Un ordinateur sur lequel on voit des chiffres de la Bourse.
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« Je crois que le portefeuille 60/40 est toujours pertinent, avec une politique monétaire marquée par des baisses de taux d’intérêt, et que la diversification demeure très importante, spécialement dans un environnement où les attentes de rendement demeurent plus faibles – compte tenu des bonnes séquences que nous avons connu ces dernières années (on ne peut pas toujours faire du 30%) », réagissait Frederick, Demers, gestionnaire de portefeuille et stratège en investissement chez BMO, qui était l’un des deux experts invités au Webinaire organisé par CFA Montréal, le 2 octobre dernier, sur la construction de portefeuille.

« La diversification c’est au fond la répartition des risques. L’objectif c’est d’avoir une diversification qui vient réduire les risques au moment où le portefeuille en a besoin. Au-delà du portefeuille 60/40, cela passe par différentes classes d’actifs, qui vont être réellement diversifiantes », a renchéri Francis Thivierge, gestionnaire principal de portefeuille, multi-classe d’actifs et gestion de devises à la CIBC.

Modéré par Georgi Pavlov, directeur adjoint à l’Association de bienfaisance et de retraite des policiers et policières de la Ville de Montréal, le panel d’experts a été appelé, entre autres, à parler de leurs approches et façons de faire, des enjeux qui touchent à la construction de portefeuille, à aborder de nombreux thèmes d’actualité en plus de répondre aux questions des participants.

Invité notamment à commenter à quel point le contexte macro-économique influençait l’évolution des marchés bousiers, Frederick Demers, de BMO gestion mondiale d’actifs, a rappelé que le bruit des marchés était souvent l’arbre qui cachait forêt. « Par contre, et on l’a vu en 2022, avoir une vue fondamentale vers où l’économie est appelée à se diriger ne nous aide pas autant qu’avoir une vue sur le narratif du marché. Je le dis souvent à la blague, le marché ne transige pas sur la réalité, mais sur la peur et la spéculation. » Le stratège a fait remarquer qu’en 2022 la majorité des observateurs avaient des vues très fortes sur l’économie américaine, qui a fait au-delà de 3% de croissance. « Cela n’a toutefois pas aidé sur le positionnement actions-obligations. Le narratif reste très important. Il faut rester à l’affût, ce qui n’est pas facile à naviguer. »

Gérer le bruit ambiant

Pour faire fi du bruit ambiant et mieux garder le cap sur ses objectifs financiers, Francis Thivierge est d’avis que tout commence par un processus d’investissement bien défini. « On a au préalable clairement identifié ce que l’on fait, comment on le fait et pourquoi on le fait. Si on notre travail a été fait rigoureusement en amont, on sait quelle information est pertinente ou non pour nous et on peut l’écarter rapidement.  »

Frederick Demers partage l’avis de son collègue sur le processus d’investissement. Il ajoute: « Ce n’est jamais facile de trouver un équilibre entre une approche 100% rationnelle, fondée sur des données, versus une autre approche où l’on croit qu’il y a une exagération dans les attentes du marché. Le meilleur exemple récent était ceux qui avaient une vue sur la politique monétaire américaine et s’attendaient à ce qu’il y ait de 5 à 6 baisses alors que d’autres n’en prévoyaient aucune. Selon le moment de l’année, tous deux ont eu raison. C’était donc difficile à monétiser. »

À surveiller en 2025

« Il y a toujours un risque de récession. Il n’y a rien qui fait plus mal pour les marchés boursiers qu’une récession. Les génératrices sont recherchées quand il y a des pannes électriques », fait remarquer Frederick Demers de BMO gestion mondiale d’actifs. Selon le gestionnaire, 2022 n’est pas encore assez loin pour que les gens aient totalement oublié la contre-performance boursière, mais les rendements des dernières années ont peut-être amené les investisseurs à baisser leur garde. « Peut-être qu’en termes de rendement, on peut sacrifier un peu de bêta pour être dans une position un peu plus confortable, une position plus défensive advenant un choc macro-économique.»

Francis Thivierge est d’avis qu’encore aujourd’hui on ressent les contrecoups du cycle économique qui a suivi la crise pandémique. « C’est un cycle exceptionnel, du jamais vu alors qu’on a essentiellement fermé l’économie mondiale pendant quelques mois pour mieux la rouvrir et l’inonder de liquidités. On est toujours dans cet environnement post-pandémique avec les répercussions que l’on ressent toujours. » À cet environnement rempli d’incertitudes, le gestionnaire de portefeuille à la CIBC souligne que viennent s’ajouter d’autres facteurs aggravants, comme les guerres au Proche-Orient et en Ukraine, les confrontations géopolitiques entre la Chine et les États-Unis, et, plus près dans le temps, les élections américaines. « Dans un contexte semblable, rempli d’incertitudes macro-économiques, la diversification continue à jouer un rôle très important. »

La Chine, l’éléphant dans la pièce?

À la question d’un participant qui souhaitait savoir si la Chine devait toujours être considérée comme un pays où l’on pouvait investir, Frederick Demers s’est montré circonspect. « Ce n’est pas facile, un jour elle va l’être, on n’est pas encore rendu là. Encore une fois, et ce n’est pas nouveau, c’est la dimension politique qui me préoccupe un peu plus. Cela a commencé après la crise financière de 2008. Prenez ce qu’elle a fait aux banques, qui étaient trop grosses et représentaient une menace pour le régime. On sait ce qui est arrivé aussi à Alibaba. » Le gestionnaire de portefeuille et stratège à la BMO rappelle ses défis structuraux, sa démographie, et son niveau d’endettement.  « Le contexte géopolitique joue beaucoup aussi, spécialement si Trump arrive au pouvoir, je ne serais pas surpris que la Chine soit le premier pays à subir les tarifs américains. »  À long terme, si le gouvernement chinois se réaligne du côté des investisseurs, Frederick Demers croit que cela pourrait être intéressant, particulièrement par rapport à ce qui se fait du côté de l’industrie automobile.

Francis Thivierge abonde dans le même sens. « Derrière le rideau opaque, il y a beaucoup de développements positifs en Chine, notamment du point de vue de l’industrie technologique, de la construction de voitures et de panneaux solaires. Elle a aussi fait des progrès pour augmenter son statut dans les chaînes de production. » Le gestionnaire de portefeuille rappelle qu’historiquement la Chine était très présente dans l’industrie manufacturière à bas coup et qu’elle occupe aujourd’hui une place grandissante, voire dominante, dans des industries de pointe.

Et la place de l’or dans le portefeuille?

Dans ce haut de cycle pour l’or, Frederick Demers se montre plus prudent par rapport à cette valeur refuge. « L’or a bien fait durant la période de hausse des taux, a bien fait pendant la pause, je suis cependant un peu plus sceptique quant à la phase de baisse de taux. Je serais surpris, si on me disait dans 12 mois, par exemple, que l’or avait surpassé les actions. » « Les commodités ont certainement un rôle à jouer à plus long terme dans le portefeuille, », mentionne pour sa part Francis Thivierge. « Mais à court terme, étant donné les récents mouvements qu’on a observés du côté de l’or, c’est difficile d’avoir une forte conviction. »