Selon certains économistes, le « Brexit », surnom donné au divorce, entraînera de la volatilité à court terme sur les marchés mondiaux et réduira l’appétit des investisseurs pour le risque. Cela devrait se traduire par un raffermissement du dollar américain aux dépens du dollar canadien.
D’un autre côté, les taux d’intérêt aux États-Unis ne grimperont probablement pas, contrairement à ce qui était prévu, ce qui pourrait être un facteur de stabilité pour le huard dans les prochains mois.
« Cela va au-delà du Royaume-Uni en tant que tel, et c’est pourquoi les ramifications seront mondiales », a observé l’économiste en chef adjoint du Conference Board du Canada, Pedro Antunes.
« Je crois que l’inquiétude sur les marchés mondiaux n’est pas seulement liée au Brexit, ce n’est pas seulement parce que le Royaume-Uni a décidé de quitter. Cela est vraiment lié aux ramifications politiques à l’intérieur du Royaume-Uni ou de l’Union européenne elle-même, particulièrement l’union monétaire, qui souffre déjà. »
Le commerce de biens matériels entre le Canada et le Royaume-Uni est faible et il ne devrait pas être grandement touché par le vote, a ajouté M. Antunes. Mais les entreprises canadiennes qui ont des bureaux ou des filiales au Royaume-Uni pour obtenir un meilleur accès à l’Union européenne vont probablement choisir d’attendre et de voir comment les choses se déroulent avant d’y réaliser de nouveaux investissements.
Croissance réduite au 2e semestre
Dans un rapport à ses clients, Services économiques TD a indiqué que le vote pour le Brexit réduirait la croissance de façon importante au Canada et aux États-Unis cette année.
« Nous estimons que la confiance et les conséquences financières du départ pourraient réduire d’environ 0,5 à 1,0 point de pourcentage la croissance du produit intérieur brut des États-Unis et du Canada dans la deuxième moitié de 2016, essentiellement en raison d’une réduction attendue de la croissance des investissements d’affaires attribuable à une augmentation de l’incertitude économique mondiale », ont écrit les économistes Beata Caranci et Fotios Raptis.
Lors d’un entretien, M. Raptis a précisé que la prévision moyenne de croissance économique de 1,3 % pour le Canada cette année, émise plus tôt en juin par la TD, pourrait passer à 1,2 % en raison de la révision à la baisse pour la deuxième moitié de 2016.
La TD a noté dans son rapport que le Canada faisait parvenir environ trois pour cent de ses biens exportés au Royaume-Uni. Les provinces qui risquent d’être les plus touchées par le Brexit sont Terre-Neuve-et-Labrador, qui livre environ huit pour cent de ses exportations là-bas, ainsi que l’Ontario, avec environ six pour cent de ses exportations.
Selon Greg Colman, un analyste du secteur de l’énergie de la Financière Banque Nationale, le vote pour le Brexit pourrait faire diminuer la demande pour le pétrole et le gaz naturel au Royaume-Uni et en Europe, si leurs économies ralentissent autant que prévu. Mais la demande dans cette région du monde diminue déjà depuis une décennie, alors l’impact sur le portrait de la demande énergétique mondiale ne devrait pas être si important, a-t-il précisé.
M. Colman juge que le dollar américain devrait prendre de la vigueur vis-à-vis du dollar canadien, ainsi que de la livre sterling. Cela devrait ultimement profiter aux Canadiens qui exportent de l’énergie et d’autres biens, qui règlent la plupart de leurs coûts au Canada avant de réaliser des ventes aux États-Unis.
« Notre dynamique de l’offre et de la demande (énergétique) ne devrait pas vraiment changer; peut-être verrons-nous un léger impact négatif dans la marge », a-t-il affirmé.
« La prime au risque va augmenter, ce qui va entraîne des désinvestissements d’actions, ce qui va faire baisser les prix de certaines actions de bonne qualité, et il vaut mieux acheter les actions moins dispendieuses que celles qui coûtent cher. Puis, du côté des devises, il y a cet effet rebond avec un dollar canadien plus faible. »
Conséquences discrètes
De son côté, le service de recherche économique de la Banque Royale a dit s’attendre à des conséquences « discrètes » sur l’économie, tout en avertissant qu’il pourrait y avoir « un retour de l’aversion au risque sur les marchés financiers, (ce qui) devrait exercer une pression à la baisse sur les prix du pétrole, les rendements des obligations gouvernementales et le dollar canadien ».
Dans une entrée de blogue, le directeur adjoint à la recherche de l’Institut C.D. Howe, Colin Busby, a souligné que les investissements directs du Royaume-Uni au Canada étaient d’environ 34 milliards de dollars (G$) à la fin de 2015, tandis que les entreprises canadiennes avaient investi 93 G$ au Royaume-Uni.
Plus de 70 000 Canadiens vivent au Royaume-Uni et environ 5000 Britanniques détiennent un permis de travail temporaire chaque année pour travailler au Canada, a-t-il ajouté.
Certaines entreprises canadiennes ne s’attendent pas à observer d’importants changements.
Le bureau d’architectes et d’ingénieurs torontois IBI Group tire environ 10 % de ses revenus au Royaume-Uni. Selon son porte-parole Riyaz Lalani, IBI s’attend à ce que les gains qu’elle réalisera grâce à l’appréciation de ses actifs américains, attribuables à la hausse du dollar américain, surpassent toute détérioration liée à son exposition au Royaume-Uni et à l’affaiblissement du dollar canadien vis-à-vis du dollar américain.
Aimia, l’entreprise montréalaise qui exploite les programmes de fidélisation Aéroplan au Canada et Nectar au Royaume-Uni, ne s’attend pas à ce que le vote pour le Brexit ait un impact significatif sur ses résultats financiers à moyen terme.
L’assureur Great-West Lifeco, de Winnipeg, une des plus grandes sociétés d’assurances au pays, a indiqué vendredi que ses activités européennes étaient « résilientes » et qu’il était en mesure de conserver une « flexibilité financière significative ».
Great-West Lifeco est présente au Royaume-Uni depuis 1903 avec sa bannière Canada Life. Parmi ses autres unités d’exploitation actives dans l’Union européenne se trouve notamment Irish Life, en Irlande.
Les partisans du Brexit ont remporté le vote de jeudi dans une proportion de 52 %. Le premier ministre britannique David Cameron, qui préférait voir le pays rester au sein de l’UE, a annoncé sa démission.
Le vote britannique sur la sortie de l’UE a eu un impact immédiat sur le monde financier, la livre britannique ayant plongé à son plus faible niveau en trois décennies et les marchés boursiers du monde entier ayant affiché des baisses.