Avec ses huit fonds, la société de Vancouver, qui cumule 1,1 G$ en actif sous gestion (ASG) dont 13 M$ proviennent du Québec, offre une gestion axée sur l’approche valeur et la conservation de l’actif.
David Barr, chef de la direction et gestionnaire de portefeuille chez Pender, a rencontré Finance et Investissement afin de discuter de sa philosophie de placement, de son amour des petites capitalisations et des secteurs de la technologie et des soins de santé.
Détenteur d’un baccalauréat en sciences de l’Université de la Colombie-Britannique, David Barr a également fondé une entreprise technologique lors de ses études universitaires. Ces deux expériences combinées l’ont amené à s’intéresser aux sociétés à petite capitalisation de ces secteurs.
Finance et Investissement (FI) : Comment décririez-vous votre philosophie d’investissement?
David Barr (DB) : La première chose sur laquelle nous nous concentrons, c’est la préservation du capital. Je vous rappelle que la première règle de Warren Buffet est « Ne perdez pas d’argent » et que sa deuxième est « N’oubliez pas la règle numéro un ».
Nous apprenons à connaître les entreprises dans lesquelles nous sommes investis afin de mieux comprendre les risques auxquels elles doivent faire face. Nous surveillons aussi attentivement les niveaux d’endettement de ces entreprises puisque, lorsqu’elles ont trop de dettes, elles sont moins aptes à faire face à des contextes défavorables.
Nous surveillons aussi attentivement l’évaluation des titres. C’est particulièrement important dans les marchés d’aujourd’hui parce que beaucoup de titres ont très bien fait et qu’elles ont donc une évaluation très élevée. Prenez l’exemple de Microsoft en 2000, c’était une très belle entreprise, mais si vous l’avez acheté à prix fort à l’époque, vous n’avez pas fait de gains avant le mois d’octobre de l’an dernier. Payer trop cher peut aussi faire mal à un investisseur.
Il faut aussi connaître les risques qui sont spécifiques à une entreprise. Est-ce qu’elle a, par exemple, un type de clients qui représente 50 % de ses ventes? Si l’entreprise perd ce type de clients, elle vivra des difficultés. Lorsqu’on comprend le contexte dans lequel l’entreprise fonctionne, on peut réduire son propre risque et ne pas perdre d’argent. Il faut comprendre les risques et choisir de prendre les bons.
FI : Pourquoi vous intéressez-vous au secteur technologique?
DB : J’ai lancé une entreprise en technologie avec un ami lorsque j’étais à l’université. J’ai aussi commencé ma carrière dans le capital de risque. J’investissais donc dans des entreprises à leurs tous débuts. C’était une expérience intéressante parce que j’ai commencé durant la fin de la bulle internet du début des années 2000. Tout s’écroulait et seules les entreprises qui avaient des vrais revenus et des vrais clients ont survécu.
FI : Somme-nous, avec les géants technologiques actuels, dans une nouvelle bulle technologique?
DB : Dire qu’on est dans une bulle en technologie c’est utiliser un mot fort. Ce qu’on voit toutefois ce sont des indices de bulle. Il y a beaucoup de capitaux dans le secteur des technologies présentement. Si vous regardez le portefeuille que je gère depuis 2009, nous avions près de 80 % de nos actifs en technologie alors que, maintenant, nous en sommes à 25 %.
FI : Beaucoup d’observateurs craignent que nous soyons au début d’une baisse de marché, voire d’une récession. Qu’en pensez-vous?
DB : C’est une question difficile. Si nous savions où s’en vont les marchés, nous serions les investisseurs les plus performants du monde. Présentement, l’économie américaine va très bien. Si on regarde au Canada, on voit que nous faisons face à davantage de difficultés que nos voisins américains. Le consommateur canadien est endetté.
Durant la crise financière, les consommateurs américains se sont désendettés alors qu’au Canada ils n’ont pas eu besoin de le faire. Nos voyons actuellement un ralentissement dans les dépenses de consommation au Canada. Nous sommes donc un peu plus inquiets de ce qui se passe ici qu’aux États-Unis. Sans oublier que l’économie américaine mène toujours le monde. Si elle continue de bien se comporter, le reste du monde continuera de bien aller, le Canada y compris.
FI : En tant que manufacturier qui dépend du réseau des conseillers indépendants pour distribuer son produit, êtes-vous inquiet des récentes réformes proposées par les régulateurs?
DB : Lorsque nous avons démarré Pender en 2009, nous voyions que le monde financier se dirigeait vers les honoraires. Nous avons donc structuré nos fonds pour que la distribution à honoraires soit favorisée. Aujourd’hui, 77 % de nos actifs sont distribués par des conseillers à honoraires et nous nous concentrons sur ce type de conseiller. Nos fonds sont complémentaires à une offre de base d’actions et d’obligations plus importante que les conseillers peuvent sélectionner eux-mêmes.
FI : Quel est votre meilleur coup d’investissement et, à l’opposé, votre plus grande erreur?
DB : Mon meilleur investissement, c’était QHR Technologies, un fabricant de logiciels spécialisé dans les dossiers médicaux électroniques. Lorsque nous avons commencé à investir dans QHR, seulement 15 % des dossiers médicaux étaient électroniques au Canada. Lorsque j’allais chez le médecin, je voyais tout ce papier. Ça me semblait un peu fou, même en 2009. Dans le reste du monde, on voyait des juridictions où il y avait 90 % des dossiers qui étaient électroniques. Lorsqu’on parlait aux clients potentiels de QHR, ils nous disaient qu’ils adoraient le produit donc nous estimions que les revenus allaient probablement être multipliés par quatre ou cinq au fur et à mesure que le marché gagnerait en maturité. Nous avons commencé à surveiller l’entreprise alors que le prix était de 10 cents par action, nous l’avons achetée entre 40 et 50 cents et lorsque QHR a finalement été achetée par Shoppers Drug Mart en 2016, l’action valait 3,35 $.
Quant à l’erreur qui me hante encore aujourd’hui, c’est d’avoir vendu Constellation Software à 80 $. Ce titre vaut maintenant plus de 1000 $. Ça vient avec le fait d’être un investisseur de type valeur. Parfois un titre a l’air cher et vous le vendez en vous disant « Je vais le revisiter lorsque son prix aura descendu » et, finalement, son prix ne redescend jamais. L’arrogance est le pire défaut qu’un investisseur peut avoir, elle crée des angles morts.
FI : Comment est-ce que Pender se distingue en tant que manufacturier?
DB : Il y a quelque chose que les gens ne comprennent pas nécessairement toujours, c’est que dans le monde de l’investissement « smaller is better » puisque, lorsque ton fonds est plus petit, tu as accès à davantage d’occasions d’investissement. Par exemple, lorsque tu es un fonds avec un ASG de 20 G$, tu ne peux pas acheter QHR Technologies à 0,40 $ parce que cette entreprise a une capitalisation boursière de 20 M$. Lorsque ton fonds a 20 G$ d’ASG, une position de seulement 1 % c’est quand même 200 M$, soit près de dix fois QHR.