De plus, les fiducies créées en faveur d’un particulier admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées continueront à être soumises au taux progressif. Outre ces deux exceptions, à compter de 2016, les fiducies testamentaires seront assujetties au taux marginal maximal des particuliers dès le premier dollar imposable.
Les perdants
Quels sont les impacts de ces modifications et qui sont les perdants ? Dorénavant, les fiducies testamentaires, sauf dans le cadre des exceptions précitées, ne pourront plus être utilisées uniquement à des fins de fractionnement de revenu comme avant.
En effet, il a été possible d’avoir recours à cet instrument pour réduire le fardeau fiscal de ses ayants droit. Ainsi, au lieu de léguer ses biens directement en pleine propriété à des légataires, il était possible de leur léguer ces biens en fiducie pour leur bénéfice.
Alors que, dans le cas d’un legs en pleine propriété, les revenus en provenant doivent être ajoutés aux autres revenus des légataires, les fiducies testamentaires peuvent faire une déclaration de revenus distincte. La division des revenus fiduciaires et des revenus personnels du bénéficiaire indépendamment imposé à des taux progressifs permettait assurément de réaliser des économies d’impôt substantielles.
Afin d’illustrer le tout, prenons l’exemple d’un individu qui lègue la totalité de ses biens à son conjoint. Alors que du vivant du conjoint, chacun s’imposait sur ses propres revenus, le legs universel au conjoint survivant a pour effet de reporter la totalité des revenus sur une seule tête, provoquant ainsi une augmentation du taux marginal d’impôt du conjoint survivant.
Avant les nouvelles mesures, il était possible en suivant les règles des fiducies au bénéfice exclusif du conjoint, de bénéficier d’un même roulement fiscal au premier décès et, en quelque sorte, de maintenir fiscalement en vie le conjoint décédé, en remplissant une déclaration de revenus de fiducie.
Prenons par exemple le tableau 1 qui illustre une succession de 800 000 $ (y compris 500 000 $ d’assurance vie) dévolue au conjoint directement ou par l’intermédiaire d’une fiducie.
N.B. Le conjoint survivant a un revenu d’emploi de 50 000 $, et la succession/fiducie, des revenus d’intérêts de 32 000 $. Bien qu’il eût été possible d’attribuer une partie des revenus fiduciaires au conjoint, nous avons choisi de l’imposer en entier dans la fiducie, même si ces revenus doivent être remis au conjoint. Le jeu des paliers d’imposition guidait les choix à exercer annuellement, eu égard à la situation fiscale des parties concernées.
Ce type de planification à des fins purement fiscales n’aura plus de raison d’être. À la suite du budget, imposer des revenus au niveau de la fiducie pourra être pénalisant, dans la mesure où le bénéficiaire n’est pas lui-même imposé au taux maximal.
Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain
Notre société étant ce qu’elle est, il n’y a pas lieu de «jeter le bébé avec l’eau du bain».
En effet, la fiducie continuera à être utile dans une multitude de circonstances où le bien-être des bénéficiaires visés exigera un encadrement. On continuera à avoir recours à ces fiducies afin d’exercer un contrôle sur le patrimoine successoral et potentiellement, pour des raisons de protection.
Généralement, le legs en pleine propriété sera la solution envisagée. Toutefois, il restera de nombreuses situations où le legs en pleine propriété fera grimacer le testateur.
Souvent, le testateur souhaite protéger son légataire contre lui-même. Que ce soit pour des problèmes de dépendance de toutes sortes, d’irresponsabilité financière ou une secte, le testateur veut s’assurer que les biens qu’il lègue bénéficient vraiment à ses proches.
Dans bon nombre de familles recomposées, le testateur ayant enfin trouvé l’âme soeur souhaite qu’advenant son trépas, celle-ci soit à l’abri du besoin, mais veut tout de même que le capital qui lui survivrait retourne à ses enfants d’unions précédentes. Dans de tels contextes, les modifications du budget n’auront pas pour effet de dissuader un testateur potentiel d’avoir recours aux fiducies testamentaires, car la solution recherchée à une situation complexe trouve ses réponses dans ce type de planification.
D’autres avantages fiscaux
Finalement, revoyons les données financières du premier exemple (tableau 2, mêmes actifs, mêmes revenus), sauf que nous avons un conjoint et deux enfants en bas âge.
Par hypothèse, nous créons une fiducie permettant au parent survivant d’utiliser les revenus fiduciaires pour les besoins des enfants, en dépit des propres obligations qu’il a envers eux. On cherchera à léguer à cette fiducie des biens qui n’encourront pas ou peu d’impact fiscal (CPG, assurance vie), car une telle fiducie ne bénéficiera pas de roulement fiscal.
Il serait possible d’attribuer les revenus fiduciaires aux enfants jusqu’à une certaine date prévue au testament. Le capital pourrait leur être alors remis ou encore retourner au conjoint survivant. Voir l’impôt qui pourrait être épargné dans le tableau 2.
Contrairement aux croyances populaires, les fiducies sont loin de ne bénéficier qu’aux mieux nantis. Les exemples cités correspondent à des situations courantes. Il est donc important de bien se faire conseiller, car chaque dollar épargné vaut son pesant d’or lorsque le budget reste limité.
*Notaire, conseiller en planification successorale et testamentaire, RBC Gestion de patrimoine