Bourse: de l'optimisme à l'inconfort
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Déjà le mois dernier, Clément Gignac, économiste, stratège et gestionnaire de portefeuille à l’Industrielle Alliance, prévenait que la victoire de Donald Trump changeait bien des choses, mais qu’elle ajoutait un facteur de risque important. Nous étions le 14 décembre, et le S&P 500, porté par un vent d’optimisme, cotait à 2260 points, soit 150 points plus haut qu’à la veille de l’élection. Un mois plus tard, on note que l’indice de la Bourse de New York est demeuré sensiblement au même niveau.

L’évaluation boursière actuelle du S&P 500 est relativement élevée à 19-20 fois les bénéfices anticipés pour les prochains 12 mois. Selon Guillaume Arseneau, analyste chez Cannacord Genuity, la moyenne historique de cette statistique depuis 1985 est de 15 fois. Il n’y a donc pas de place à l’erreur, ce qui ajoute certainement à l’inconfort qu’avouent ressentir plusieurs gestionnaires et analystes.

Signe de malaise, le coloré commentateur de CNBC, Jim Cramer, souhaitait ouvertement lundi que le marché boursier recule cette semaine. C’est que la saison de la publication des bénéfices trimestriels s’amorce bientôt, et qu’il est toujours dangereux d’entrer dans cette période alors que le marché est très chaud, selon lui. «Si jamais les profits s’avéraient quelque peu décevants, le marché pourrait se retrouver sous pression», dit-il.

Il n’est pas seul à croire que le marché est probablement trop haut. Keith Horowitz, analyste chez Citi Research pointe quant à lui le secteur bancaire. Le moment serait venu de vendre entre autres les actions de Goldman Sachs.

Le rapport risque/rendement pour le groupe bancaire n’est plus intéressant, selon l’analyste. Pour sa part, l’action de Goldman Sachs s’est appréciée de 34% depuis le 7 novembre comparativement à 6% pour le S&P 500, dit-il.

La forte poussée boursière à la suite de l’élection repose en partie sur une fausse prémisse, soit celle de «la grande rotation», explique de son côté Tom Buckley, chef des investissements chez Vanguard. «On assume que tous les investisseurs vont vendre leurs obligations pour se ruer vers le marché boursier», dit-il.

Ce qui l’inquiète, c’est que le marché boursier était relativement bien évalué au moment de l’élection. «Le marché s’est beaucoup amélioré depuis malgré que les facteurs fondamentaux soient demeurés inchangés», dit-il.

Parmi les gens inconfortables, on retrouve Larry Summers, ex-secrétaire au Trésor sous la présidence de Bill Clinton. «La poussée du marché boursier et du dollar américain ne durera pas», dit-il en entrevue à CNBC.

M. Summers va même jusqu’à comparer la situation américaine actuelle à celles qu’ont connus certains pays d’Amérique Latine. «Lorsque des régimes à certains points similaires, soit hautement nationaliste, hautement interventionniste, et ayant une tendance autoritaire, ont pris le pouvoir en Amérique Latine, il s’en est suivi une certaine période positive pour l’économie et la devise. Mais ensuite, tout s’est écroulé», dit-il. «Le rallye boursier depuis l’élection n’est ni plus ni moins qu’un ‘sugar high’», conclut-il.