Et il poursuivait ainsi: « Peu importe les circonstances, placer à la tête du pays ayant la plus importante économie du monde un individu irresponsable et ignorant, qui de plus se fait conseiller par les pires personnes imaginables, est une très mauvaise nouvelle. Mais ce qui rend la chose encore pire, c’est l’état fondamentalement fragile dans lequel le monde se retrouve, même huit ans après la grande crise financière ». Il concluait : « Pour l’économie, comme pour tout le reste, une chose terrible vient de se produire ».
Difficile d’être plus alarmiste, me direz-vous.
À compter du moment où les résultats ont commencé à laisser croire que Donald Trump avait des chances de devenir le 45e président des États-Unis, les marchés financiers ont aussitôt commencé à donner raison à Paul Krugman. Les contrats à terme sur l’indice S&P 500 se sont mis à débouler. À minuit, avant même que le gagnant soit confirmé, les transactions étaient temporairement suspendues, comme le veut le règlement, alors que la baisse atteignait déjà 5 %. Cela équivalait à une baisse de plus de 100 points pour le S&P 500 et de 900 points pour l’indice Dow Jones.
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Mais si vous n’avez pas surveillé attentivement les marchés durant la nuit de mardi à mercredi, vous n’avez rien ressenti de cette baisse, car à peu près toutes les pertes avaient été récupérées avant même l’ouverture des négociations en Amérique mercredi matin. Même qu’à 11h30 le S&P 500 était en hausse de 17 points et le Dow Jones de 158 points.
Cette réaction initiale s’explique assez bien, selon Michael Santoli, chroniqueur senior à CNBC. Les investisseurs s’étaient positionnés de façon très défensive en détenant des quantités d’encaisse importantes ainsi que des positions de contrepartie servant à minimiser le risque. Dans ces conditions, un recul des cours se transforme rapidement en occasion d’achat. On avait observé un comportement semblable à la suite du résultat du vote sur le Brexit au Royaume-Uni en juin.
Avant le début de cette semaine, l’indice S&P 500 avait reculé durant neuf séances consécutives, rappelle Ron Meisels, président de Phases & Cycles, une firme de gestion de Montréal, et spécialiste de l’analyse technique. « Cela créait un sentiment très négatif et un état de survente important sur le marché », dit-il. Ce sont deux ingrédients qui favorisent un rebond des marchés, selon lui.
Dans l’immédiat, un impact négatif sur l’économie américaine n’est probablement pas à craindre, selon Francis Généreux, Économiste principal, Mouvement Desjardins. « Tel quel et nonobstant les effets immédiats de sa victoire sur les marchés ou sur la confiance, le programme de M. Trump pourrait amener une contribution positive à l’économie américaine à court terme », dit-il. Il reconnait toutefois que l’incertitude et les risques ont pris beaucoup d’ampleur.
Ron Meisels n’exclut pas la possibilité d’un recul au cours des prochains jours. Mais il maintient que le marché boursier s’apprête à entreprendre une nouvelle jambe haussière, la dernière du bull market amorcé en 2009 à la suite de la crise financière, et qui pourrait en surprendre plus d’un par sa vigueur.
D’origine hongroise, Ron Meisels se rappelle le dicton utilisé par les gens de ce pays où l’histoire politique amenait souvent au pouvoir des gens sévèrement critiqués et conspués par l’élite : « This too shall pass », disait le vieil adage dont on retrouve les origines dans la bible. Par là on suggérait qu’éventuellement, ils seront remplacés et que tout rentrera dans l’ordre.