En fait, si les tendances en cours se poursuivent, et si cette deuxième vague du virus ne s’amplifie pas au-delà de toute proportion, 2021 pourrait voir une expansion économique faire lever une multitude de secteurs boursiers jusqu’ici négligés.
Évidemment, l’année passée se place sous le signe du coronavirus, du choc qu’il a provoqué dans l’économie, et de la chute boursière sans précédent qu’il a entraînée. « Le virus est encore dans le siège du conducteur, mais on peut maintenant entrevoir le moment où il va céder sa place, » affirme Darrell Spence, économiste chez Capital Group, à Toronto.
Événements marquants
Autour de ce drame central, on peut repérer un certain nombre de moments marquants. Tout d’abord, la réplique des banques centrales et des gouvernements a été extrêmement rapide et surdimensionnée, fait ressortir Yanick Desnoyers, vice-président et économiste senior chez Addenda Capital, à Montréal. La Réserve fédérale a abaissé son taux directeur à 0,25%, la Banque du Canada, à 0,125%, et toutes deux ont gonflé leurs bilans de plus de quatre billions de dollars par des achats massifs de bons du Trésor et d’obligations d’entreprises. C’est sans compter l’émission massive de chèques tant aux individus qu’aux entreprises. Ce support institutionnel constitue le pilier central qui permet à l’économie et aux marchés financiers de tenir le coup.
Ce support fait en sorte que le marché obligataire, de façon totalement inattendue, surpasse tous les autres en 2020, fait ressortir Greg Taylor, chef des investissements chez Purpose Investments, à Toronto. « Alors que le S&P 500 avait monté de 14,5% pour l’année en cours jusqu’à la mi-décembre, le TLT (fonds négocié en Bourse de bons du Trésor américain de 20 ans +) était en hausse de 18%. »
La vigueur de la reprise boursière, comme celle de toute l’économie, a pris tous les prévisionnistes par surprise, reconnaît Yanick Desnoyers. Après un creux atteint le 23 mars, dès août, « le S&P 500 retrouvait son sommet de février, » dit-il. Dès le troisième trimestre, le PIB marquait une reprise de 30% aux États-Unis, de 40% au Canada, « du jamais vu! » lance-t-il.
Notons trois autres facteurs qui ont marqué 2020. Tout d’abord, une chute sans précédent du prix du pétrole qui a même atteint momentanément un prix aberrant de – 37,63 $US en avril. Ensuite, une structure déséquilibrée des marchés où les titres technologiques entraînaient à la hausse les indices. Enfin, l’année a établi un record aux États-Unis au chapitre des premiers appels à l’épargne publique qui ont levé 160 G$ américains dans les marchés.
Moteurs de 2021
Trois « moteurs » sont susceptibles de propulser l’année qui vient. En premier lieu, les vaccins anti-covid de Pfizer, Moderna et d’autres permettent d’anticiper la fin des « hostilités » pandémiques.
Le soutien des banques centrales et des gouvernements donne un plancher à l’économie et aux Bourses, de telle sorte que « les profits des entreprises sont plus hauts qu’avant la récession », fait ressortir Yanick Desnoyers. Avant la récession au Canada, ils étaient à 327 G$, à la fin du troisième trimestre, à 332 G$.
Autre moteur, « il y a une demande refoulée immense qu’un vaccin devrait libérer », ajoute Yanick Desnoyers. Avec un taux d’épargne de 14,6%, soit 206 G$, on peut s’attendre à un recyclage de 150 à 175 G$ dans l’économie alors qu’il manque seulement 60 G$ pour retrouver le niveau de consommation prépandémique.
L’expansion se prépare
Tout cela fait en sorte qu’on se trouve maintenant « dans la dernière phase de la récession et, à la mi-2021, on pourrait entrer en expansion économique », soutient l’économiste.
Tout n’est évidemment pas parfait. Deux facteurs préoccupent Darrell Spence et d’autres commentateurs, liés aux interventions des banques centrales : d’une part, un loyer insignifiant de l’argent susceptible de mener à des évaluations d’actifs disproportionnées et même à des bulles, d’autre part, une menace de flambée de l’inflation, notamment dans l’immobilier et les titres Internet. Cependant, ces menaces ne se matérialiseront probablement pas avant 2022.
Entretemps, les actions devraient très bien faire, les obligations, moins bien. Comme le dit Michael White, gestionnaire d’un fonds alternatif liquide chez Picton Mahoney, à Toronto, « certaines occasions tactiques de vendre à découvert des obligations gouvernementales pourraient survenir, mais l’argent facile a probablement déjà été fait avec des rendements qui sont passés de 0,30% à 0.90% dans les obligations à 10 ans. »
Contrairement à la norme des dix dernières années, tous les commentateurs placent les États-Unis comme dernière destination pour les investisseurs, les titres technos ayant perdu de leur lustre. À présent, il faut regarder du côté des secteurs négligés, notamment les titres cycliques et les titres de consommation. « Le mois de novembre nous a donné des avant-scènes du chemin à venir, avec un déplacement vers les financières, l’énergie et les industrielles », affirme Greg Taylor. D’ajouter Darrell Spence : « Certains perdants récents pourraient demeurer éprouvés, mais d’autres, comme l’alimentation et le voyage pourraient revenir en lion. »
Tout annonce une reprise synchronisée dans le monde, affirme Yanick Desnoyers : une Asie en boom, une hausse de la demande de matières premières, une baisse du dollar américain, une appréciation du huard. « Conclusion, vous voulez acheter la Bourse canadienne », dit-il.
Au même niveau que le Canada, Yanick Desnoyers et Greg Taylor placent les pays émergents, surtout asiatiques, que la baisse du dollar américain devrait grandement favoriser en rehaussant leurs monnaies et leurs exportations et en stabilisant leurs finances intérieures.
Enfin, l’Europe prend place au-dessus des États-Unis dans le palmarès de tous, Michael White plaçant le Vieux Continent au premier rang de ses destinations. Selon lui, les problèmes du Brexit vont se tasser et semblent déjà en voie de résolution, et l’Europe est extrêmement riche en titres cycliques, fortement sous-évalués et susceptibles de gagner dans la reprise.