Grâce à une mise à jour des normes comptables internationales, iA Groupe financier dispose désormais de cinq fois plus d’argent disponible pour faire une acquisition aux États-Unis.
L’adoption des normes comptables IFRS 17, en janvier 2023, peut sembler un sujet obscur, mais elle se traduit par des effets concrets sur le potentiel de croissance par acquisitions de la société de Québec.
L’ancienne Industrielle Alliance dispose d’un capital disponible de 1,8 milliard de dollars (G$). Sous l’ancienne norme IFRS 4, l’excédent aurait plutôt été 350 M$. « C’est gros », commente son président et chef de la direction, Denis Ricard, en entrevue en marge d’une allocution devant le Cercle canadien de Montréal.
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De manière « simpliste », le dirigeant explique que certains éléments que l’entreprise considérait comme un passif doivent maintenant être considérés comme faisant partie du capital.
Sous les précédentes normes, iA Groupe financier aurait eu une moins grande marge de manœuvre. « Si on avait voulu acheter une compagnie à 1 G$, il aurait fallu aller chercher du financement externe, explique-t-il. Alors que là, on n’aura pas besoin d’aller chercher du financement externe et payer plus cher. »
Si l’écart peut sembler important, l’analyste de Valeurs mobilières TD, Mario Mendonca, estime que la façon de calculer le capital disponible sous IFRS 17 est « particulièrement prudente ». « Nous soulignons un potentiel plus élevé de bénéfice et de rendement sur le capital sous IFRS 17 que nous, et le consensus, avions anticipé. (Nous soulignons aussi) un bilan plus fort et un potentiel bénéficiaire haussier en déployant du capital pour les acquisitions. »
iA Groupe financier regarde des dossiers d’acquisitions potentielles avec une attention « particulière » sur les États-Unis. La société vise les deux segments où elle est déjà présente aux États-Unis: l’assurance individuelle et les garanties mécaniques pour les concessionnaires automobiles. Les États-Unis représentent près de 15% des revenus de l’entreprise.
Pour le moment, Denis Ricard n’a pas d’intérêt pour une percée en Asie où d’autres grands assureurs canadiens sont présents, notamment Sun Life et Manuvie. « Aucun intérêt », tranche le dirigeant. « Je pense qu’il y a un potentiel encore important aux États-Unis », précise-t-il.
La porte serait ouverte pour des acquisitions dans d’autres régions, mais cela se ferait sur un horizon à plus long terme. La direction pourrait commencer à faire des recherches dans le cadre « du plan stratégique 2030 » pour analyser la pertinence d’une expansion hors du Canada et des États-Unis. « Ça pourrait être l’Asie, ça pourrait être l’Europe, ça pourrait être l’Amérique du Sud. Ça va demander de la recherche. On est loin de la coupe aux lèvres. »
Pas de sortie du pétrole
Au moment où le désinvestissement dans l’industrie pétrolière fait débat parmi les grands gestionnaires de capitaux, M. Ricard répond qu’iA Groupe financier n’a pas l’intention d’exclure les pétrolières et gazières des investissements qu’elle détient en portefeuille.
« Ça ne sert à rien de sortir de ça, répond-il. Il faut juste les accompagner, puis s’assurer que ces organisations-là, qu’on leur mette suffisamment de pression pour qu’elles améliorent leur bilan climatique. »
Le dirigeant ne voit pas de solution de rechange à cette approche. « Un moment donné, il va falloir aller chercher notre pétrole quelque part parce qu’il ne disparaîtra pas. On va aller le chercher en Russie, en Chine? S’il n’y a plus de financement pour nos compagnies (pétrolières canadiennes), il va se passer quoi? Ça ne serait pas logique. Il faut y aller de façon progressive, ordonnée, le plus rapidement possible. »
L’argument de Denis Ricard rejoint celui de plusieurs banques canadiennes, qui pensent qu’un accompagnement est une meilleure approche que l’exclusion d’un secteur qui représente 10% de l’économie canadienne. Cette position est toutefois critiquée par des environnementalistes et des investisseurs.
iA Groupe financier se targue d’être carboneutre depuis 2020. L’assureur émet encore des émissions, qu’elle compense avec des crédits carbone. La carboneutralité tient compte des activités de l’entreprise, à ne pas confondre avec l’intensité carbone de son portefeuille, soit les émissions produites par les actions et les obligations des sociétés détenues en portefeuille.
L’entreprise n’a pas encore dévoilé de cible de réduction de l’intensité carbone de son portefeuille. M. Ricard critique les entreprises qui ont affirmé leur intention de ne plus émettre de carbone d’ici 2050 sans plan concret pour atteindre l’objectif. « C’est beaucoup de marketing, les gens n’avaient pas de plan. »
L’assureur travaille à l’établissement d’une stratégie de réduction de l’intensité carbone du portefeuille. Denis Ricard espère être en mesure de dévoiler son plan « l’an prochain, sinon l’année d’après ».