La Banque du Canada est plus préoccupée qu’elle ne l’était il y a un an par les risques posés par l’endettement élevé des ménages pour le système financier canadien, car les taux d’intérêt plus élevés font grimper le coût des prêts hypothécaires, indique-t-elle dans sa nouvelle revue du système financier.
La hausse des coûts d’emprunt fait en sorte que davantage de ménages pourraient être confrontés à des pressions financières dans les années à venir, tandis qu’une baisse des prix de l’immobilier a réduit l’avoir propre foncier des propriétaires, a précisé jeudi la banque centrale dans son rapport annuel.
La banque a expliqué que de nombreux Canadiens avaient moins de flexibilité financière après avoir étiré leur budget pour entrer sur le marché du logement en contractant des hypothèques importantes avec de longues périodes d’amortissement.
« L’allongement de l’amortissement réduit le montant des paiements mensuels et les coûts du service de la dette, mais prolonge la période de vulnérabilité des ménages puisque l’avoir propre foncier s’accumule plus lentement », a souligné la banque centrale.
Une grave récession mondiale qui fait chuter davantage les prix des logements pourrait entraîner davantage de défauts de paiement sur les prêts. Si ces défaillances devaient se produire à grande échelle parmi les prêts hypothécaires non assurés, dont l’avoir propre foncier est négatif, cela pourrait se traduire par des pertes de crédit substantielles pour les prêteurs canadiens.
« Même si la plupart (des ménages) se montrent résilients face à la hausse des coûts du service de la dette, on commence à observer les premiers signes de tension financière », indique le rapport.
« Les coûts élevés du service de la dette et le faible niveau de l’avoir propre foncier rendent les ménages plus vulnérables à un défaut de paiement en cas de baisse de revenu. Une profonde récession qui serait accompagnée d’un fort chômage pourrait entraîner davantage de défauts de paiement et donc des pertes de crédit pour les prêteurs. L’augmentation des pertes de crédit amène généralement les banques à restreindre les crédits qu’elles accordent aux ménages et aux entreprises, ce qui peut amplifier une récession. »
Alors qu’environ un tiers des prêts hypothécaires ont vu leurs paiements augmenter par rapport à février 2022, juste avant la récente campagne de hausse des taux de la Banque du Canada, presque tous les emprunteurs devraient faire face à des paiements plus élevés d’ici 2026.
Les versements hypothécaires pourraient grimper jusqu’à 40 % en trois ans pour ceux qui ont des hypothèques à taux variable avec des paiements fixes, tandis que ceux qui ont des hypothèques à taux fixe pourraient voir leurs paiements augmenter de 20 % à 25 % par rapport aux niveaux de 2022.
Conséquences des récentes crises bancaires
Entre-temps, les récentes crises bancaires aux États-Unis et en Suisse ont révélé des vulnérabilités dans le contexte actuel de taux d’intérêt élevés, a indiqué la Banque du Canada dans son rapport.
Bien que les répercussions sur le Canada des récentes tensions dans le secteur bancaire mondial aient été limitées, la banque centrale a rappelé que les ruées aux guichets à la Silicon Valley Bank et à la Signature Bank aux États-Unis, plus tôt cette année, montraient à quelle vitesse les choses pourraient se détériorer.
Les faillites bancaires américaines ont souligné la nécessité pour les institutions canadiennes d’être plus vigilantes alors qu’elles s’adaptent à des taux d’intérêt plus élevés, a-t-il ajouté, notant que « les banques du pays demeurent robustes, mais elles ne sont pas à l’abri de ce qui se passe ailleurs dans le monde ».
« Les retraits massifs auprès de ces institutions se sont déroulés rapidement par rapport à ce qu’on a vu par le passé, ce qui montre que les médias sociaux et les services bancaires numériques peuvent accélérer de tels mouvements », a indiqué la banque.
« Les événements récents nous rappellent que des tensions peuvent émerger rapidement quand les modèles d’entreprise ne sont pas assez robustes pour faire face à des hausses de taux d’intérêt ou à la volatilité des prix des actifs. »
La banque centrale a indiqué que si le coût du financement de gros pour les grandes banques canadiennes devait augmenter considérablement en raison des tensions financières mondiales, cela pourrait amener les institutions canadiennes à resserrer leurs conditions de prêt.
La Banque du Canada, qui a augmenté son taux d’intérêt directeur pour le faire passer de 0,25 % en mars 2022 à 4,50 % en janvier, a expliqué que des ajustements à des taux d’intérêt plus élevés pourraient également exacerber des tensions telles que la liquidité fragile sur les marchés des titres à revenu fixe.
Le stress financier augmente également parmi les petites entreprises. Environ la moitié des petites et moyennes entreprises qui ont reçu un soutien gouvernemental pendant la pandémie ont indiqué, dans une enquête de Statistique Canada, qu’il leur serait difficile de rembourser ces fonds d’ici la fin de cette année.
La banque centrale affirme que la stabilité financière pourrait également être menacée par une potentielle cyberattaque majeure, en particulier dans le contexte de conflits géopolitiques comme l’invasion russe de l’Ukraine, et par des phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents associés au changement climatique.
Elle surveille également la croissance des cryptoactifs et leurs interconnexions avec le système financier, mais a noté qu’ils ne constituent pas encore une menace systémique en raison de la taille relativement petite de ces marchés par rapport au secteur financier au sens large.