« Ce n’est pas une crise des banques régionales américaines, il s’agit plutôt de cas isolés », affirmait Gerard S. Cassidy de RBC Marchés des Capitaux lors d’un Webinaire organisé le 26 avril par CFA Montréal. Invité comme conférencier dans la foulée de la banqueroute de la Silicon Valley Bank, le directeur-général, responsable de la stratégie d’actions des banques américaines et analyste des banques à grande capitalisation, s’est montré rassurant quant à la vitalité du secteur bancaire américain.
L’un des problèmes principaux de la Silicon Valley Bank et des deux autres banques qui ont connu pareille débâcle – ou presque, soit Signature Bank et First Republic Bank, concernait selon lui la concentration de dépôts non assurés.
« Les premiers retraits ont déclenché une sorte de mouvement très rapide de retraits massifs pour ces banques », explique Gerard S. Cassidy. Il y a eu une sorte d’effet d’entraînement par la suite vers d’autres banques, mais ce mouvement a été contenu rapidement par les autorités réglementaires, notamment avec la création par la Réserve fédérale américaine du Bank Term Funding Program (BTFP). « À l’exception de ces trois banques, on n’a donc pas observé d’effet de contagion. Les retraits massifs sont terminés. »
Il a aussi pointé du doigt la concentration de grands déposants au sein d’une même banque et recommandé plus de transparence à ce chapitre. « Les banques visées ont crû très rapidement et cela aurait dû envoyer quelques signaux d’alerte. Les régulateurs dans l’Ouest ont dormi aux commandes. »
Le conférencier invité s’est dit fort étonné par la rapidité de la chute de la Silicon Valley Bank et tout autant par la vitesse à laquelle les dépôts ont rapidement été retirés. « En l’espace de deux jours, cette banque est passée de stable à insolvable. Ils ont perdu plus de 42 G$ de dépôts en une seule journée. »
Pour Gerard S. Cassidy c’est d’ailleurs l’un des points sur lequel devraient s’attarder les gendarmes financiers. « C’était sans précédent, mais cela nous indique que ça prend peut-être des mécanismes de protection – une sorte de barrière – pour prévenir de tels retraits soudains et massifs. » Il convient que cela va représenter un défi énorme et rappelle que l’agitation dans les médias sociaux a peut-être aussi contribué à nourrir cette crise et à précipiter la chute de l’entreprise. « On assistait en quelque sorte à cette scène de la personne qui crie au feu dans une salle de cinéma. »
Selon l’expert, ce sont le groupe de banques avec des actifs dans une fourchette de 100 à 700 G$ qui risquent de faire l’objet de nouvelles réglementations à l’avenir. « Cela pourrait aussi les forcer à conserver davantage de liquidités. »
Le modérateur, Bernard Gauthier, directeur général et gestionnaire de portefeuille, actions canadiennes chez Jarislowsky Fraser Ltée, a signalé à son invité que le secteur bancaire américain semblait plus sujet à expérimenter des soubresauts dans ses activités, comme on l’a vu récemment et auparavant lors de la crise financière de 2008-2009.
Gerard S. Cassidy a rappelé quelques différences inhérentes aux deux marchés, tant sur le plan politique que culturel. « D’abord, il n’y pas un seul organisme de réglementation, mais plusieurs. Ce serait différent si, comme au Canada, nous avions seulement 6 ou 8 banques qui contrôlaient 90% des actifs bancaires. Nous avons environ 4 600 banques, 3 000 de celles-ci ne sont pas négociées publiquement. Nous avons aussi de petites banques locales qui servent leur communauté et dont la date de création remonte au XIXe siècle. »
S’il ne croit pas que le nombre de banques présentes aux États-Unis puisse diminuer de façon draconienne à moyen terme, il s’attend à ce que la consolidation et la concentration de l’actif bancaire se poursuivent. Il fait remarquer que l’industrie s’est déjà beaucoup consolidée depuis les années 1980. « Nous comptions plus de 18 000 de banques au pays. Et la part de marché du top 10 actuel a aussi crû considérablement. »
Si les régulateurs peuvent accélérer la cadence afin d’approuver les fusions et acquisitions, on pourrait observer selon lui une certaine accélération de la consolidation dans les années à venir. « Mais ce qui prenait 6 à 9 mois auparavant prend dorénavant de 12 à 18 mois. C’est ce que ça prend selon Washington afin que tout soit fait dans les règles de l’art. » Les autres écueils ont trait selon lui à trois conditions clés, soit la capacité à trouver un président-directeur général, un siège pour l’entreprise et un nom pour celle-ci. « Cet emploi de PDG reste très convoité, mais si vous parvenez à remplir ces trois conditions vous pouvez boucler l’affaire. »
Interrogé à propos de la récente chute du cours de l’action de plusieurs des titres bancaires américains et de leur attractivité, le directeur-général à RBC Marchés des Capitaux a rappelé que le secteur dans son ensemble se négociait actuellement à des niveaux historiquement bas. « Pour l’investisseur à long terme qui veut ouvrir des positions dans le secteur c’est un moment propice pour le faire, car ces titres ont été délaissés et sont mal aimés, les multiples sont bas, et à ces niveaux plusieurs de ceux-ci représentent de très bonnes occasions d’achat. »