Si la pandémie a entraîné avec elle la « récession la plus profonde depuis les années 1930 », les perspectives mondiales sont loin d’être complètement mauvaises, a déclaré Julien Boudreau, Économiste, Équipe des stratégies multi-actifs Placements Mackenzie à l’occasion d’une conférence virtuelle tenue début novembre par sa firme.
L’année 2020 a été particulièrement pénible économiquement parlant. En plus de la mise sur pause de l’économie en raison de la COVID-19, le Canada a été également frappé par une chute du prix du pétrole. Encore aujourd’hui, les pays s’endettent autant qu’en temps de guerre dans l’espoir que la pandémie ne contamine pas trop le secteur de la finance.
Toutefois si la chute a été « grandiose », la reprise a également été impressionnante, note Julien Boudreau. Le rebond a été bien plus rapide que ce que beaucoup d’experts prévoyaient. Toutefois, il ne s’agit pas tout à fait d’une reprise en V vu que la croissance s’est quelque peu tassée.
Résilience du prix des actions
Les actions ont bénéficié de trois supports :
- Le rebond anticipé des bénéfices en 2021;
- Le support agressif des gouvernements;
- L’anticipation d’un gel des taux directeurs à des niveaux particulièrement bas.
La deuxième vague de la COVID-19 a toutefois un peu bousculé le tout. Le rebond s’est quelque peu tari et le retour de la pandémie pourrait retarder la reprise tant attendue. L’annonce des nouveaux confinements ayant cours en Europe a d’ailleurs pesé sur les marchés.
L’espoir demeure néanmoins présent, estime l’économiste. Le confinement actuel n’est que partiel, soit bien moins contraignant qu’au printemps. Les industries les plus touchées sont celles de la restauration et de contact, qui n’avaient pas réellement récupéré.
« Pour l’économie, un restaurant à mi-capacité qui ferme, c’est moins pire qu’un restaurant au maximum de sa capacité qui doit fermer », précise Julien Boudreau.
Les confinements devraient également rester partiels, car même si le nombre de cas est préoccupant, on dénombre moins de morts et d’hospitalisation. La firme Morgan Stanley estime que ces confinements au Q4 n’auront que 20 % de l’impact que ceux du printemps.
De plus, il y a toujours la possibilité qu’un vaccin soit rendu public dans les prochains mois. Certains secteurs (tourisme, restauration, etc.) ne retrouveront d’ailleurs pas leur pleine capacité avant cela. L’économie canadienne peut certainement se maintenir sans ces secteurs, mais ces derniers emploient une grande partie de la population qu’il ne sera pas évident de réorienter.
Les taux directeurs et l’inflation
Le seul point qui semble immuable est les taux directeurs particulièrement bas. Les prévisionnistes s’attendent ainsi à ce que la cible de la Réserve fédérale (Fed) et de la Banque du Canada demeure en dessous de 2 % pendant au moins deux ans. La Banque du Canada a déjà annoncé ses couleurs à cet égard, ne jugeant pas être en mesure de stimuler suffisamment la demande pour faire remonter les taux.
À moins que des pressions inflationnistes apparaissent dans certains secteurs, à moyen terme, l’environnement global sera très clairement déflationniste, prévoit Julien Boudreau.
Si à l’époque, de bas taux d’intérêt suffisaient pour régénérer le marché, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les banques centrales se sont d’ailleurs tournées vers d’autres outils. La Fed a acheté pour 2,7 trillions de dollars d’actifs sur les marchés. Certains craignent que cela crée une spirale inflationniste, mais l’équipe de Julien Boudreau ne pense pas que ce sera le cas. « Il y a dix ans, on avait déjà prédit ça, mais ça n’est pas arrivé », commente ce dernier.
Ainsi, l’argent circule moins qu’à l’époque. Depuis 2008, la réglementation oblige les banques à garder davantage de liquidité pour faire face aux chocs économiques et les consommateurs n’utilisent pas leur argent, préférant davantage rembourser leurs dettes.
Ce qui pourrait éventuellement avoir un impact inflationniste, ce sont les emprunts des gouvernements qui contribuent donc à faire circuler une bonne part de l’argent. Mais est-ce que cela sera significatif ? Peu probable estime Julien Boudreau.
Le vrai problème sera davantage du côté fiscal. Les gouvernements vont devoir agir au bon moment, donc ni trop vite, en coupant les aides gouvernementales trop rapidement, ni trop tard en les laissant traîner. Julien Boudreau espère que la ministre des Finances Chrystia Freeland annoncera des mesures « procroissance » en novembre pour expliquer comment le gouvernement agira pendant et après la crise.
« En faisant des ajustements « procroissance », on pourrait rattraper le retard découlant de la crise », explique l’économiste en citant par exemple un investissement public qui stimulerait les investissements et la productivité des entreprises.
Ne pas négliger la diversification
Côté portefeuille, en raison des faibles taux d’intérêt, il est devenu plus difficile d’obtenir des rendements significatifs avec le revenu fixe. Pour atteindre leur rendement cible, les investisseurs devront diminuer leur cible ou augmenter leur appétit au risque.
Toutefois, Julien Boudreau souligne que le revenu fixe joue encore un rôle crucial dans un portefeuille en tant que source de diversification.
« On ne peut pas prévoir quel sera l’environnement économique dans 10 ans ni quand aura lieu le prochain choc boursier. Même si l’on fait de bonnes prévisions, on n’a pas toujours raison, donc il faut construire des portefeuilles diversifiés, ce qui rend vital le revenu fixe », affirme-t-il.
Chez Mackenzie, on privilégie une répartition neutre, dit-il. On surpondère légèrement les marchés émergents et sous-pondère un peu les marchés européens.
Côté devise, on aime l’euro, mais pas la livre sterling en raison du Brexit. Toutefois, la deuxième vague de la COVID-19 pourrait poser un problème quant à ce positionnement, donc on reste à l’affût des divers changements dans le marché, conclut Julien Boudreau.