ajoute-t-elle.