Nos panélistes :
Jim Young, vice-président des placements à Invesco Canada Ltée. Il a la responsabilité du Fonds de sociétés américaines Trimark et de la Catégorie sociétés américaines Trimark. Il suit un style de croissance à un prix raisonnable.
Janet Navon, directrice générale, directrice de la recherche et membre de l’équipe des placements américains auprès de la société new-yorkaise Epoch Investment Partners. Epoch gère des actifs pour les compagnies torontoises Gestion de placements TD et Placements CI. Parmi les fonds qu’elle gère, on trouve le Fonds valeur de grandes sociétés américaines TD, la Catégorie valeur de grandes sociétés américaines TD, le Fonds de valeur américaine et la Catégorie de société valeur américaine CI .
Glenn Fortin, gestionnaire de portefeuille à Beutel Goodman & Co Ltée, firme axée sur la valeur. M. Fortin est membre de l’équipe mondiale, et il met l’accent sur les actions américaines. Les mandats de l’équipe comprennent le Fonds d’actions mondiales Beutel Goodman et le Fonds d’actions américaines Beutel Goodman, ce dernier ayant reçu le Prix du meilleur fonds d’actions américaines lors du gala de remise des Prix Morningstar le 27 novembre.
Question : Le marché boursier américain a connu des résultats exceptionnels cette année. L’Indice S&P 500 a atteint de nouveaux sommets et l’on craint que le marché soit surévalué.
Jim Young (JY) : On voit une effervescence dans certains secteurs. L’activité récente de premiers appels publics à l’épargne dans les compagnies des médias sociaux en est un exemple. Un secteur très pointu comme les actions des médias sociaux peut faire ce qu’il veut, et cela n’a aucun impact sur le marché dans son ensemble. Cela fait quatre ans et demi que le marché américain a touché le fond à la suite de la crise financière mondiale. Il n’y a pas eu beaucoup d’enthousiasme pour ce marché-là jusqu’à cette année. C’est un marché haussier, mais détesté. De nombreux secteurs se comportent à merveille et ne sont pas surévalués. Ils sont bien ancrés dans les données fondamentales.
Q : Quels sont les secteurs qui présentent actuellement des occasions, Jim?
JY : On peut trouver de la valeur dans les services financiers, la technologie, les valeurs industrielles et tout ce qui touche à la consommation. Je ne trouve pas difficile de dénicher des noms ces temps-ci. Ils ne sont pas aussi bon marché qu’ils ne l’étaient. Les évaluations se sont améliorées depuis la crise financière, comme on pourrait s’y attendre. Nous commencerons à nous inquiéter quand nous verrons des excès dans les secteurs grand public. Les évaluations devraient continuer à augmenter, sous l’impulsion d’un des plus gros changements de répartition d’actifs jamais vus, alors que les investisseurs se détournent des obligations et de leurs faibles rendements et optent pour les actions et leurs rendements totaux. Ce sont des actions dont les cours augmentent de 6 % à 7 % par an et le dividende est de 2 % à 3 %, pour un rendement total proche de 10 %.
Janet Navon (JN) : Certaines des actions des médias sociaux sont devenues surévaluées. De plus, les évaluations de certains distributeurs importants de flux de trésorerie, comme les produits pharmaceutiques et certaines sociétés de biens de consommation courante, sont devenues excessives. Les investisseurs qui cherchent à redéployer l’argent investi dans les obligations ciblent ces actions. Elles paient de gros dividendes mais ne sont pas très bonnes dans la croissance.
Glenn Fortin : À la sortie de la récession, les plus grosses sociétés aux États-Unis ont pris une dimension de plus en plus mondiale. Elles ont des revenus et des bénéfices plus diversifiés et sont plus efficaces. On prête plus d’attention au rendement total revenant aux actionnaires, que ce soient les rachats d’actions ou, plus important encore, les dividendes.
JN : Nous avons assisté à la réémergence des investisseurs activistes.
GF : Cela augmente la responsabilisation des gestionnaires.
JY : Le thème des dividendes est important. Les distributions sont historiquement faibles et les actionnaires sont assoiffés de dividendes. Les sociétés réagissent bien. Les ratios de distribution sont en train d’augmenter et les bénéfices en font de même, et l’on a donc un double impact sur les dividendes. Un nouveau thème de placement a émergé, et il prend beaucoup de place : les sociétés dont les dividendes augmentent continuellement. Ces sociétés attirent beaucoup d’argent.
JN : Il en résulte que l’on voit aussi des sociétés qui se scindent en deux : l’une davantage orientée sur les dividendes, et l’autre sur la croissance. J’en veux pour exemple la société de soins diversifiés Abbott Laboratories, qui s’est détachée de la portion pharmaceutique de ses affaires, rebaptisée AbbVie. Agilent Technologies a détaché sa section plus traditionnelle de mesures électroniques et l’a fait entrer à la bourse. Il y a beaucoup d’exemples comme ceux-là.
Q : C’est à l’opposé du conglomérat?
