La COVID-19 va sans aucun doute faire croître le nombre de retards de paiement. Avec la fermeture des économies, les moratoires de paiement qui persistent et la montée en flèche du chômage, les consommateurs auront de plus en plus de mal à rembourser leurs dettes.
Selon les prévisions de McKinsey & Company, la prévision de pertes liées aux cartes de crédit aux États-Unis entre 2020 et 2022 fait état d’une augmentation substantielle des retards de paiement, qui pourraient être trois fois plus importants que les niveaux actuels. De même, les pertes sur les prêts hypothécaires au cours des 12 prochains mois pourraient atteindre 33 fois les niveaux actuels. Afin de se préparer à gérer cette situation, les établissements doivent agir maintenant.
Les institutions qui n’adoptent pas de mesures pourraient rapidement constater que leurs opérations ne sont pas en mesure de soutenir les besoins de leurs clients de manière adéquate et efficace. Selon McKinsey, les responsables de la gestion du risque de crédit vont devoir évaluer et remodeler quatre dimensions essentielles de la gestion de la délinquance, à savoir :
- la segmentation
- les opérations de première ligne (en particulier celles avec des travailleurs à distance)
- les canaux numériques
- et l’allégement de la dette
1) Repenser la segmentation
Une segmentation précise est un outil crucial pour optimiser l’efficacité et l’efficience des opérations d’un prêteur, principalement lorsqu’il existe des contraintes de capacité.
Actuellement, la segmentation est faite sur la base d’une analyse des données historiques qui permet de classer le risque des clients. La plupart des prêteurs utilisent des modèles remontant à plusieurs années, qui risquent fort d’être dépassé en raison de la situation exceptionnelle déclenchée par la pandémie. Les données historiques seront utiles, mais ne pourront être aussi efficaces pour prédire les risques et les comportements.
Des changements aussi radicaux dans l’environnement économique font ressortir l’importance de pouvoir faire évoluer les modèles de segmentation afin de pouvoir adapter et réévaluer rapidement les variables importantes dans le contexte d’après-crise. Le recours à l’apprentissage machine (AM), qui utilise des algorithmes pour analyser des données, peut s’avérer fort utile dans un tel contexte. Les véritables techniques d’apprentissage machine exploreront toutes les combinaisons possibles de segmentation et de stratégie et utiliseront un retour d’information fréquent pour suggérer de manière dynamique la meilleure politique pour chaque client.
2) Gérer la ligne de front
En raison du nombre d’impayés attendu, un plus grand nombre d’emprunteurs devront contacter leurs prêteurs. L’augmentation des communications entrantes des clients qui en résultera renforcera l’importance d’une bonne gestion des employés des centres d’appel traditionnels.
Pour anticiper cette augmentation du volume d’appels, les responsables financiers et du revenu devraient investir dans des capacités et des outils permettant d’analyser les informations en temps réel (ou presque) sur leurs opérations de service à la clientèle. Cela permettra d’améliorer l’excellence opérationnelle et de tirer le meilleur parti des capacités limitées existantes.
À cette fin, il sera essentiel de conserver et d’investir dans des bureaux de contrôle et des gestionnaires d’opérations capables de maintenir des performances opérationnelles élevées pour gérer la délinquance, en particulier dans les canaux à forte fréquentation et à coût élevé.
Il serait également important d’augmenter le nombre d’employés de première ligne. Le travail à distance, développé pendant la pandémie, pourrait aider les prêteurs à accroître leur résilience opérationnelle tout en offrant une plus grande flexibilité aux employés.
Toutefois, cela amène des défis supplémentaires, car cela crée un risque de cybercriminalité ou d’autres comportements indésirables. Ces risques peuvent être atténués par une surveillance accrue des activités, comme le suivi des écrans des postes de travail et des images des webcams – tout en préservant la confidentialité, propose McKinsey.
Selon leurs estimations, en gardant 20-30 % de leur personnel à distance, les prêteurs pourraient économiser sur les coûts d’infrastructure (peut-être en fermant un bureau physique), équivalent à environ 5 % du coût total des agents.
