Le trio des grands indices américains vient de connaître son meilleur début d’année depuis 2013, avec des gains de 2,3% pour le Dow Jones, de 2,6% pour le S&P 500 et de 3,4% pour le Nasdaq.
Déjà, plusieurs courtiers s’empressent de réviser à la hausse leurs prévisions de bénéfices pour 2018 après avoir pris connaissance des nombreuses nouvelles règles fiscales de la réforme Trump.
Le plus optimiste des stratèges, Keith Parker d’UBS, a fait grimper ses estimés de profits de 141 à 157$US pour 2018 et prévoit désormais que le S&P 500 terminera l’année à 3150, 15%, de plus que son cours actuel.
Les récentes annales boursières lui donnent raison.
« La dernière fois que le S&P 500 a commencé l’année avec quatre séances à la hausse de suite, en 2006 et en 2010, l’indice a gagné au moins 12%, le reste de l’année. »
D’autres, au contraire, préviennent déjà que l’effet espéré de la baisse des impôts sur l’économie et les dépenses des entreprises et des consommateurs est exagéré ou qu’il s’avérera éphémère.
Les investisseurs auront très bientôt des pièces à conviction à consulter pour alimenter le débat qui risque d’ailleurs de faire rage toute l’année.
Le sondage des gestionnaires de fin d’année de Bank of America Merrill Lynch révélait en effet que 83% des pros s’attendent à un ultime sommet pour la Bourse en cours d’année.
Premier test, le 12 janvier
À partir du 12 janvier, les entreprises du S&P 500 divulgueront en effet les résultats de leur quatrième trimestre et leurs perspectives pour l’année. La grande banque JP Morgan Chase(JPM, $US) ouvre le bal.
Les chefs de la direction financière auront eu amplement le temps d’évaluer les énormes charges et les gains comptables que provoque la réforme, d’estimer les profits étrangers qu’ils prévoient rapatrier et surtout ce qu’ils comptent faire de l’argent qu’ils n’auront plus à verser en impôts.
On peut s’attendre à un mélange de remboursement de dettes, de rachats d’actions, de dividendes accrus, d’acquisitions et de projets d’expansion, tous propices à d’autres gains en Bourses.
Plusieurs entreprises attendaient sans doute la baisse des impôts- et surtout les détails de la dépréciation des dépenses en capital et de la déductibilité de leurs frais d’intérêts- avant d’enfin délier les cordons de leur bourse.
Cette étincelle explique pourquoi des observateurs craignent qu’une économie déjà forte ne surchauffe et apporte avec elle un retour indésirable de l’inflation et des taux plus élevés, préparant ainsi la fin des festivités en Bourse.
À cela s’ajoute la peur bien légitime qu’une fièvre spéculative se soit emparé de bien des actifs, que ce soit la hausse parabolique des cryptomonnaies ou encore la frénésie entourant le cannabis à usage récréatif.
«Nous sommes terrifiés (de voir le Dow Jones franchir 25000 points, 23 jours après le seuil de 24000)», a lancé Paul Gambles, directeur associé de MBMG Group, en entrevue à la chaîne CNBC.
Les trois seuls épisodes de Goldilocks de l’histoire, une période de croissance économique mondiale forte sans trop d’inflation, ont connu une mort horrible. «Le risque est exponentiel», a-t-il renchéri.
Un feu de paille?
Chez Bank of America Merrill Lynch, l’équipe quantitative a relevé ses prévisions de 10% à 153$US pour les bénéfices du S&P 500 en 2018, soit 10$US pour la baisse de 35 à 21% du taux statutaire d’impôts, 3$US pour l’effet des rachats d’actions et 1$US pour la hausse des prix des matières premières dont le pétrole.
Ces projections représentent une hausse annuelle de 16% des bénéfices, la meilleure depuis 2010 et aussi le cinquième plus fort bond des profits annuels en 25 ans.
Sur cette base, le S&P 500 s’échange à 17,9 fois les nouveaux bénéfices, un multiple somme toute raisonnable, mais qui pourrait devenir un piège si l’effet de la réforme s’étiole rapidement, avertit le courtier.
Les experts de la firme redoutent aussi que la réforme accentue la compétition entre les entreprises tout à coup renflouées de nouvelles liquidités et incite aussi la Fed à relever plus énergiquement ses taux.
«Déjà, plusieurs entreprises signalent qu’elles doivent dépenser plus pour leur main-d’oeuvre et leurs matières premières, en même temps que la concurrence les oblige à abaisser leurs prix de vente», écrit Savita Subramanian, stratège quantitative en chef.
Les secteurs de la consommation discrétionnaire et des télécommunications, deux des plus grands bénéficiaires de la réforme sur papier, sont aussi ceux qui subissent le plus le feu de la compétition et les perturbations technologiques, ajoute-t-elle.
La croissance mondiale en appui
Chez CFRA Research, la stratège Lindsey Bell, s’attend à ce que le consensus pour la progression des profits de 2018 grimpe bien au-delà de l’actuel 12,5%, à mesure que les entreprises dévoileront leurs plans entre le 12 janvier et le 16 février prochains.
La croissance mondiale synchronisée, l’accélération américaine et la hausse des cours des ressources, renforcent la tendance, dit-elle.
Ceci dit, les marchés ne sont jamais à l’abri d’un mouvement de recul qui peut survenir quand on s’y attend le moins ou qui peut être déclenché par un choc que souvent personne ne voit venir.