« Depuis les cinq dernières années, le Québec a accumulé déficits sur déficits. Nous sommes dans un tournant où il faut rétablir l’équilibre financière, donc retourner à l’équilibre budgétaire mais aussi s’assurer qu’on en arrive à briser le cercle vicieux des déficits à répétition », mentionne Yanick Labrie, économiste à l’IÉDM, en entretien avec Finance et Investissement.
L’IÉDM rappelle qu’au cours des 40 dernières années, le budget a été équilibré ou en surplus seulement six fois. Depuis l’atteinte du déficit zéro en 1998-1999, la dette a augmenté de 95 milliards de dollars (G$). Au point où la dette publique équivaut aujourd’hui à 69 000 $ par contribuable.
« La situation déficitaire est structurelle et il faut trouver des solutions pour qu’à terme, nous remboursions notre dette et que nous puissions alléger le fardeau fiscal des québécois », mentionne Yanick Labrie.
Recommandations
Dans le but d’établir un équilibre budgétaire à long terme, l’IÉDM privilégie une utilisation plus efficace des ressources publiques, par exemple dans le réseau de la santé ou de l’éducation.
À quelques heures du dépôt du budget Leitao, l’IÉDM dit s’attendre à une réforme du financement des hôpitaux, notamment par l’instauration d’un financement à l’activité.
« Il y a eu énormément d’injections d’argent dans le réseau de la santé dans les trente dernières années et malgré cela, nous n’avons pas résorbé de façon durable la situation de l’attente et nous constatons toujours le même problème d’engorgement dans les urgences et de délai qui s’allonge pour les chirurgies », évoque Yanick Labrie.
Au nombre des solutions proposées par l’IÉDM, on suggère de réviser la façon dont les services policiers sont livrés.
«Nous croyons qu’un recours à l’impartition de certaines tâches auprès du secteur privé permettrait de mieux gérer les dépenses sans influencer sur la qualité du service fourni au citoyens, souligne Yanick Labrie. Il s’agit de quelque chose qui a été fait à Londres notamment, où nous avons observé dans le cas de barrages routiers, l’utilisation de deux constables et de six agents de sécurité, plutôt que de huit policiers. C’est là un exemple de situation où des civils bien formés sont en mesure d’accomplir des tâches qui ne nécessitent pas l’expertise policier.»
L’IÉDM considère également judicieux de revoir l’aide accordée aux entreprises.
«Nous sommes très généreux en terme de subvention. En fait, le Québec est la province au Canada où l’on donne le plus de soutien, de subsides directs et de crédits d’impôt aux entreprises. Nous considérons qu’il y a un ménage à faire».
À ce chapitre, l’IÉDM ne considère pas que ce soutien génère une plus grande création d’entreprises ou d’emplois.
«Nous croyons qu’il serait plus judicieux d’alléger le fardeau fiscal imposé à l’ensemble des entreprises, par exemple la taxe sur la masse salariale, plutôt que d’en soutenir quelques-unes de manières discriminatoire, selon son secteur d’activité par exemple, comme c’est présentement le cas», illustre Yanick Labrie.
Cette révision du dosage des impôts et des taxes aurait pour effet d’encourager l’effort de travail, d’investissement, et d’épargne, selon l’IÉDM.
« Nous croyons que l’impôt sur le revenu est très pénalisant et qu’il décourage le travail et l’investissement. En bout de ligne, qu’il réduit la croissance économique», ajoute Yannick Labrie.
Rapport Godbout
Questionné sur la possibilité de voir le ministre Leitao appliquer quelques une des mesures contenues dans le rapport déposé la semaine dernière par la Commission d’examen de la fiscalité québécoise (CEFQ), Yanick Labrie refuse de se prêter au jeu des spéculations.
Toutefois, parmi les mesures inclues dans le Rapport Godbout, l’IÉDM privilégie la révision à la baisse de l’impôt sur le revenu, aussi bien celui des entreprises que celui des particuliers.
«En contrepartie, nous pourrions observer l’augmentation de la taxe à la consommation. On se fait d’ailleurs rassurant dans le rapport en évoquant la possibilité de rendre cette taxation moins régressive ou même progressive, et on soutien qu’en exemptant des produits de base ou essentiels, il est possible de ne pas pénaliser les gens à plus faibles revenus », avance Yanick Labrie.
Avant de revoir le dosage, l’IÉDM suggère toutefois de revoir le niveau de taxation afin de rendre le Québec davantage concurrentiel d’un point de vue fiscal.
L’IÉDM considère néanmoins que le problème auquel le Québec est confronté concerne davantage les dépenses que les revenus.
« Il est temps de faire les choses autrement. Si nous voulons éviter de refaire le débat sur l’équilibre budgétaire tous les cinq ou dix ans, il faut s’attaquer aux causes structurelles qui nous entraînent vers des déficits récurrents, et reconnaître que l’État a un problème de dépenses, et non de revenus. Le gouvernement actuel semble sur la bonne voie, souhaitons maintenant qu’il garde le cap », affirme Yanick Labrie.