Les effets de la forte de l’inflation et des efforts de la banque centrale pour la contenir en ralentissant l’économie se sont fait sentir dans les résultats du deuxième trimestre des grandes banques canadiennes.

Quatre des cinq grandes banques ont affiché des bénéfices inférieurs aux attentes, car elles ont mis de côté de plus grandes sommes d’argent pour les créances douteuses et ont eu du mal à contenir la hausse des coûts. En outre, plusieurs ont vu leurs revenus pâtir de la croissance plus lente des prêts.

La Banque CIBC a été la seule exception, ses résultats, présentés jeudi, étant meilleurs que ne l’avaient prévu les analystes.

Bien que la croissance des prêts hypothécaires au Canada ait fortement ralenti, alors que plusieurs banques affichaient des résultats stables par rapport au trimestre précédent, l’attention s’est tournée ces jours-ci sur ce qui se passe avec les activités américaines des banques, dans la foulée de quelques faillites bancaires très médiatisées.

Plusieurs dirigeants de banques ont évoqué des conditions économiques plus difficiles, tandis que la Banque TD a mis en garde contre des jours plus difficiles à venir, précisant ne plus s’attendre à atteindre son objectif de croissance des bénéfices à moyen terme.

L’abandon récent de la prise de contrôle proposée par la TD de la banque américaine First Horizon pour 13,4 milliards de dollars (G$) a joué un rôle clé dans la présentation de résultats inférieurs aux attentes, mais la banque a également cité la « détérioration de l’environnement macroéconomique ».

Le chef de la direction de la TD, Bharat Masrani, a souligné dans un communiqué que la banque naviguait dans un « contexte d’exploitation imprévisible ». Elle a affiché un bénéfice de 3,35 G$ pour le deuxième trimestre, en baisse par rapport à celui de 3,81 G$ du même trimestre l’an dernier.

Ses provisions pour pertes sur créances se sont élevées à 599 M$, alors qu’elles n’étaient que de 27 M$ il y a un an.

Dépenses en hausse

Le chef de la direction de la Banque Royale, Dave McKay, a indiqué aux investisseurs, lors d’une conférence téléphonique, que même si les risques financiers immédiats liés aux activités bancaires aux États-Unis s’étaient atténués, il y avait des changements plus importants en cours qui auront des implications à plus long terme.

« Les marchés sont confrontés à des circonstances structurellement différentes après la fin d’une ère de faible inflation, de faibles taux d’intérêt et de mondialisation accrue », a-t-il affirmé.

L’inflation des coûts a été un défi pour les banques canadiennes, alors que la concurrence s’est intensifiée l’année dernière pour le recrutement des employés, en particulier ceux qui possèdent une expertise technologique. La tendance s’est renversée depuis, mais des salaires plus élevés se traduisent toujours par des dépenses plus élevées, et parfois par des effectifs plus importants que nécessaire.

La Royale, qui a fait état de dépenses en hausse de 16 % par rapport à l’année précédente, ne prévoyait pas que les taux d’attrition élevés se normaliseraient « presque du jour au lendemain », a laissé entendre Dave McKay.

« Nous avons dépassé. Nous avons dépassé de milliers de personnes. C’est un véritable frein à notre structure de coûts. »

La banque attribue environ la moitié de la croissance de ses dépenses aux coûts liés aux acquisitions et aux facteurs macroéconomiques, tandis qu’elle prévoit de réduire l’autre moitié grâce à un ralentissement de l’embauche et à l’attrition, entre autres leviers.

« L’une de mes principales priorités est une discipline accrue en matière de coûts », a assuré Dave McKay.

La Banque Royale a affiché un profit de 3,65 G$ pour le trimestre terminé le 30 avril, ce qui se comparait à celui de 4,25 G$ réalisé au même trimestre l’an dernier. Ses provisions pour pertes sur créances se sont élevées à 600 M$, par rapport à un recouvrement de 342 M$ un an plus tôt.

