Le financement d’une transition mondiale vers des énergies vertes et des infrastructures durables pourrait contribuer à la rentabilité à long terme des banques et ainsi assouplir l’impact de la volatilité macroéconomique et des perturbations géopolitiques des derniers mois sur leur secteur, indique un rapport annuel de la firme McKinsey.
Même avant que de nombreux changements simultanés ne surviennent (pandémie, inflation, guerre en Ukraine, hausse des taux d’intérêt, etc.) et mettent fin à plus d’une décennie de stabilité relative, les valorisations des banques affichaient une forte décote par rapport à d’autres secteurs. « Cette tendance s’est poursuivie en 2022, ce qui n’est pas surprenant étant donné que la majorité des banques mondiales gagnent toujours moins que le coût de leurs capitaux propres », mentionnent les auteurs du document.
À l’échelle internationale, les revenus des banques ont augmenté de 345 milliards de dollars (G$) en 2022 grâce à une forte augmentation des marges nettes causée par la hausse des taux d’intérêt et ainsi atteint leur plus haut niveau depuis 14 ans, avec un rendement attendu des capitaux propres compris entre 11,5 et 12,5 %. Cependant, les perspectives macroéconomiques incertaines pourraient exacerber les fragilités des banques et amoindrir ces résultats positifs.
« Tout d’abord, (…) la hausse des taux d’intérêt devrait continuer à stimuler la rentabilité grâce à l’augmentation des marges, mais cela pourrait s’avérer transitoire. Deuxièmement, les banques sont confrontées à un ralentissement de la croissance à long terme », peut-on lire dans le rapport.
Celles-ci pourraient subir trois effets de cette situation, soit un ralentissement de la croissance des volumes, une augmentation des coûts et une hausse des défaillances.
Les auteurs ont aussi tenu à spécifier que les difficultés générales auxquelles fait face le secteur bancaire dans son ensemble masquent le succès de certains groupes de banques dans des pays comme les États-Unis, le Canada, l’Inde, l’Indonésie et le Mexique. Ceux-ci pourraient donc se retrouver devant des scénarios moins pessimistes.
Grand potentiel inexploité
Il reste que les banques en général chercheraient donc à dépasser leur rentabilité à court terme. Ainsi, miser davantage sur le financement des énergies renouvelables pourrait être leur planche de salut. Les experts de McKinsey constatent d’ailleurs que cette option génère déjà un engagement plus approfondi chez les clients des banques.
Selon leurs estimations, les besoins de financement pour soutenir la transition vers la carboneutralité pourraient dépasser 4,4 billions de dollars par an jusqu’en 2030. D’ici 2030, les investissements dans l’énergie propre, entre autres, devraient être trois fois plus élevés qu’en 2020 et les investissements dans l’électrification des transports, quant à eux, devraient être dix fois plus élevés qu’en 2020.
L’équipe de McKinsey estime que les institutions financières commerciales se trouvent devant une occasion de financement direct à saisir d’environ 820 G$ par année. Entre 2021 et 2030, les banques pourraient permettre un investissement supplémentaire de 1,5 trillion de dollars pour les entreprises.
« Nous estimons que le potentiel de revenus pour les banques provenant de l’investissement de la dette dans le financement climatique s’élèvera en moyenne à environ 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2030. Cela représente environ 5 % de l’ensemble des revenus bancaires mondiaux », souligne les auteurs du document.
Quelques obstacles sur le chemin de la durabilité
Bien que de nombreux éléments tels que les changements de politique des régulateurs et une participation plus active des entreprises rendent le contexte vers une économie verte favorable, les experts de McKinsey ont tenu à mentionner certaines embûches qui pourraient freiner l’élan vers l’investissement responsable.
Premièrement, ceux-ci évoquent les longues périodes d’amortissement requises pour certaines technologies qui peuvent accroître le risque et diminuer les rendements, ainsi que le capital initial requis pour la transition entre les secteurs qui pourrait décourager certains prêteurs. Deuxièmement, ceux-ci notent que les conditions de marché ne sont pas optimales dans tous les secteurs verts. Par exemple, les marges de profit auraient diminué dans le domaine de l’énergie solaire dans son ensemble.
De plus, le manque de données historiques sur les performances de certaines entreprises pourrait faire en sorte que des banques ne soient pas à l’aise d’y placer leurs pions. Les auteurs indiquent aussi que de nombreux projets écologiques verts dépendent de plusieurs facteurs pouvant retarder leur démarrage comme les permis, les infrastructures de soutien et les chaînes d’approvisionnement. Il n’existe pas non plus encore de normes établies ou de mesures de performance faisant consensus pour les produits financiers liés aux secteurs verts, considèrent-ils. Tenant compte de tous ces points, le rapport projette que les banques devront adopter approche souple pour évaluer un marché de la finance durable qui évolue rapidement et différemment selon chaque institution.