La Réserve fédérale des États-Unis est confrontée à un ralentissement du marché du travail ainsi qu’à des prix constamment élevés, a déclaré mardi son président Jerome Powell dans un témoignage au Congrès qui suggère qu’une réduction du taux directeur est de plus en plus proche.
La Fed a fait des « progrès considérables » vers son objectif de vaincre la pire flambée d’inflation depuis quatre décennies, a affirmé Jerome Powell dans son témoignage devant la commission sénatoriale des banques survenu un peu plus tard mardi.
« L’inflation s’est considérablement atténuée » au cours des deux dernières années, a-t-il ajouté, même si elle reste toujours supérieure à l’objectif de 2 % fixé par la banque centrale.
Jerome Powell a souligné qu’une « inflation élevée n’est pas le seul risque auquel nous sommes confrontés ». Réduire les taux « trop tard ou trop peu pourrait affaiblir indûment l’activité économique et l’emploi », a-t-il dit.
Le président de la Fed s’adressait au comité sénatorial lors de la première des deux journées de témoignages semestriels devant le Congrès. Mercredi, il témoignera devant le comité des services financiers de la Chambre.
De mars 2022 à juillet 2023, la Fed a relevé son taux directeur à 11 reprises pour atteindre son plus haut niveau en deux décennies à 5,3 % pour lutter contre l’inflation, qui a culminé à 9,1 % il y a deux ans.
Ces hausses ont fait augmenter les taux des prêts hypothécaires, des prêts automobiles et des cartes de crédit, entre autres formes d’emprunt. L’objectif était de ralentir les emprunts et les dépenses et de refroidir l’économie.
Mardi, Jerome Powell a noté que les rapports sur l’inflation couvrant les trois premiers mois de cette année n’avaient pas renforcé la confiance des responsables de la Fed dans leur maîtrise de l’inflation.
« Les chiffres sur l’inflation les plus récents ont cependant montré quelques progrès modestes supplémentaires », a déclaré Jerome Powell au comité sénatorial, « et des données plus fiables renforceraient notre confiance dans le fait que l’inflation évolue durablement vers 2 % ».
Gregory Daco, économiste en chef du cabinet de conseil EY, a déclaré qu’il pensait que « l’accent mis par Jerome Powell sur les risques bilatéraux pesant sur les perspectives était le bienvenu, même s’il était un peu tard ». Gregory Daco a ajouté qu’il pensait que la Fed devrait réduire son taux directeur lors de sa réunion de juillet. Autrement, a-t-il suggéré, les entreprises pourraient bientôt multiplier les licenciements à mesure que l’économie ralentit.
Marché refroidi, mais fort
Dans le passé, Jerome Powell et d’autres décideurs de la Fed ont souligné à plusieurs reprises que la vigueur de l’économie et le faible taux de chômage signifiaient qu’ils pouvaient être patients avant de réduire les taux et attendre de s’assurer que l’inflation était réellement maîtrisée.
Mais mardi, il a affirmé que le marché du travail s’était « refroidi tout en restant fort ». Il a ajouté que la croissance de l’économie s’était modérée après une forte expansion au second semestre de l’année dernière. La semaine dernière, le gouvernement a annoncé que les embauches étaient restées fortes en juin, bien que le taux de chômage a augmenté pour un troisième mois consécutif à 4,1 %.
Le marché du travail « n’est pas une source de pressions inflationnistes généralisées pour l’économie », a dit le président de la Fed alors qu’il se faisait interroger.
Le témoignage préparé par Jerome Powell mardi n’a pas inclus ce que les investisseurs de Wall Street surveillent de plus près : une indication claire du moment où la Fed pourrait procéder à sa première baisse de taux. Mais ses commentaires vont probablement renforcer les attentes des investisseurs et des économistes selon lesquelles la première réduction interviendra lors de la réunion de septembre de la banque centrale.
