Mais en choisissant les actions à dividendes tout en visant une approche de rendement total, les gestionnaires ont aussi besoin de comprendre comment l’entreprise pourrait se développer au cours des cinq prochaines années.

« Faire des prévisions comporte des problèmes considérables. Nous passons toutefois beaucoup de temps à parler à la direction, nous regardons les actifs de près et parlons aux gens qui gravitent autour de l’entreprise », dit Patrick Reddy, analyste des actions canadiennes et gestionnaire de portefeuille du Fonds canadien de dividendes Leith Wheeler. Ce fonds (90 millions $ d’actifs sous gestion) obtient une cote de quatre étoiles pour ses rendements ajustés selon le risque passés dans la catégorie Actions canadiennes de revenu.

« Nous voulons comprendre la direction que va prendre l’entreprise dans les trois à cinq prochaines années, dit Patrick Reddy. Puisque c’est si difficile à prédire, nous avons à la fois nos meilleurs et pires cas de figure. Si quelque chose tourne mal, nous nous demandons quelle est notre marge de sécurité. »

De nombreux facteurs pourraient dépasser les attentes, des deux côtés de l’équation. C’est la raison pour laquelle Patrick Reddy, dont l’équipe comprend Bill Dye, chef des actions canadiennes, et les analystes d’actions canadiennes David Jiles, Richard Liley et Nick Szucs, doit comprendre comment une société va accroître ses bénéfices et ce que cela veut dire pour la croissance des dividendes, facteur déterminant pour le rendement du fonds.

« Toutes nos actions versent un dividende. Et dans l’idéal, nous voulons qu’elles accroissent ce dividende avec le temps », dit Patrick Reddy, vétéran de 18 ans de l’industrie qui a obtenu un baccalauréat en administration des affaires à l’Université Simon Fraser en 1999, puis est entré à Leith Wheeler en 2006. « Il faut donc que nous comprenions la variabilité du modèle d’entreprise. Plus cette variabilité est élevée, plus il faut souligner le risque de baisse. Tout cela se voit dans l’historique de la gestion et dans sa capacité à générer des profits. Nous voulons aussi nous assurer que la gestion a investi son propre argent et que ses intérêts sont alignés sur ceux de nos clients. »

Plutôt que simplement se concentrer sur le niveau absolu des dividendes d’une entreprise, Patrick Reddy vise le rendement total. « Les entreprises qui fournissent les meilleurs rendements sont celles qui sont capables non seulement d’accroître leurs dividendes, mais aussi leurs bénéfices avec le temps. Si l’on est incapable d’augmenter les bénéfices avec le temps, on aura aussi probablement des difficultés à accroître les dividendes. »

Les sociétés peuvent trouver des façons de rehausser un dividende, en augmentant le ratio de distribution, par exemple. Mais pour Patrick Reddy, c’est un signal d’avertissement, puisqu’un ratio de distribution élevé indique qu’il sera plus difficile d’accroître le dividende à l’avenir, et cela peut même remettre en cause sa durabilité. « Les sociétés aux ratios de distribution élevés ont tendance à se sous-classer. »

L’univers d’actions couvert par Patrick Reddy comporte environ 200 noms, et pourtant une trentaine seulement méritent de figurer dans le fonds. Bien que le rendement courant du fonds soit de 3,1 %, le tiers environ des noms paient moins de 2 %. Par exemple, le Canadien national a un rendement en dividendes de 1,6 %. Toutefois, ces cinq dernières années, ses bénéfices ont augmenté de 14 % par an, et ses dividendes ont connu une croissance annuelle de 18 %.

« Son bilan est très solide. Son ratio d’endettement par rapport à ses bénéfices après intérêt, impôts, dépréciation et amortissement est de 1,5, et sa cote de crédit est de A+ », dit Patrick Reddy, notant que le CN a un ratio de distribution de 31 %. « Nous avons ici une entreprise qui est essentiellement un oligopole. Si l’on se contente de filtrer les actions qui rapportent le plus, CN n’est pas en tête de la liste. Mais je ne suis pas d’accord avec cette approche. Si l’on se limite aux actions qui rapportent le plus, on peut être confronté aux problèmes de ces sociétés, par exemple un niveau élevé d’endettement, ou l’incapacité d’accroître les bénéfices. »

Patrick Reddy croit que la gestion du CN a un bon historique de croissance des bénéfices. Quant à ce que l’avenir réserve, il s’attend à ce que cette société de chemins de fer affiche une croissance annuelle de plus de 10 % de ses bénéfices pendant les cinq années qui s’annoncent. « Son dividende peut augmenter dans les mêmes proportions. »

Dans la même veine, Open Text Corp a un rendement en dividendes de 1,4 %, mais a augmenté d’environ 25 % ces 12 derniers mois. Cette société de logiciels de 11 milliards $, qui se spécialise dans les systèmes de gestion de l’information pour les entreprises, a accru ses bénéfices d’un taux annualisé de 25 % sur 10 ans. Non seulement l’équipe de gestion possède-t-elle beaucoup d’actions, note Patrick Reddy, mais l’entreprise génère énormément de capitaux excédentaires.

« La société peut utiliser cet argent pour accroître le dividende ou réinvestir dans l’entreprise. Puisque le rendement des capitaux propres est de 20 % et le rendement du capital investi est de 13 %, il se peut qu’elle trouve des firmes dont le rendement est comparable et procède à des acquisitions, puisqu’elle a un bon palmarès dans ce domaine », dit Patrick Reddy, notant que la société a récemment dépensé 1,6 milliard $ pour acquérir la division de gestion du contenu de Dell EMC, y compris la plateforme Documentum.

Dans le secteur des services financiers, Patrick Reddy considère la Banque de Nouvelle-Écosse comme un de ses avoirs préférés. « Son rendement en dividendes est de 3,9 % et son ratio de distribution est de 44 %. Nous prévoyons une croissance de ses bénéfices et de son dividende de 5 % à 9 %, dit-il, ajoutant que l’évaluation est de 12 fois ses bénéfices prévisionnels. Et nous voyons un élan positif derrière ses bénéfices. »