L’atteinte de l’équilibre budgétaire s’annonce comme un défi de taille pour le gouvernement québécois au cours des prochaines années, et ce, avec ou sans les hausses salariales prévues dans le secteur public, avance un nouveau rapport de l’Institut du Québec (IDQ).
Publiées lundi, à la veille du dépôt du budget du ministre des Finances, Eric Girard, les simulations de l’IDQ laissent entrevoir que la croissance des revenus pourrait avoir du mal à suivre celle des dépenses à long terme.
Après un ralentissement pour l’exercice financier de 2024-2025, la croissance des revenus pourrait connaître un rebond, se situant entre 3,2 et 3,6 % annuellement de 2025-2026 à 2028-2029.
Par la suite, la hausse des revenus s’annonce plus faible, soit autour de 2,8 %, jusqu’en 2034-2035, en raison d’une croissance économique anticipée plus modeste, estime l’IDQ.
Quant aux dépenses, les simulations suggèrent que la progression pourrait s’établir entre 2,7 et 3,4 % annuellement de 2025-2026 à 2034-2035.
« On voit que ce sera plus difficile de ralentir la croissance des dépenses que ce qu’on espérait, ce qui fait qu’à terme l’obligation d’équilibre budgétaire va rester contraignante, même à court terme », résume la directrice générale de l’IDQ, Emna Braham, en entrevue.
Sans une quelconque intervention du gouvernement, « les simulations anticipent une aggravation des déficits » sur le long terme, indique le rapport de l’institut.
« Ce déséquilibre souligne l’avènement d’un déficit structurel à plus longue échéance, où sans changements de politique budgétaire, les dépenses dépasseraient systématiquement les revenus », ajoute-t-on.
Québec a l’obligation de présenter un budget équilibré après les versements au Fonds des générations en vertu de la Loi sur l’équilibre budgétaire. Toutefois, les modifications adoptées à la loi en décembre dernier offrent plus de flexibilité au gouvernement quant au moment de présenter son plan de retour à l’équilibre budgétaire, souligne l’IDQ.
Effet « indéniable » à court terme
À l’issue des négociations pour le renouvellement des conventions collectives en éducation, le premier ministre François Legault a prévenu en février que le choix « d’investir massivement dans les services publics va avoir des conséquences financières ».
Il a précisé que le prochain budget sera « largement déficitaire » et a soulevé l’hypothèse d’un report du retour à l’équilibre budgétaire.
Dans sa note, l’IDQ propose des simulations montrant à la fois l’effet sur les dépenses avec et sans les hausses salariales prévues dans le secteur public.
À court terme, l’impact de ces hausses est « indéniable sur l’augmentation des dépenses », mentionne l’organisation. Pour l’année financière 2024-2025, la progression aurait été de 1,1 % sans l’augmentation des salaires, contre 2,3 % si l’on en tient compte.
« L’impact, il est important. Par contre, à partir de l’année suivante, qu’on prenne en compte ou non les hausses salariales, nos simulations (montrent) que les taux de croissance sont assez similaires », mentionne Emna Braham.
Et concernant le solde budgétaire, il pourrait être négatif jusqu’en 2026-2027 « que l’on considère ou non l’impact sur les dépenses des hausses salariales » du secteur public, selon l’IDQ.
À plus long terme, ce sont d’autres facteurs qui auront une influence « avec en tête la croissance des coûts de santé qui entraîneront une hausse des dépenses plus rapide que celle des revenus », peut-on lire dans le rapport.
« Le vieillissement de la population va venir peser sur les dépenses de l’État. Et à plus long terme, on n’arrive pas à faire augmenter notre potentiel économique parce que la population monte moins rapidement et on n’a pas fait de gains de productivité », fait valoir Emna Braham.
Dans ce contexte, le gouvernement se trouve à « l’heure des choix difficiles » et devra établir des priorités pour respecter son obligation de l’équilibre budgétaire, estime l’IDQ.
Selon Emna Braham, il devra « maintenir une discipline budgétaire rigoureuse », tout en investissant pour s’assurer de la croissance économique du Québec afin d’augmenter les revenus de l’État.
L’IDQ prône également un maintien des versements au Fonds des générations afin de diminuer le poids de la dette.