« Il ne semble pas probable que la prochaine mesure politique soit une augmentation du taux », a affirmé Jerome Powell en réponse à une question du sénateur Jack Reed, un démocrate du Rhode Island. « À mesure que nous progressons en matière d’inflation (…), nous commençons à assouplir notre politique au bon moment. »
Jerome Powell a aussi déclaré aux sénateurs que la Fed et d’autres régulateurs financiers réviseraient une proposition de l’année dernière qui aurait considérablement augmenté le montant de capital que les banques seraient tenues de détenir pour compenser les pertes potentielles.
Les plus grandes banques américaines se sont vigoureusement opposées à cette proposition. Elles ont fait valoir que des exigences de fonds propres plus strictes les auraient contraintes à réduire les prêts aux consommateurs et aux entreprises.
Les institutions financières américaines ont diffusé des publicités télévisées contre cette proposition, connue sous le nom de « dispositif de Bâle III », qui reflétait les résultats des négociations internationales sur la surveillance financière qui ont émergé de la crise financière de 2007-2008. Jerome Powell a dit que les trois principaux régulateurs financiers — la Fed, la Federal Deposit Insurance Corp. et le Bureau du contrôleur de la monnaie — étaient sur le point de s’entendre sur une nouvelle proposition qui serait soumise aux commentaires du public.
Dans son témoignage, Jerome Powell a également souligné le statut de la Fed en tant qu’institution indépendante, qui, selon lui, « est nécessaire pour adopter une perspective à plus long terme » en matière de politique de taux d’intérêt et d’inflation.
Augmenter les coûts d’emprunt pour tenter de ralentir la hausse des prix est souvent politiquement impopulaire, et les économistes pensent depuis longtemps qu’il est nécessaire de protéger les banques centrales des pressions politiques pour leur permettre de prendre de telles mesures.
« On a l’impression que la Réserve fédérale pose un jalon avant la prochaine élection présidentielle », a affirmé Joe Brusuelas, économiste au sein du cabinet de conseil fiscal RSM.
Au cours de sa présidence, Donald Trump, dans une attaque très inhabituelle de la part d’un président en exercice, a dénoncé à plusieurs reprises Jerome Powell, qu’il avait nommé président de la Fed, pour avoir augmenté les taux d’intérêt. Donald Trump a déjà indiqué qu’il ne nommerait pas Jerome Powell s’il était à nouveau élu président.
La semaine dernière, Jerome Powell a déclaré lors d’une conférence de politique monétaire au Portugal qu’il y avait eu « pas mal de progrès en matière d’inflation », ce que les responsables de la Fed ont déclaré qu’ils devaient voir de manière cohérente avant de se sentir suffisamment en confiance pour réduire les taux. En mai, l’inflation sur un an est tombée à seulement 2,6 %, selon la Fed, soit un peu au-dessus de son objectif de 2 % et en forte baisse par rapport à son pic de 7,1 % il y a deux ans.
Jeudi, le gouvernement publiera ses derniers résultats sur l’indice des prix à la consommation (IPC). L’IPC devrait afficher une augmentation annuelle de seulement 3,1 % en juin, contre 3,3 % en mai.
De tels signes de ralentissement de l’inflation, ainsi que des preuves d’un ralentissement de l’économie et du marché du travail, ont intensifié les appels à la Fed pour qu’elle abaisse son taux directeur. Plusieurs sénateurs démocrates, dont Elizabeth Warren du Massachusetts, membre clé de la commission sénatoriale des banques, ont écrit des lettres à Jerome Powell, l’exhortant à commencer à réduire le taux.
La probabilité d’une baisse du taux directeur de la Fed en septembre est d’environ 76 %, selon CME FedWatch, contre seulement 50 % il y a un mois.
Les commentaires de Jerome Powell la semaine dernière et le compte rendu de la réunion de juin de la Fed publié la semaine dernière ont renforcé cette probabilité. Le président de la Fed a noté que l’inflation avait repris son ralentissement après que les données des trois premiers mois de cette année ont suggéré que l’inflation pourrait s’accélérer.