Les économies mondiales enregistreront un rythme raisonnable de croissance en 2017, alors que les marchés n’afficheront que des rendements modestes, un état de fragilité continue étant devenu la norme, dit Joseph Davis, économiste mondial en chef du Groupe Vanguard.
« Le thème principal cette année sera la stabilisation de l’économie mondiale, et non la stagnation, dit M. Davis. Les marchés reconnaissent graduellement que le monde ne se dirige pas vers une stagnation à la japonaise, et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons assisté à une forte performance des marchés financiers au cours des six derniers mois. Ça fait du bien. »
Il est peu probable toutefois que les marchés des grandes économies accélèreront le pas, ajoute M. Davis, et la probabilité d’une récession semble plutôt faible. « Les marchés financiers anticipent une croissance aux États-Unis supérieure à 3 %. Les investisseurs se heurtent parfois à des dichotomies et des paradoxes. On peut assister à une modeste reprise des économies mondiales et connaitre en même temps une année de modeste performance des investissements. Tout cela renvoie à deux choses : la première, c’est de savoir ce que le marché a déjà actualisé », dit M. Davis, directeur mondial du groupe des stratégies de placement à Vanguard.
« Il y a six mois, les marchés étaient trop optimistes, ajoute M. Davis. Maintenant, ils sont allés trop loin dans l’autre sens. Deuxièmement, quel est le prix à payer pour la croissance? Quand on combine ces facteurs, sans être pessimiste, nous ne prévoyons pas une performance exceptionnellement solide des marchés financiers. Si ça se produit, ce sera une surprise.
Pour 2017, Vanguard prévoit des rendements d’environ 5 % pour les portefeuilles équilibrés, sur la base de rendements de 6 à 7 % pour les actions et de 1 à 2 % pour le revenu fixe. « Ce n’est pas pessimiste. Mais nos doutes sur les marchés des capitaux sont probablement les plus forts depuis 2006 », dit M. Davis, qui est établi à Valley Forge en Pennsylvanie et qui dirige une équipe d’une soixantaine de personnes à l’échelle mondiale.
Même si le cycle commercial des sociétés nord-américaines commence à se faire vieux et qu’il entame une neuvième année d’expansion, M. Davis ne voit pas ce cycle tirer à sa fin. « Les cycles des entreprises s’achèvent pour trois raisons, dit-il. La première, c’est qu’il y existe des déséquilibres grandissants au sein de l’économie, comme dans le secteur de l’habitation ou l’endettement excessif des entreprises. Deuxièmement, les politiques fiscales et monétaires sont strictes. Et troisièmement, un choc apporté au système peut occasionner une baisse de confiance.
« Chaque récession dans l’histoire mondiale a été attribuable à une combinaison de ces trois forces », dit M. Davis, qui s’est joint à la firme en 2002 après avoir obtenu un doctorat en macroéconomie et en finance de l’université Duke. Des trois facteurs, seul un resserrement important des conditions financières, comme une forte hausse des taux d’intérêt aux États-Unis, pourrait mener à une récession. « Il faudrait quatre hausses des taux d’intérêt de suite par la Fed, et une conjoncture de ralentissement de l’inflation et de la croissance, et enfin il faudrait que ça se produise au milieu d’un raffermissement important du dollar américain. Il faudrait que toutes ces conditions soient réunies », dit M. Davis.
À court terme, ajoute M. Davis, la plus grande inquiétude vient de l’Europe, avec des incertitudes par rapport à l’issue de plusieurs élections générales. À plus long terme, M. Davis admet que planent des inquiétudes sur l’endettement excessif dans les secteurs des entreprises et de l’habitation en Chine.
Les perspectives généralement admises de la croissance du PIB aux États-Unis sont de près de 3 %. « L’espoir fait vivre. Cette année, on ne verra pas de révisions à la baisse des perspectives de croissance. Une croissance de 3 % est certainement une possibilité », dit M. Davis, qui ajoute que les investissements dans les entreprises américaines se reprendront à mesure que la confiance envers les entreprises s’améliorera et que les dépenses d’infrastructure augmenteront.
Pour ce qui est du Canada, M. Davis estime qu’il a été assez résilient et continuera de profiter de la résilience de l’économie américaine. Il y a des craintes par rapport au commerce entre les États-Unis et le Canada. Mais au bout du compte, il est peu probable que nous assistions à une hausse uniforme et générale des droits de douane et des mesures de protection, pour la bonne raison qu’ils sont difficiles à orchestrer et à mettre en place », dit M. Davis, faisant remarquer que les chaînes d’approvisionnement sont de plus en plus mondialement intégrées.
Il est peu plausible que les menaces d’abandon de l’Accord de libre-échange nord-américain se concrétisent, dit M. Davis, mais l’accent sera mis sur les accords commerciaux et on va examiner la mondialisation de plus près. « En fin de compte, la mondialisation n’est pas l’ennemi. J’espère bien que l’on va davantage apprécier la raison principale pour laquelle la proportion des emplois dans le secteur manufacturier a diminué dans chaque économie industrialisée, à savoir la technologie, dit M. Davis. Si les mesures de protection s’intensifient, les marchés émergents seront les plus touchés. Ce que j’espère, c’est que la mondialisation ralentisse un peu, mais pas que le processus s’inverse. »
M. Davis dit que les marchés boursiers sont devenus quelque peu complaisants, comme en témoigne une faible volatilité et des mesures d’évaluation élevées, comme le ratio cours-valeur comptable. « Les évaluations ne sont pas contradictoires avec des rendements solides, dit-il, et elles intègrent des rendements plus élevés qu’il y a deux ou trois ans. La soif du risque des investisseurs est une chose positive. Ces quatre facteurs combinés ont été généralement associés à des rendements boursiers inférieurs à la moyenne l’année ou les deux années suivantes. »