L’année 2024 pourrait connaître un record de migration des grandes fortunes dans le monde, selon le média économique américain CNBC, qui a interrogé le cabinet d’avocats Henley & Partners, spécialisé dans les « visas dorés ». Ces programmes offrent aux étrangers fortunés le droit de vivre et travailler d’un autre pays, ou d’en acquérir la citoyenneté, en échange d’un investissement important.
Les citoyens fortunés de toutes les nationalités sont de plus en nombreux à vouloir acquérir une nationalité supplémentaire. Une deuxième, voire troisième ou quatrième citoyenneté, au cas où ils devraient fuir leur pays, comme Peter Thiel, cofondateur de Paypal, qui possède un passeport néo-zélandais, ou l’ex-PDG de Google, Eric Schmidt, qui revendique la nationalité chypriote, rapporte CNBC.
À l’échelle mondiale, le nombre de riches citoyens en quête de cieux plus cléments pour jouir de leur fortune ne cesse de croître. En 2024, on estime ainsi que quelque 128 000 citoyens fortunés changeront de pays, comparativement à 120 000 en 2023 et 51 000 en 2013.
Discrète Dominique
Les pays dont les passeports sont les plus recherchés sont le Portugal, Malte, la Grèce et l’Italie. Ils proposent tous des politiques de « visas dorés » aux investisseurs étrangers.
La Dominique, une petite île discrète des Caraïbes, a défrayé la chronique lorsque l’homme d’affaires québécois Daniel Langlois et sa compagne y ont été assassinés en décembre 2023. Il est apparu que le principal accusé dans cette affaire était accrédité comme agent dans le cadre du programme de « citoyenneté par investissement ». Ce programme permet d’obtenir la citoyenneté dominiquaise en échange d’un investissement de 200 000 $ US dans l’immobilier ou d’un don de 100 000 $ au gouvernement.
La Dominique compte parmi les principaux émetteurs de passeports dorés dans le cadre de ce programme avec Saint-Kitts, Vanuatu, Grenade, Antigua, indique à la BBC le Dr Kristin Surak, professeur agrégé de sociologie politique à la London School of Economics et auteur du livre The Golden Passport: Global Mobility for Millionaires.
Pour devenir citoyen de la petite île située entre la Martinique et la Guadeloupe, nul besoin de résider sur son sol ni même d’y accoster. Le passeport est valide pendant 10 ans et peut être renouvelé à vie, à condition que la citoyenneté du pays ne soit jamais révoquée. En 2021, ce programme a rapporté plus de la moitié de ses revenus à l’État dominiquais, soit 448 millions de dollars (M$), sur un budget total de 813 M$.
Le montant requis pour obtenir un « visa doré » varie selon les pays. Il va d’un investissement de 100 000 $ dans l’immobilier au Panama, jusqu’à un dépôt de 21,4 M$ dans une institution financière établie au Luxembourg.
Une assurance contre les risques
Certains pays demandent un certain nombre d’années de résidence sur le territoire avant d’obtenir la citoyenneté : 5 ans au Portugal avant d’obtenir la citoyenneté, 7 ans en Grèce et 10 ans en Italie.
L’obtention d’un « visa doré » est la meilleure assurance possible contre les risques économiques et politiques dans un monde instable, indique Henley & Partners sur son site Web
« Dans un contexte d’instabilité mondiale croissante, détenir un autre passeport, en particulier d’un pays considéré comme plus neutre ou politiquement plus clément, constitue désormais une précieuse solution de secours », a déclaré à CNBC Dominik Volek, chef du groupe des clients privés de la firme.
Blanchiment d’argent et corruption
Il existe environ 60 pays offrant des visas dorés, selon Kristin Surak. La Turquie est à l’origine d’environ la moitié des ventes annuelles mondiales de citoyenneté. Certains passeports sont plus recherchés. Pendant les cinq dernières années, le Japon et Singapour ont dominé le classement des passeports qui ouvrent le plus grand nombre de portes. Ils ont été rejoints par l’Espagne, l’Allemagne, la France et l’Italie. Le passeport canadien, qui donne accès à 188 pays, arrive en 7e position des plus recherchés.
Les programmes de passeports dorés sont controversés car ils favorisent la corruption, le blanchiment d’argent et l’aggravation de la crise du logement pour les populations locales, selon l’ONG Transparency Internationale. Le Premier ministre de l’Espagne, Pedro Sanchez, a d’ailleurs signalé qu’il envisageait d’abandonner ce système en raison de la spéculation commerciale qu’il engendre et de la pression qu’il exerce sur le marché du logement.