Avec le chaos perceptible à Washington et une Réserve fédérale (Fed) en mode de hausser les taux d’intérêt, on peut penser qu’il ne faudrait pas grand chose pour que tout bascule et que l’on s’engage dans un bear market (marché baissier) semblable aux épisodes de 2000 et 2008.
C’est un recul d’une ampleur de 20 % ou plus qui définit un marché baissier. Par exemple, pour l’indice S&P 500 qui touchait 2 400 au début du mois, il faudrait une chute de près de 500 points pour que l’on se retrouve dans un bear market.
David Rosenberg, chef-économiste et stratège, Gluskin Sheff, fait partie de ceux qui se disent très nerveux quant aux perspectives du marché boursier. «Ce que vous voyez présentement n’est pas nécessairement la réalité, et c’est probablement une erreur d’extrapoler dans le futur la performance actuelle du marché», dit-il.
Les graphiques boursiers, le momentum du marché et l’afflux d’argent dans les fonds d’actions indiquent l’enthousiasme des investisseurs. Mais cet enthousiasme prend des proportions inquiétantes, selon Rosenberg. Le plus récent sondage de Investors Intelligence indique que 63,2 % des investisseurs sont positifs quant aux perspectives du marché, soit le plus haut niveau depuis janvier 1987. Le pourcentage des gens craintifs n’est plus que de 16,5 %. «Cet écart de plus de 46 points entre les bulls et les bears a atteint la zone dangereuse», dit l’économiste. C’est généralement lorsque le degré d’optimisme atteint un extrême que le marché bascule.
De plus, la volonté de la Fed de hausser les taux d’intérêt a de quoi inquiéter, selon David Rosenberg. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la Fed s’est engagée dans un cycle de hausses de taux d’intérêt à 13 reprises. En 10 occasions cela nous a conduit à une récession, rappelle-t-il.
Plutôt une correction
Par ailleurs, certains experts préfèrent plutôt la thèse de la correction, plutôt que celle d’un marché baissier (bear market), c’est-à-dire un recul plus modeste qui viendrait en somme corriger les excès.
Selon Pierre Trottier, gestionnaire de portefeuilles à l’Industrielle Alliance, les conditions nécessaires à un bear market ne sont pas réunies, mais une correction est possible. «Pour que se développe un bear market, il faut d’abord que l’on se dirige vers une récession, et ce n’est pas ce que l’on perçoit pour l’instant», dit-il. «Nous assistons plutôt à une croissance économique synchronisée à l’échelle mondiale», ajoute-t-il.
De plus, la croissance des bénéfices des sociétés américaines au 4e trimestre de 2016 a surpassé les attentes, note le gestionnaire. Et le consensus des analystes prévoit une hausse de 10% des bénéfices autant en 2017 qu’en 2018. Enfin, on ne voit pas de bulle comme ce fut le cas en 1999 avec les titres technologiques et en 2008 avec les financières.
Donc pour lui, pas de bear market, mais compte tenu de la hausse importante de la dernière année, une correction pourrait survenir à tout moment. Depuis 50 ans, il y a eu 60 corrections, rappelle Pierre Trottier. La dernière remonte à plus d’un an, soit en janvier-février 2016.
Même son de cloche à la Financière Banque Nationale. «Nous prévoyons pour les prochaines semaines une période de consolidation causée par des prises de profits, mais pas de bear market», dit Matthieu Arseneau, économiste principal chez le courtier québécois. Mais la prudence est certainement de mise. «On est conscient des incertitudes liées à des élections prochaines en Europe et à la mise en place des politiques économiques du nouvel occupant de la Maison-Blanche», ajoute-t-il.