JN : Exactement. Il n’est pas très surprenant que nous-mêmes, gestionnaires axés sur la valeur, soyons investis dans certaines de ces sociétés. Nous examinons la somme des parties et pensons qu’il y a là de la valeur à exploiter.
GF : Voilà sur quoi de nombreux investisseurs activistes se concentrent.
JY : On a mis PepsiCo au défi d’en faire de même.
Q : Où peut-on trouver les sociétés qui excellent dans la croissance des dividendes?
JY : Certaines des banques sont de bonnes illustrations, maintenant qu’elles voient plus clair dans leurs exigences de capitaux. Leurs revenus en dividendes et leurs distributions de dividendes sont un peu faibles pour des banques. Wells Fargo & Co et PNC Financial Services Group sont des sociétés prometteuses à cet égard. La compagnie d’assurances ACE a récemment accru ses dividendes trimestriels de 24 %. Johnson & Johnson augmente constamment ses dividendes.
JN : Le gros détaillant de produits dégriffés TJX Companies est une société que nous possédons.
GF : Dans le commerce de détail, les sociétés ont atteint leur maturité et génèrent de robustes flux de trésorerie disponibles. Des sociétés comme TJX et Lowe’s récoltent l’argent et le restituent aux actionnaires.
Q : Grandes ou petites capitalisations?
JN : Il est plus facile de trouver des idées de placements dans les sociétés à grande capitalisation que dans les petites.
GF : Effectivement. Les actions américaines se sont bien comportées cette année, mais les actions à grande capitalisation continuent à se sous-classer. Ce sous-classement reflète en grande partie la taille de beaucoup de sociétés des technologies de l’information arrivées à maturité. Ce sont des sociétés à grande capitalisation qui ont de bonnes franchises mondiales, mais beaucoup d’entre elles ont été à la traîne du marché cette année.
JY : La technologie de l’information a été un des secteurs les moins performants jusqu’à présent.
Q : Maintenant que nous avons évoqué les tendances du marché boursier américain, quelles en sont les perspectives?
JY : En général, quand il y a eu une année exceptionnelle, elle n’est pas suivie d’une année de baisse, mais une année de croissance plus modeste, et cela peut durer pendant deux ans. Le cadre de référence économique semble demander une période prolongée de croissance modeste non inflationniste dans le monde. Il pourrait y avoir une croissance du PIB de 2 % à 3 % aux États-Unis, de 2 % en Europe, et la Chine, bien que sa croissance ait ralenti, pourrait encore afficher 6 % ou 7 %. Cette modeste croissance mondiale est une bonne toile de fond pour le marché boursier américain. Les évaluations ne sont pas extrêmes. Le S&P 500 se négocie à environ 15 fois ses bénéfices estimés pour l’année prochaine. Si nous avions des ratios C/B de 25, nous serions plus inquiets.
Q : Et la croissance des bénéfices?
JY : On s’attend à ce que les bénéfices par action du S&P 500 augmentent de quelque 10 % en 2014.
JN : Nous pensons que la croissance des bénéfices pourrait être un peu plus basse, peut-être de 6 % à 8 %.
GF : Ce qui est normal à long terme.
JN : Notre projection de croissance du PIB américain pour 2014 est de 2 %. L’arrière-plan politique aux États-Unis demeurera incertain. Il est difficile de prévoir ce qui va sortir de Washington. Cela défie la raison parce que ce sont des extrêmes qui définissent la plateforme de chaque parti. Les coupures budgétaires automatiques de cette année n’ont pas abouti au compromis espéré à Washington. La série suivante de grosses coupures aura lieu à la mi-janvier. Cette imprévisibilité crée un niveau d’incertitude considérable pour les entreprises et sape la confiance.
Q : Qu’en est-il du programme d’allégement quantitatif de la Réserve fédérale américaine?
JN : Même si la Fed a renoncé à ralentir ce programme, la courbe des rendements est demeurée plus positive et les taux à long terme sont demeurés plus élevés, ce qui a eu un effet négatif sur le consommateur américain. Les consommateurs qui pouvaient le faire ont refinancé leurs emprunts aux taux plus bas, et fait ainsi augmenter leur revenu disponible, et cela les a aidés à compenser la relative stagnation de leurs revenus ces deux dernières années. Ces taux à long terme plus élevés nous rendent plus prudents quant au consommateur, qui représente environ les deux tiers du PIB aux États-Unis.
GF : Le taux de chômage aux États-Unis est à un peu plus de 7 %.
JY : Sans compter tous ceux qui ont abandonné.
JN : Le taux de participation de la population active est le plus bas depuis l’entrée réelle des femmes sur le marché du travail dans les années 80. Le chômage structurel est un ingrédient important aux États-Unis.
JY : On n’embauche plus beaucoup dans les usines, qui sont extrêmement automatisées. Les forces motrices réelles de la création d’emplois sont toujours les secteurs novateurs comme la technologie et les sciences de la vie. Il est difficile de créer des emplois. Il faut créer un environnement favorable. Il faut encourager les entrepreneurs à prendre des risques. Tout cela est lié à la situation politique.