3) Ajout de canaux numériques
De nombreux prêteurs ont déjà intégré les canaux numériques dans leur stratégie. Toutefois, l’épidémie de la COVID-19 a déclenché une avalanche de reports de paiement, obligeant de nombreux prêteurs à accélérer le déploiement de canaux peu interactifs, tels que les appels de robots, les SMS, les applications de messagerie, les courriels, les publicités sur les médias sociaux et les portails web.
L’utilisation qui a été fait de ces canaux pour établir un contact proactif avec les clients au début de la crise peut contribuer à réduire le nombre de comptes susceptibles de se trouver en situation de délinquance. Les prêteurs peuvent par exemple utiliser de manière proactive des méthodes peu conventionnelles pour rappeler aux clients qui ne sont pas encore en retard, que leur paiement sera bientôt dû.
Cette approche permettra non seulement de réduire le nombre de clients en retard de paiement, mais aussi d’offrir une expérience client sur mesure qui contribuera à renforcer la relation avec ces clients.
Un groupe de travail dédié à des comptes spécifiques, comme les clients à valeur élevée, a généralement une meilleure compréhension d’une situation donnée, ce qui lui permet de négocier plus efficacement. Cette connexion plus profonde peut, à son tour, améliorer l’expérience du client et conduire à de meilleurs taux de recouvrement.
4) Prendre des décisions sur l’allègement de la dette
En raison de la crise, de nombreux emprunteurs pourraient, malgré leur volonté de vouloir faire des paiements réguliers, ne plus être en mesure d’y parvenir. Pour éviter que ces comptes ne deviennent irrécouvrables, les prêteurs pourraient adopter des pratiques d’allègement de la dette.
McKinsey en propose ainsi cinq :
1) Maintenir le caractère abordable d’un prêt. Au minimum, les prêteurs peuvent suspendre les frais et intérêts associés au prêt pour réduire le montant des paiements dus par le client. Il est toujours préférable d’éviter une perte totale que de miser sur des frais marginaux.
2) Déterminer qui peut bénéficier d’un crédit. Les clients doivent toujours avoir accès au crédit, même s’ils ne peuvent pas l’utiliser.
3) Envisager des prêts garantis. Pour les clients plus risqués, le fait de fournir des prêts liés à des garanties ou des sûretés physiques renforce la responsabilité de l’emprunteur et offre aux prêteurs une plus grande sécurité.
4) Faciliter les paiements en temps voulu. Il est essentiel de payer à temps, même si les clients ne peuvent pas effectuer des paiements complets. Les prêteurs qui communiquent régulièrement avec leurs clients, idéalement par des canaux numériques tels que le courrier électronique ou les notifications automatisés, bénéficieront de paiements plus réguliers et auront plus de chances de recevoir des paiements complets une fois la crise passée.
5) Éduquer les emprunteurs. Ceux qui éduquent leurs clients et les accommodent, par exemple en ce qui concerne les aides financières publiques disponibles, peuvent améliorer considérablement les résultats.
Il sera essentiel pour les institutions de disposer d’un état d’esprit et d’un modèle opérationnel agile, ainsi que d’une infrastructure et d’une analyse de données sous-jacentes adéquates, afin de faire progresser leurs capacités opérationnelles au rythme nécessaire.
Pour tester et mettre en œuvre rapidement des améliorations opérationnelles dans toutes les facettes de la gestion des impayés, les prêteurs devront adopter des principes et des méthodes souples.
Les prêteurs pourraient :
- Constituer une équipe multifonctionnelle dont la mission serait d’identifier les domaines de sous-performance et structurer les tests d’amélioration.
- Effectuer des tests sur les solutions mises en place et utiliser les résultats pour s’adapter rapidement
- Mettre en place un processus d’examen structuré et rapide pour les initiatives à forte valeur ajoutée, telles que les investissements technologiques.
Enfin, la demande croissante de travail à distance exige que les informations des clients et l’historique des interactions précédentes soient accessibles, et que les agents puissent saisir et soumettre de nouvelles informations pour déployer des modèles analytiques et ajuster leurs paramètres opérationnels.
Plus que jamais, les prêteurs devront relier les informations provenant de multiples canaux, agences et portefeuilles de compte. Et ils auront besoin de ces informations en temps quasi réel pour prendre rapidement des décisions et déployer des modèles en production.