Une nouvelle recherche suggère, pour le contexte actuel, d’adopter une répartition optimale des catégories d’actifs qui s’avère assez étonnante. Cette répartition consiste à hausser la part d’obligations à long terme du Trésor américain jusqu’à 80 %, et à réduire la part d’actions jusqu’à 20 % seulement.
Un tel portefeuille 20/80 est susceptible de procurer un rendement de 13,6 % d’ici le moment où ces obligations et les actions auront retrouvé leur point de juste valeur. Ce rendement est supérieur de 10,6 points de pourcentage à celui de l’indice de référence pour les portefeuilles 60/40 (60 % d’actions, 40 % d’obligations).
Dans le cas où la part d’obligations de 30 ans est haussée à 45 % (55/45), le rendement peut atteindre 20 %, soit 17,3 points de pourcentage au-dessus de l’indice de référence.
Cette recherche a été menée par deux anciens analystes de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui ont effectué des millions de simulations afin d’établir la répartition d’actifs optimale dans le contexte actuel.
À contre-courant
À un moment où nombre d’observateurs jugent que les obligations gouvernementales ont perdu toute sève et n’ont plus rien à donner, la proposition est surprenante et mérite réflexion.
« Aujourd’hui, les bons du Trésor de 10 ans sont au-dessus de leur juste valeur dans une mesure de 15 à 20 points de base, tandis que les actions sont surévaluées de 7 % à 9 % », soutient Benson Durham, coauteur de l’étude et chef de l’analyse quantitative mondiale chez Cornerstone Macro, à New York.
Cette analyse est strictement de caractère « valeur », souligne Benson Durham. Dans un contexte où les données fondamentales demeurent stables (taux d’inflation, taux d’intérêt, croissance économique, etc.), l’histoire nous montre que les différents actifs tendent à retourner à leur juste valeur.
« Je ne m’attends pas à ce que les actions déclinent de 8 % d’ici un mois, ou que les obligations retrouvent leur juste valeur aussi rapidement, indique le spécialiste. Nous pourrions suivre cette voie pour les 6 à 12 prochains mois et, fort probablement, ce sera le cas. »
Or, quand ces deux grandes catégories d’actifs auront retrouvé leur point de juste valeur, les investisseurs seront susceptibles d’avoir engrangé un rendement de 13,6 % (répartition 20/80), voire de 20 % (répartition 55/45).
L’étude a été réalisée « avec un horizon d’un mois, mais je vois très bien que l’allocation tactique que je propose pourrait tenir pour les prochains 6 à 12 mois. En toute probabilité, c’est ce qui risque de se passer », indique Benson Durham à Finance et Investissement.
De tels rendements ne sont pas sans conditions, et tiennent surtout à la répartition des différentes échéances obligataires. Ainsi, le portefeuille classique 60/40 établit une distribution égale entre les échéances obligataires : soit 5,7 % pour celles de 2 ans, 5,7 % pour celles de 3 ans, et ainsi de suite jusqu’à 30 ans.
Les portefeuilles que propose Cornerstone logent aux extrêmes. Le portefeuille 20/80 alloue une part de 50 % aux obligations de 2 ans, et de 29 % aux obligations de 30 ans (mais de seulement 1 % à celles de 20 ans). Cette répartition, selon les modèles analytiques, est susceptible de procurer un rendement de 13,6 %.
Toutefois, une allocation plus proche de celle du portefeuille classique, qui attribuerait une part de 45 % aux bons du Trésor (55/45) d’une échéance unique de 30 ans, est susceptible de générer un rendement de 20 %.
À certaines conditions
Ces rendements potentiels viennent à certaines conditions.
Ils sont possibles pour un investisseur qui n’est pas tenu d’épouser l’indice de référence classique des portefeuilles 60/40. Le portefeuille 20/80 affiche un indicateur de déviation (tracking error) de 9,1 % par rapport à cet indice, « ce qui est élevé », reconnaît Benson Durham. De plus, son ratio de Sharpe (le rapport entre le rendement et le risque encouru) est de 1,7, donc très élevé lui aussi.
Pour le portefeuille 55/45, l’indicateur de déviation est légèrement supérieur (soit de 9,3 %), mais le ratio de Sharpe est un peu plus faible (1,6).
Le portefeuille 20/80 a l’avantage d’afficher un taux de volatilité équivalent à celui de l’indice, soit de 8,1 %. Ce taux monte à 12,4 % dans le cas du portefeuille 55/45.
À ce moment-ci, Benson Durham donne sa préférence au portefeuille 20/80, celui qui offre la combinaison optimale de facteurs : bêta, volatilité, indicateur de déviation, ratio de Sharpe.
L’analyste insiste : la stratégie qu’il met de l’avant ne tient pas tant à la valeur en soi des bons du Trésor, mais à l’écart de performance entre les deux catégories d’actifs, écart qui est appelé à se refermer. Par ailleurs, il souscrit encore à la valeur des bons du Trésor : « Ils vont continuer de donner une couverture défensive », juge-t-il.
Et, contrairement à un nombre croissant d’analystes, Benson Durham croit encore à la pertinence du portefeuille classique 60/40. « En tant que stratégie générale, ce portefeuille demeure sensé, dit-il. Il a encore du jus à donner, mais il est moins efficace dans le contexte actuel et n’est pas aussi optimal que l’allocation 20/80 que nous proposons. »
Évidemment, les portefeuilles 20/80 et 55/45 ne tiennent la route que dans la mesure où les données fondamentales actuelles perdurent. « Si on distribue un vaccin contre la COVID-19, si les commerces redémarrent et si tout le monde retourne au travail, eh bien, à ce moment-là, on voudra surpondérer les actions », précise-t-il.