L’effet Trump, alimenté par les promesses électorales et les annonces subséquentes du nouveau président des États-Unis, a créé des gagnants et des perdants sur le marché boursier américain. Et comme le fait remarquer David Sykes, directeur général et chef de la gestion fondamentale des actions à Gestion de patrimoine TD à Toronto, il pourrait être payant d’augmenter sa participation à certains des gagnants. Mais en même temps, il est prudent de conserver quelques réserves liquides pour le cas où les marchés seraient déstabilisés par les trébuchements sur la scène mondiale du président américain politiquement inexpérimenté.
« Si l’on examine les marchés boursiers avant les élections par rapport à aujourd’hui, l’Indice S&P 500 est en hausse d’environ 6 %. Certains disent que c’est l’effet Trump. Pour moi, il s’agit d’un mouvement relativement peu important, dit David Sykes, mais on a vu un mouvement bien plus vif au niveau sectoriel. On a constaté un délaissement énorme des secteurs défensifs, comme la consommation de base et les télécommunications. Et on a vu une énorme réorientation dans les finances et les valeurs industrielles. C’est ce qu’on a appelé l’effet Trump. »
Les politiques favorables à la croissance économique et à l’inflation du président Donald Trump en ont été les principaux déclencheurs, dit David Sykes. « Le marché s’est exprimé avec enthousiasme, pensant que c’était vraiment bien pour les actions industrielles, financières et technologiques. D’après moi, la question est de savoir si cet effet Trump va durer. Cela dépendra de la législation. Les campagnes électorales ont pour but de définir une politique du possible. Gouverner les États-Unis relève plutôt de la politique de l’impossible. On verra comment le système va concilier les deux. »
Vétéran de 20 ans dans l’industrie, titulaire d’une maîtrise en politique, philosophie et économie de l’Université d’Oxford en 1996 et d’une maîtrise en relations internationales de la London School of Economics en 1997, M. Sykes avance que même si les Républicains ont le contrôle du Sénat et de la Chambre des représentants, c’est tout à fait une autre paire de manches que de faire adopter un ordre du jour législatif. « De nombreux autres présidents régnant sur la Maison-Blanche avaient le contrôle des deux chambres du Congrès sans pour cela réussir d’un point de vue législatif », dit David Sykes, faisant remarquer par exemple que l’ancien président Bill Clinton s’était lui aussi heurté à des obstacles.
Pour ce qui est de la promesse faites par Donald Trump de réduire les impôts des entreprises de 35 % à 15 %, David Sykes doute que ces mesures seront jamais exécutées. « À mon avis, il est catégoriquement impossible de faire passer les impôts des entreprises de 35 % à 15 %. M. Trump pourrait les ramener à 25 %, 20 % ou 22 %, ou un autre chiffre. Ce sera symptomatique d’une situation où rhétorique et réalité font deux. »
De plus, Donald Trump a parlé de donner aux compagnies américaines la possibilité de rapatrier leurs profits enregistrés à l’étranger, avec 10 % comme point de départ. « C’est une mesure de stimulation, dit M. Sykes. Mais que se passera-t-il si c’est 15 %? Ou si Donald Trump impose des conditions sur le rapatriement de ces profits ? Ça reste à voir. Ce qui est frustrant, c’est que nous avons entendu beaucoup de déclarations culottées, mais pas beaucoup de détails. Et c’est ça qu’il nous faut : des détails. » Et David Sykes d’ajouter que M. Trump devrait bientôt annoncer L’envergure de son programme de dépenses d’infrastructure, de réduction du taux d’imposition des entreprises et de déréglementation de l’industrie financière.
Compte tenu de toutes ces incertitudes, David Sykes ne perd pas beaucoup de temps à prédire le comportement du marché pour les deux prochaines années. Il s’attache plutôt à trouver entre 40 et 50 compagnies générant des flux de revenu en augmentation régulière tous les ans. « J’investis dans des compagnies qui versent actuellement des dividendes et qui ont coutume de les augmenter d’une année à l’autre. Je suis vraiment un gestionnaire dont la démarche est ascendante. »
Par conséquent, David Sykes n’a pas apporté de gros changement aux fonds cotés 4 étoiles comme le Fonds nord-américain de dividendes TD. Il a légèrement augmenté la participation du fonds aux actions américaines en la faisant passer à environ 76 %, contre 73 % il y a un an. Il investit environ 24 % dans les actions canadiennes, c’est-à-dire un peu moins que l’année dernière (25 %).
David Sykes a ajouté des valeurs industrielles et financières et a réduit sa participation à certains titres défensifs, comme la consommation de base. Par exemple, il a augmenté la participation du fonds à la banque d’affaires Goldman Sachs Group, ainsi qu’aux banques JP Morgan Chase et Wells Fargo, cette dernière étant une grande banque de services aux particuliers et aux entreprises. « Elles présentent de gros avantages concurrentiels, une bonne croissance, de solides antécédents de croissance de leurs dividendes et de leurs rendements pour les porteurs de parts par le biais de rachats d’actions. Mais leur réel attrait provient du fait que la hausse des taux d’intérêt les prédispose à enregistrer de gros profits à l’avenir. »
Du côté des valeurs industrielles, M. Sykes accorde sa préférence à Lockheed Martin, Boeing et Honeywell International « Elles devraient profiter de l’accélération de la croissance mondiale, dit David Sykes. Si l’on se penche sur Honeywell ou Boeing, on voit bien que leurs hausses de dividendes remontent à 10 ans, 15 ans, et dans certains cas 30 ans. »
David Sykes gère aussi le Fonds de revenu mensuel tactique TD de 3,2 milliards $, un fonds équilibré tactique doté d’une cote Morningstar de 4 étoiles. Il a réduit la participation du fonds aux titres à revenu fixe à 35 %, contre 45 % avant les élections. À l’inverse, il a fait passer sa participation aux actions d’environ 55 % à 60 %. « La raison pour laquelle je ne l’ai pas portée à 65 % c’est que j’ai voulu conserver 5 % de liquidités, et ce à cause de l’effet Trump », dit-il.
David Sykes exprime ses inquiétudes quant au manque d’expérience de M. Trump en matière de politique étrangère et à la possibilité de risques géopolitiques accrus au cours des prochaines années. « J’espère que cela ne se produira pas. Mais si c’était le cas, je soupçonne que les marchés boursiers s’accommoderaient mal d’une situation de conflit en mer de Chine méridionale ou d’un affrontement avec les Nord-coréens, dit-il. Dans ce cas de figure, je serais heureux d’utiliser mes liquidités pour profiter de prix plus faibles. Les marchés ne grimpent jamais sans heurts et à l’unisson. Quelque chose va se produire. »
En attendant, et puisque le cycle économique commence à perdurer, David Sykes prévoit des rendements compris entre 4 et 6 % au cours de 12 à 18 prochains mois. « Il se peut que ce soit un peu plus ou un peu moins. Tout dépend de l’ampleur des dépenses d’infrastructure, si elles seront de 100 milliards $US ou 1 billion $US, et si la réduction de l’imposition sera de 15 ou 20 %. Le prix des actions est dicté par les bénéfices et les flux de trésoreries, qui sont eux-mêmes dictés par les politiques économiques, les taux d’imposition, les dépenses et autres. »