Que les prix des actions et des obligations touchent en même temps de nouveaux sommets, ce n’est certainement pas ce que les cours de finance nous ont enseigné.
Les prix de ces deux catégories d’actifs ont plutôt tendance à fluctuer inversement. Quand l’économie va bien, les actions montent. Mais comme les taux d’intérêt ont alors tendance à monter parce que des pressions inflationnistes apparaissent, le prix des obligations baisse. Et inversement lorsque l’économie se porte plus mal.
Deux grandes questions se posent donc: pendant combien de temps ces deux catégories d’actifs vont-elles s’apprécier simultanément? Laquelle des deux cèdera la première?
Parmi les facteurs qui incitent les taux des obligations à baisser, il y a d’abord et surtout l’appétit des investisseurs pour les obligations américaines, explique Colin Cieszynski, stratège en chef chez CMC Markets en entrevue à MarketWatch. «Ils s’empressent de sauter sur le rendement des obligations américaines, bien que celui-ci soit relativement bas, car à plusieurs endroits les rendements sont négatifs», dit-il. Des politiques monétaires extrêmement expansionnistes des banques centrales et les hésitations de la Réserve fédérale américaine à hausser les taux d’intérêt font que ce phénomène perdure.
Or, des taux d’intérêt aussi bas sur les obligations ne peuvent que favoriser les marchés boursiers, explique Luc Vallée, stratège en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.
«La valeur d’une action est fonction de ses flux financiers futurs, et ceux-ci augmentent forcément lorsque les taux d’intérêt baissent», dit-il. «Tant que les taux d’intérêt demeureront aussi bas, il n’y a pas de raison pour que le S&P 500 ne monte pas encore plus haut.»
Un contexte et des mesures atypiques
Si les prix des actions et des obligations atteignent tous les deux des sommets, c’est que nous sommes dans un contexte économique atypique et que les banques centrales appliquent des politiques monétaires elles aussi atypiques, explique François Dupuis, économiste en chef au Mouvement Desjardins.
«Pour favoriser la croissance de l’économie mondiale, les banques centrales offrent actuellement une quantité de stimuli monétaire sans précédent, ce qui a pour effet de gonfler la valeur des actifs financiers, dont les actions», dit-il. Et les banques centrales ne semblent pas vouloir arrêter leurs interventions musclées, ajoute l’économiste.
Or, la hausse simultanée des prix des actions et des obligations s’arrêtera bien un jour. Lorsque cela se produira, ce pourrait bien être les actions qui cèderont, suggère Larry Berman, président de ETF Capital Management. «Nous avons appris au cours des trente dernières années que les investisseurs en obligations comprennent bien mieux l’économie que les investisseurs en actions», écrit-il dans un texte d’opinion du Globe & Mail.
Pour l’instant, c’est en Europe que les troubles sont les plus perceptibles, suivi de près par la Chine, estime Larry Berman. «La Bourse américaine est la chemise la moins sale dans la salle de lavage, mais elle n’est pas propre pour autant.» Certains croient que les marchés mondiaux peuvent évoluer de façon indépendante et que le Brexit n’affectera pas le marché américain, note-t-il. Mais M. Berman n’y croit pas.
Pour le moment, les deux catégories d’actifs font aussi le bonheur des investisseurs canadiens. En effet, malgré un début d’année difficile, les actions canadiennes mesurées par l’indice S&P/TSX ont procuré à ce jour en 2016 un rendement total de 11%. Quant aux obligations, l’indice FTSE Univers montre un rendement de 5,2%.