Les chiffres du Commodity Futures Trading Commission (CFTC) en date du 9 mai indiquent que le solde des positions non-commerciales montrent un découvert de plus de 85 000 contrats, un record. En faisant l’hypothèse que l’économie canadienne n’implosera pas, il est difficile d’imaginer un niveau de pessimisme plus élevé sur le huard, selon Krishen Rangasamy, économiste principal à la Financière Banque Nationale.
Depuis la mi-avril, le huard était en chute libre et touchait 0,7290 $US jeudi dernier. Pourtant les résultats économiques du premier trimestre au Canada sont enviables. Selon les prévisions des économistes, le PIB montrera une croissance entre 3% et 4% lorsque tous les chiffres auront été compilés.
Les investisseurs ont décidé de mettre plutôt l’emphase sur les propos négatifs de la Banque du Canada, les inquiétudes quant au marché immobilier canadien, le risque relié aux menaces protectionnistes de la nouvelle administration à la Maison-Blanche et la baisse du prix du pétrole, explique Krishen Rangasamy.
L’annonce conjointe lundi par l’Arabie Saoudite et la Russie de la volonté de prolonger pendant encore neuf mois les coupures de production de pétrole convenues en décembre dernier a permis un certain rebond du huard, mais rien de vraiment significatif, du moins pour l’instant. Est-ce un manque de confiance? «Nous demeurons sceptiques quant au succès de ce type d’entente bilatérale pour réduire la quantité de pétrole disponible compte tenu qu’une augmentation de production aux États-Unis, au Canada ou en Iran, entre autres, peut rapidement compenser», répond M. Rangasamy.
Renversement de tendance
Toutefois, il est fréquent sur les marchés financiers qu’un titre change diamétralement de direction lorsque la grande majorité des positions détenues par les spéculateurs sont du même côté.
Compte tenu de leurs positions actuelles sur le dollar canadien, Éric Corbeil, économiste principal, Valeurs mobilières Banque Laurentienne, pose la question: «Est-ce que les participants du marché ne sont pas soudainement devenus trop négatifs à l’endroit du huard et qu’un simple revirement de tendance pourrait entrainer une forte appréciation de la devise?». Une approche à contre-courant peut-être profitable lorsque le sentiment des négociateurs évolue aussi radicalement sur une aussi courte période de temps, rappelle-t-il.
Certains événements pourraient agir comme élément catalyseur et entrainer une amélioration du sentiment envers le dollar canadien au cours des prochaines semaines, explique M. Corbeil. «Nous pourrions assister à un rebond du prix du pétrole, ou encore voir la Banque du Canada adopter un ton plus positif envers les perspectives économiques», dit-il.
Écarts de taux d’intérêt
Par ailleurs, la principale raison de la faiblesse du dollar canadien est l’élargissement des écarts de taux d’intérêt entre le Canada et les États-Unis, phénomène qui devrait se poursuivre, selon Hendrix Vachon, économiste principal chez Desjardins. «La Réserve fédérale américaine va probablement effectuer plusieurs hausses de taux avant que la Banque du Canada n’emboîte le pas», dit-il. «L’économie canadienne a bien fait au premier trimestre, mais on perçoit maintenant plusieurs écueils à l’horizon», ajoute-t-il.
Chez Desjardins, on ne s’attend pas une plus grande dépréciation à partir du niveau actuel. «On pourrait toucher 0,72 $US, mais pas plus», dit M. Vachon. «Toutefois, il ne faut pas s’attendre à une forte remontée cette année. Ça ne surviendra pas avant l’an prochain, alors que la Banque du Canada passera à l’action», ajoute-t-il.