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Comment expliquer ce phénomène? Comment les conseillers en placement et les planificateurs financiers peuvent-ils aider les clients concernés à redresser leur situation financière avant qu’il ne soit trop tard?

Causes XXIe siècle

L’endettement actuel croissant des aînés découle de plusieurs facteurs ponctuels. « Nous n’avons pas la même génération d’aînés qu’il y a 10, 15 ou 20 ans », observe Maxime Gauthier, chef de la conformité à Mérici Services financiers. « Les baby-boomers n’ont pas les mêmes comportements de consommation. Ils sont dans l’immédiateté; ils veulent en profiter maintenant », dit-il. Une grande différence, selon lui, avec la génération dite tranquille, qui était dotée d’une discipline budgétaire plus grande.

Planificateur financier et administrateur agréé aux Services financiers Groupe Investors, Gaétan Veillette ajoute au tableau actuel, notamment la prospérité économique, les taux d’intérêt bas, la diminution des charges familiales et la possibilité de profiter de certains programmes de retraite anticipée ou de régimes de retraite avantageux. « Ce groupe d’âge pèche par excès de confiance », juge cependant M. Veillette.

Les données de Statistique Canada indiquent également que la dette hypothécaire pèse lourdement sur les finances des aînés. Cette dette, si elle est consacrée à améliorer l’habitation, est saine en soi, conviennent les spécialistes interrogés. C’est quand on l’affecte à des besoins autres que la situation se complique. « Malheureusement, on a recours à la marge de crédit pour payer le Winnebago, le spa ou les voyages. Ces dépenses devraient être acquittées avec des liquidités », soutient Matthew Leblanc, conseiller en sécurité financière, planificateur financier et directeur à IG Gestion de patrimoine, région Dorval-Gatineau. « Le danger d’utiliser cette marge pour maintenir un rythme de vie fait en sorte qu’un endettement perpétuel s’installe », prévient-il.

Cette mauvaise planification s’accompagne souvent de stéréotypes liés à la vision de la retraite. « Il faut déconstruire une idée largement répandue : une maison, ce n’est pas un fonds de retraite », souligne Maxime Gauthier. « Même si vous vendez votre maison, il faudra bien que vous vous logiez ailleurs pour le reste de votre vie! »

Il ajoute que certains de ses clients ne s’inquiètent pas outre mesure de leurs finances, alléguant qu’on n’a qu’une vie à vivre et qu’ils se débrouilleront avec ce qu’ils auront quand ils ne travailleront plus. « Beaucoup de gens idéalisent leur retraite ou encore éludent cette question », déplore M. Gauthier. « Si l’on pousse ce mode de vie-là trop loin par rapport à notre loyer, on vient mettre en péril des années d’épargne.»

Conséquences

Ceux et celles qui doivent décaisser en cas de difficultés financières peuvent être victimes de baisses de marché. « Ce sont des pertes absolues, parce qu’on ne reverra jamais ces fonds-là qu’on sort du marché. On n’épargne plus, on n’investit plus », fait remarquer Matthew Leblanc.

Il rappelle que les régimes d’entreprise à prestations déterminées ont pratiquement disparu au profit des régimes à cotisations déterminées. De plus, si une faillite d’entreprise survient, elle peut torpiller des projets de retraite quand elle entraîne la saisie totale ou partielle des régimes de retraite ou l’absence de toute indexation des prestations.

Une des grandes conséquences de l’endettement des aînés est liée au transfert intergénérationnel. « La majeure partie des actifs détenus par des particuliers au Canada appartient aux citoyens de 50 ans et plus. Compte tenu du vieillissement de la population, l’endettement des personnes âgées sera davantage une problématique sociétale et pour les familles, notamment dans le cas d’une succession », précise Gaétan Veillette.

Maxime Gauthier témoigne que la plupart de ses jeunes clients ne s’attendent pas à recevoir un héritage important de leurs parents, parce que ceux-ci ont contracté des dettes.

Confrontés à une situation difficile, plusieurs aînés doivent souvent se résoudre à retourner sur le marché du travail. En décembre dernier, des données de Statistique Canada indiquaient que 50 % des aînés qui travaillaient ou souhaitaient travailler le faisaient par nécessité. Dans une étude publiée en 2016, l’Institut de la statistique du Québec était arrivé aux mêmes conclusions.

Solutions

Les trois spécialistes interrogés martèlent le même message pour renverser cette tendance inquiétante de l’endettement : les conseillers doivent informer, éduquer et inciter les aînés à la prudence, toujours et encore. « Il faut revenir à la base. Nous devons faire un barème. Si le client a travaillé pendant 35 ans de sa vie (de 30 à 65 ans par exemple), a-t-il suffisamment de fonds pour vivre les 30 prochaines années? », demande Matthew Leblanc. Il constate que pour beaucoup d’aînés, l’épargne est un luxe (ils épargneront s’ils le peuvent), alors que ce volet de leurs finances doit faire partie intégrante d’un bon budget.

« Ça ne veut pas dire de retracer chaque dépense à la cenne, mais simplement d’être conscient de nos revenus et de nos dépenses, et qu’il y ait une relation raisonnable entre les deux », résume Maxime Gauthier.

Gaétan Veillette recommande aux conseillers en sécurité financière d’écarter, si possible, toute intention de retraite anticipée chez leurs clients. Il énumère également une série de moyens susceptibles d’aider les aînés à économiser une fois à la retraite, comme de ne conserver qu’une seule auto familiale, de bien réclamer toutes leurs déductions fiscales, de réduire leurs dépenses ou encore de mettre en location occasionnelle une résidence secondaire.

Outre la consultation d’un planificateur financier ou d’un conseiller en sécurité financière certifié, Matthew Leblanc fait valoir l’importance des séminaires sur la planification de la retraite, organisés par de nombreuses institutions financières et cabinets de services financiers. « Le plus grand fléau, c’est l’endettement par rapport à l’incapacité de subvenir à ses besoins. L’éducation facilite la capacité des aînés de dépenser, d’épargner, mais aussi de bien vivre cette transition vers leurs vieux jours.»