Sur une base ajustée, la Royale a indiqué avoir gagné 2,65 $ par action au cours du plus récent trimestre, en baisse par rapport à un bénéfice ajusté de 2,99 $ par action au même trimestre l’an dernier. Les analystes s’attendaient en moyenne à un bénéfice ajusté de 2,79 $ par action, selon les prévisions recueillies par la firme de données financières Refinitiv.

L’analyste John Aiken, de Barclays, a indiqué dans une note que même si les provisions plus élevées pouvaient sembler, à première vue, être le principal facteur pesant sur les profits de la Royale, ce sont plutôt les hausses de coûts, plus importantes que prévu, qui ont conduit à cette performance décevante.

Et alors que la Banque Royale n’a pas encore résolu ses dépenses constamment élevées, elle a également été mise au défi du côté des revenus, a noté l’analyste Meny Grauman, de la Banque Scotia, qui a ajouté que pour l’ensemble du groupe, les revenus « semblaient loin d’être extraordinaires ».

Exposition aux prêts commerciaux

Les revenus ont été l’une des principales raisons pour lesquelles la Banque TD n’a pas répondu aux attentes des analystes, avec un bénéfice ajusté de 1,94 $ par action pour son plus récent trimestre, inférieur aux 2,07 $ par action attendus par les analystes.

Les banques ont dû faire face à la pression de bénéfices d’intérêts plus faibles, alors que les clients se tournaient vers des dépôts à terme à taux d’intérêt plus élevés et que les banques étaient généralement confrontées à des coûts de financement plus élevés.

La Banque CIBC a réussi à afficher des gains sur ses marges nettes d’intérêts et à maintenir la croissance de ses dépenses à 1 % par rapport à l’an dernier, ou à 7 % après ajustement, alors qu’elle sortait d’un important programme d’expansion, ce qui a contribué à faire passer ses bénéfices à 1,69 G$, contre 1,52 G$ l’an dernier.

La CIBC a également été l’une des premières à mettre de l’argent de côté pour les créances douteuses, de sorte que ses provisions de 438 M$ pour pertes sur créances n’ont pas tant augmenté par rapport à celles de 303 M$ du deuxième trimestre de l’an dernier.

Sur une base ajustée, la CIBC a indiqué avoir gagné 1,70 $ par action au cours de son dernier trimestre, contre 1,77 $ par action au même trimestre l’an dernier, tandis que les analystes s’attendaient en moyenne à un bénéfice ajusté de 1,63 $ par action.

À l’instar d’autres banques, la CIBC a cherché à rassurer les analystes sur le fait que son exposition aux prêts commerciaux, en particulier pour les espaces de bureaux aux États-Unis, était sous contrôle alors que les inquiétudes grimpaient quant à d’éventuelles dépréciations à venir.

Son chef de la direction, Victor Dodig, a indiqué que les prêts aux bureaux représentaient environ 2 % du portefeuille global de prêts de la banque et que la situation actuelle ne durerait pas.

« Nous reconnaissons la volatilité. Nous nous en sortirons. Nous nous en sortirons. Et je suis convaincu que les valeurs refont surface et que les investisseurs commenceront à se présenter pour s’emparer de ces propriétés, et que les gens commenceront à revenir davantage au bureau. »

Mercredi, la Banque de Montréal et la Banque Scotia ont également tenté de rassurer au sujet des prêts commerciaux, car elles ont affiché des bénéfices inférieurs à ceux de l’année dernière en raison de dépenses plus élevées, de provisions pour pertes sur créances et d’un ralentissement de la croissance des prêts.

Pour les trimestres à venir, les banques affirment que les conditions de crédit devraient revenir à des normes historiques après que les années de pandémie ont laissé de nombreux consommateurs avec de l’argent supplémentaire, qu’ils commencent seulement à épuiser.

Divers facteurs tels que des taux d’intérêt plus élevés, une inflation soutenue et d’autres vents contraires pourraient faire diminuer l’appétit pour le risque et la croissance des revenus, a prévenu le directeur financier de la CIBC, Hratch Panossian.

« Nous comprenons que l’environnement se normalise. Le coût du crédit va augmenter, les revenus pourraient ralentir. Nous contrôlons les choses que nous pouvons contrôler. »