Il n’y a pas si longtemps, certains conseillers en services financiers n’hésitaient pas à considérer les millénariaux — ceux qui sont nés entre 1980 et 1995 — comme des enfants sans argent qui posent trop de questions.
David MacDonald, vice-président de groupe, services financiers, chez Environics Research, estime cette définition comme étant dépassée.
« En 2024, ils ont de l’argent et posent encore beaucoup de questions. Et si vous n’êtes pas prêt à y répondre, vous devrez peut-être repenser l’avenir de votre pratique. »
Selon David MacDonald, non seulement les millénariaux sont dans la force de l’âge, mais ils font aussi partie de la génération qui compte la plus forte proportion de personnes gagnant 100 000 $ ou plus.
Et ils sont sur le point de gagner encore plus d’argent. Un transfert générationnel de biens immobiliers, d’investissements et de milliers de milliards de dollars de liquidités devrait avoir lieu au cours de la prochaine décennie et cela en faveur des millénariaux.
« Au fur et à mesure qu’ils hériteront de cette richesse, ils deviendront très précieux pour les conseillers, prévient David MacDonald. Je recommande aux conseillers de s’y intéresser le plus rapidement possible. »
Joseph Curry, propriétaire et planificateur financier chez Matthews + Associates à Peterborough, en Ontario, affirme qu’il peut être difficile de gagner la confiance de clients de cette génération parce que beaucoup d’entre eux se méfient de l’industrie des conseils financiers.
Faisant lui-même partie de cette génération, Joseph Curry les entend dire qu’ils n’aiment pas qu’on leur dicte leur conduite et qu’ils détestent qu’on leur vende des produits coûteux alors qu’ils ne cherchent qu’à obtenir des conseils.
« Ce sont généralement les histoires d’horreur que j’entends, rapporte-t-il. Ils ne veulent tout simplement pas d’un expert disant : “Écoutez-moi parce que je sais ce qui est le mieux pour vous” ».
« Souvent, ce que j’entends, c’est que le conseiller a parlé tout le temps et n’a pas écouté, confie Jessica Moorhouse, PDG de la société d’éducation financière MoorMoney Media basée à Toronto et elle aussi membre de cette génération. Nous ne croyons pas à la formule “Faites-moi confiance”. »
Selon elle, de nombreux millénariaux sont prêts à travailler avec un conseiller, pourvu que ce soit selon leurs conditions.
« Les conseillers plus âgés ont-ils une chance raisonnable de gagner les affaires des millénariaux ? Absolument, parce qu’ils ont cette chose que nous voulons. Ils ont l’expérience. Ils ont toute cette formation. Ils ont beaucoup de qualités, affirme-t-elle. Ils doivent simplement s’adapter. »
Selon David MacDonald, il s’agit d’une génération qui a adopté les conseillers-robots et la fintech. Mais elle est prête à revenir au monde de la consultation en face à face — même si c’est par Zoom.
« Nous constatons que lorsque leurs actifs dépassent les 100 000 $ et frôlent les 250 000 $, c’est là qu’ils commencent à réaliser qu’ils ont vraiment besoin de conseils appropriés, commente David MacDonald. Et c’est là que les conseillers humains entrent vraiment en jeu. »
Joseph Curry estime que les millénariaux sont ouverts à des relations professionnelles plus traditionnelles, à condition que le professionnel les rencontre à mi-chemin.
« Il faut aller là où les millénariaux se trouvent. Que ce soit sur LinkedIn, X ou Facebook. Commencez à leur poser des questions. On ne peut pas vraiment planifier sans comprendre les objectifs d’une personne et ce qu’elle essaie d’accomplir. »
Selon Jessica Moorhouse, l’astuce consiste à être authentique.
« L’endroit où vous les rencontrez dépend vraiment de vous, de ce qui vous semble authentique. Vous n’avez pas besoin d’être présent sur toutes les plateformes, recommande-t-elle. Si cela ne correspond pas vraiment à votre personnalité, ne le faites pas. Vous aurez l’impression que c’est bizarre ou que c’est embarrassant. Ce n’est pas ce qu’il faut faire. »
Selon David MacDonald, les millénariaux ont tendance à être enthousiastes à l’égard de la technologie et sont moins préoccupés par la protection de la vie privée que les baby-boomers.
« Ils ne voient pas d’inconvénient à partager des données en échange des avantages qui en découlent. »
« Lorsqu’il s’agit de travailler avec des clients de cette génération, en tête-à-tête, il s’agit vraiment de personnalisation, confie Jessica Moorhouse. C’est un élément qui peut vous différencier et vous aider à conserver vos clients. »
« Ils veulent un plan qui soit créé pour eux et qui ait fait l’objet d’une attention humaine, rapporte David MacDonald. Ils veulent que le conseiller les connaisse en tant que personne, individuellement, et pas seulement comme un numéro. »
« Et leur objectif n’est pas seulement d’accumuler des richesses, ajoute-t-il. Ils privilégient l’expérience plutôt que les biens. Les voyages, les loisirs, les hobbies et même le bénévolat peuvent être considérés comme une expérience. »
« En tant que millénariaux, nous voyons nos parents accumuler des biens avec des garages remplis d’objets, et nous ne voulons pas de cela, souligne Jessica Moorhouse. Les possessions ne peuvent pas nécessairement combler le vide que vous ressentez. Mais on peut acquérir beaucoup de bonheur par l’expérience. Elles durent très longtemps et créent des souvenirs ».
En ce qui concerne les autres objectifs, elle laisse entendre que l’acquisition d’un logement ne figure peut-être pas sur la liste.
« Ils peuvent être heureux de louer, dit-elle, et d’investir pour financer leurs expériences. »
L’incapacité à établir un lien adéquat avec les planificateurs financiers a poussé de nombreux millénariaux dans les bras des sociétés de courtage à escompte. Leur héritage à venir pourrait donner au secteur de la planification financière une seconde chance d’établir une relation avec eux.
« Si vous avez des clients baby-boomers, invitez-les à se faire accompagner de leurs enfants adultes à ces réunions, suggère David MacDonald. Parlez de l’héritage, des souhaits des parents et des objectifs des enfants du millénaire. Ce serait une excellente première étape. »